13 photographies si puissantes et symboliques qu'elles ont changé le cours de l'Histoire et ont eu un impact phénoménal sur la société

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La puissance des images… On dit bien, il est vrai, qu’une image vaut mille mots et que la photographie est parfois le meilleur moyen de raconter certaines histoires. Et en effet, certaines photographies ont véritablement transformé le monde à leur manière : elles ont changé le cours de l’histoire, elles ont eu un impact phénoménal dans la société — pour le meilleur ou parfois, pour le pire.

Vous doutez encore de la possibilité, pour une simple image figée sur une pellicule, d’avoir une signification si forte, un impact si démesuré qu’elle peut à elle seule stopper des guerres, sauver des vies, réécrire la vision d’une société, retourner un point de vue, mener une nation entière à la dictature, révolutionner des courants de pensées ou matérialiser toute la souffrance d’un peuple ? Alors voici quelque chose qui devrait vous faire changer d’avis !

Le projet « 100 photos » du journal Time propose de redécouvrir les 100 photos qui ont le plus marqué le monde. Dans cette sélection qui présente les images les plus influentes, on retrouve des clichés venus de toutes les époques… Demotivateur vous présente l’histoire qui se cache derrière quelques-unes de ces photos mythiques.

Boulevard du Temple – Louis Daguerre, 1839
Louis Daguerre

Ce modeste cireur de chaussure parisien ne se doutait pas un seul instant, ce matin d’été 1839, qu’il allait rentrer dans l’histoire en devenant le premier être humain au monde jamais photographié !

Avant ce cliché, les personnes n’avaient été représentées que par des œuvres d’art comme des peintures ou encore des sculptures. Mais lorsque Louis Daguerre fixa sa lentille à une fenêtre donnant sur une rue de Paris en exposant une plaque de cuivre recouverte d’argent, tout cela changea d’un seul coup, bousculant l’histoire de l’Humanité, et questionnant jusqu’au principe même de l’art et de la légitimité de la représentation réaliste de la nature en peinture.


Un peuple qui s’éteint — Edward S. Curtis, 1904
Edward S. Curtis

Les peuples Amérindiens durent payer un lourd tribut lors de l’invasion des États-Unis par les Européens. Massacrés, évincés de leurs terres ancestrales puis relégués au rang d’attractions touristiques dans des réserves, forcés à abandonner leur culture pour être « assimilés » à celle des colonisateurs, ils étaient condamnés à disparaître. Un jeune photographe et ethnologue, un certain Edward Sheriff Curtis, l’avait bien compris : face à la destruction imminente de cette civilisation, il s’est donné comme devoir de documenter le mode de vie des Indiens d’Amérique, grâce à la photographie.

À travers son regard, ils ne sont plus des sauvages à « civiliser » ni des primitifs assoiffés de sang, mais un peuple noble, une culture humaine à part entière. Il a pu sauver, juste à temps, la mémoire de ces peuples, la faire passer au-delà des clichés colonialistes et de l’indifférence, qui auraient marqué la véritable destruction des Amérindiens, la pire qui soit : l’effacement par l’oubli.


Couple en manteaux de fourrure — James VanDerZee, 1932
James VanDerZee

Pour beaucoup d’américains Blancs dans les années 1930, les Noirs étaient encore largement associés à une image de domestiques, d’anciens esclaves, de cueilleurs de coton. Ils étaient ignorés, invisibles, oubliés. Mais en regardant à travers l’objectif de son appareil photo, James VanDerZee voyait tout autre chose. Afin de contrer les caricatures et les clichés dégradants profondément ancrés dans la culture populaire, le photographe s’est mis à capturer des mariages à Harlem, des funérailles, des familles, mais également des artistes, écrivains et leaders d’opinion afro-américains qui nourrissaient la Renaissance Noire d’Harlem.

Il essayait toujours de représenter ses sujets selon la manière dont ces derniers se mettaient eux-mêmes en scène, et prenait grand soin de célébrer ces images que les sujets cherchent à projeter. Ce couple métissé, vêtu de manteaux de fourrure à côté d’une Cadillac pimpante, est à contre-courant de tous les clichés, à rebours de toutes les images imposées par la société sur les rapports entre les Blancs et les Noirs. Un véritable défi lancé par l’image aux perceptions populaires de race, classe sociale, et sur la notion même de succès — un coup de tonnerre photographique qui inspirera une vision renouvelée du fameux « rêve américain » pour toutes les générations à venir.


Hitler, lors d’un défilé du parti Nazi — Heinrich Hoffmann, 1934
Heinrich Hoffmann

Le spectacle, le visuel, l’art de porter les foules : voilà quel était le principal carburant du nazisme. Heinrich Hoffmann, le photographe personnel et le confident d’Adolf Hitler, a contribué pour une grande partie à l’emprise et à la force du dictateur. Vendant ces images de luxe tonitruant et quasiment carnavalesques à un peuple allemand blessé, ce maître de la propagande est sans doute l’homme qui a permis à Hitler de se maintenir au pouvoir et d’être aussi terriblement efficace.

Cette photographie en est l’illustration parfaite : la rigidité symétrique mais cependant pleine d’extravagances, le public en adoration, les troupes qui saluent : toute cette fantaisie, cet étalement de richesse devait servir à donner une image fantasmée de la splendeur de la race aryenne, un discours qui touche au cœur un peuple allemand blessé, humilié et désillusionné après la défaite de la Première Guerre Mondiale. Le travail d’Hoffmann a alimenté toute la propagande nazie. C’est un témoignage terrifiant de la puissance de l’image, de la force du message visuel, et de la capacité, pour celui qui maîtrise ces outils, de manipuler une nation tout entière jusqu’à faire basculer un monde entier dans une guerre destructrice.


Nuage atomique au-dessus de Nagasaki — Lieutenant Charles Levy, 1945
Lieutenant Charles Levy

Trois jours après que la bombe atomique surnommée « Little Boy » ne tombe sur la ville japonaise d’Hiroshima, l’armée Américaine lâche un second engin de mort, la bombe « Fat Man », au-dessus de Nagasaki. L’explosion pulvérisa la vile, provoquant une colonne de 14 000 mètres de haut de poussière radioactive et de débris. Le lieutenant Charles Levy, à bord du bombardier, a ressenti le choc puissant provoqué par l’impact de la bombe de 20 kilotonnes. Il se souvient : « C’était violet, rouge, blanc, plein de couleurs, un peu comme un café en ébullition. Ça se déplaçait comme une chose vivante. »

Le lieutenant prit 16 photographies terrifiantes de cette arme qui allait transformer à jamais les rapports de force et les guerres humaines, tandis que la bombe arrachait les vies de plus de 80 000 personnes. Les photos montrant les scènes de dévastation provoquées par la bombe furent censurées, seule cette image, qui montre la taille immense du champignon atomique dans l’air, circula largement. Cette censure eut pour effet de façonner l’opinion des américains en faveur de la Bombe, poussant la nation Américaine tout entière à célébrer l’entrée dans l’âge atomique au lieu d'en condamner l'horreur — et prouvant, s'il était nécessaire de le prouver, que l’histoire est toujours écrite par les vainqueurs.

Dalí Atomicus — Philippe Halsman, 1948
Philippe Halsman

Lorsque Philippe Halsman réalisait un portrait, il voulait « capturer l’essence » de la personne qu’il photographiait. Alors, quand il a voulu faire le portrait du peintre surréaliste Salvador Dali — son ami et collaborateur de longue date, il savait pertinemment qu’un simple portrait ne suffirait pas à retranscrire un tel personnage sur pellicule ! S’inspirant des œuvres de Dali, il a mis en place une scène complètement improbable, mêlant effets d’optique, objets suspendus par du fil en nylon, et véritable mouvement figé en l’air.

Il aura fallu 26 prises pour capturer la composition voulue. Le travail d’Halsman marque une révolution, un véritable tournant dans la manière de réaliser des portraits en photographie : au portrait traditionnel dans lequel le sujet est clairement immobile et détaché du photographe, Halsman oppose le mouvement, l’émotion et un véritable rapport d’intimité entre le sujet et le photographe, dans un mouvement qu’il a nommé « Jumpologie ». Son travail a inspiré des générations de photographes.


L’Invasion de Prague — Josef Koudelka, 1968
Josef Koudelka

Un instant gelé dans le temps, ou bien le tic-tac d’une montre qui marque les dernières minutes de liberté du peuple tchécoslovaque : à six heures du matin, le 20 août 1968, les chars soviétiques pénètrent dans Prague et prennent rapidement le contrôle de la ville. Le « socialisme à visage humain » apporté par Alexander Dubcek n’était pas du goût de l’URSS.

Josef Koudelka, un jeune ingénieur né en Moravie, était présent au moment des faits, capturant un instant tragique : l’étranglement d’une société, un sentiment d’abandon, de perte et de vide. Cette photo a redéfini le genre du photojournalisme. Elle fut pendant longtemps publiée anonymement pour ne pas mettre en danger son auteur, qui craignait les représailles.


Lever de Terre — William Anders, NASA, 1968
William Anders, NASA

Il y a des instants qui marquent des tournants majeurs dans l‘Histoire. En l’occurrence, lorsque l’astronaute américain Wiliam Anders a appuyé sur le bouton déclencheur de son appareil photographique Hasselblad, il savait très bien ce que ce simple geste signifiait. C’était un 24 décembre, très exactement 75 heures, 48 minutes et 41 secondes après que la navette Apollo 8 a décollé du sol pour devenir la toute première mission en orbite autour de la Lune avec des passagers humains. En cette veille de Noël, les astronautes Frank Borman, Jim Lovell et Bill Anders sont entrés en orbite autour de la Lune.

L’année 1968 avait été une année sanglante, douloureuse pour les États-Unis et pour le monde, déchiré par la guerre et la violence. Après avoir fait le tour de l’orbite, le vaisseau émergea de la face sombre de la lune. Soudain, quelque chose d’incroyable s’est produit sur l’horizon gris, aride et désolé du satellite : une petite boule bleue, qui semblait éclore, comme un œuf, une planète si belle, perdue aux confins de la voie lactée, qui abritait malgré tout la vie, si petite et si précieuse. Les passagers de la mission Apollo assistaient au premier « lever de Terre ». Cette image a connu un retentissement énorme… peut-être parce que lorsqu’on voit ce cliché et que l’on se dit que tout ce que l’on connaît, tout ce que l’on a vu, tous les êtres qui nous sont chers, tous les lieux où l’on s’est rendu se trouvent tous confinés là, sur ce petit bout de planète perdu au milieu de l’immensité glacée du cosmos, on se sent bien petit… Et on se dit aussi que la vie, malgré la haine et la violence, reste une chose sacrément formidable.

La Terreur de la Guerre — Nick Ut, 1972
Nick Ut

Le vrai visage de la guerre — celui qui montre la terreur, la désolation et la mort, n’est pas toujours celui que l'on cherche à nous donner à voir. Cette photographie, bien au contraire, ne nous épargne rien : on y voit Phan Thi Kim Phuc, petite fille vietnamienne de 9 ans, fuyant le napalm. Après avoir pris la photo, le photographe porte immédiatement secours à l’enfant gravement brûlé, contribuant à sauver sa vie.

Cette photographie eut un effet énorme sur le monde, et elle est aujourd’hui l’une des photographies les plus connues : elle montrait au monde l’atrocité de la guerre au Vietnam, choquant le public qui se mobilisera ensuite massivement pour la paix et la fin de la guerre… Le président américain Richard Nixon lui-même demanda si cette photographie était une fausse, suite à quoi le photographe Nick Ut répliqua « L’horreur de la guerre du Vietnam n’a pas besoin de retouches, croyez-moi. » L’année suivante, en 1973, le photographe gagne le prix Pulitzer, et la guerre du Vietnam prend finalement fin.


Les dernières heures de Salvador Allende — Luis Orlando Lagos, 1973
Luis Orlando Lagos

Salvador Allende fut le premier chef d’État démocratiquement élu avec un programme marxiste. Lors de son élection à la tête de la république Chilienne, il avait fait la promesse de transformer le pays. Il commença par nationaliser les compagnies possédées par les États-Unis, il transforma les grandes propriétés en coopératives autogérées, augmenta les salaires des ouvriers. Mais bientôt, sous le poids de l’embargo économique, les temps deviennent de plus en plus durs : l’économie s’effondre, l’inflation et la misère s’installent.

En août 1973, Allende nomme un certain Augusto Pinochet à la tête de l’armée. Dix-huit jours à peine plus tard, le général ultraconservateur orchestre un coup d’État, avec l’appui des services secrets des États-Unis, et prend le pouvoir afin d’imposer une dictature militaire. Allende refuse de céder le pouvoir et préfère faire face, jusqu’à la mort. Armé d’une AK-47 et protégé par quelques gardes demeurés loyaux, il fait passer un tout dernier message à la radio. Le son des coups de feu est audible en arrière-fond. Alors que le palais présidentiel de Santiago est bombardé, Luis Orlando Lagos, le photographe officiel de Salvador Allende, capture ses derniers instants. Peu de temps après, le président se suicide tandis que le photographe s’enfuit afin de sauver sa propre vie. La dictature de Pinochet durera 17 ans et 40 000 Chiliens furent interrogés, torturés de la pire manière, ou tout simplement tués. Beaucoup disparurent dans des conditions obscures, et leurs familles recherchent encore leurs corps à l’heure actuelle. Luis Orlando Lagos publia sa photo anonymement, par peur des représailles — Ce n’est qu’après sa mort, en 2007, que l’identité de l’auteur de la photo fut finalement connue.


Les Piliers de la Création — NASA, 1995
NASA

Il s’en est fallu de peu pour que le télescope spatial Hubble ne soit un échec retentissant pour l’agence spatiale américaine : lancé en 1990 à bord de la navette spatiale Atlantis, bien après la date de lancement planifiée, il avait dépassé de loin le budget qui lui était attribué et pour couronner le tout, le gigantesque miroir qui lui permettait de réfracter les images s’est distordu une fois dans l’espace, à cause d’un défaut de fabrication. Ce n’est qu’en 1993 qu’une mission de réparation le rend à nouveau opérationnel.

En 1995, le télescope livre finalement ses premières images… Et cela valait la peine d’attendre : l’appareil avait en effet capturé une image de l’Univers si claire et si belle qu’elle fut surnommée les « Piliers de la Création ». Ce que l’on voit sur cette image est un gigantesque amas d’étoiles situé à 6 500 années-lumière de la planète Terre, quelque part dans la constellation du Serpent. Ces spectaculaires fumerolles sont en fait d’incommensurables nuages de poussière interstellaire, sculptés par des vents de particules venus des étoiles. En voyant ces images, pour la première fois, l’humanité s’est rendu compte à quel point elle était incroyablement petite et insignifiante face à la grandeur et à la majesté de l’Univers. Lorsque ces images furent diffusées au public, elles ébranlèrent la société plus que n’importe quel grand discours ou démonstration scientifique ne l’aurait fait.


L’homme qui tombe — Richard Drew, 2001
Richard Drew

Le 11 septembre 2001, le monde est en état de choc suite aux attentats du World Trade Center aux États-Unis. Alors que la plupart des images qui circulent montrent les immeubles qui s’effondrent ou les avions qui explosent, la photographie de Richard Drew est l’un des seules qui montre un individu, un homme en train de mourir.

Elle deviendra un des symboles du choc ressenti, et cet homme dont l’identité exacte n’est toujours pas connue aujourd’hui deviendra un symbole, suspendu à jamais dans l’histoire


Petite fille Irakienne sur un check point militaire — Chris Hondros, 2005
Chris Hondros

Quelques instants avant que le photographe et reporter de guerre Chris Hondros ne prenne ce cliché épouvantable, cette petite fille était assise sur le siège arrière de la voiture de sa famille, et rentrait tranquillement chez elle avec son papa et sa maman. Au moment où le photographe appuie sur la détente de l’appareil photo, la petite Samar n’est plus qu’un cri dans la nuit, une enfant brisée, une énième orpheline. Ses parents ont tous les deux été abattus par des soldats américains, qui ont ouvert le feu en pensant que la voiture était celle d’insurgés Irakiens.

Ce genre de drame brutal est malheureusement courant en temps de guerre, mais il est moins courant qu’il soit documenté en temps réel et de manière aussi crue. Ce cliché fut publié le jour suivant et eu l’effet d’un énorme coup de poing dans le bide pour la société américaine : l’opinion publique, déjà très sceptique quant à l’utilité et à la légitimité de cette guerre, commence à s’interroger de plus en plus sur les raisons qui poussent l’armée américaine à massacrer ce peuple qu’ils prétendent être venus libérer et protéger… Le photographe Chris Hondros fut tué pendant la guerre civile en Libye, en 2011.

Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste