Colombie : huit millions d'arbres vont être plantés pour la paix, dans la forêt Amazonienne. Après plus d'un demi-siècle de guerre civile, c'est sans aucun doute le mémorial plus beau (et le plus utile) du monde !

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Le plus vieux conflit armé interne au monde a officiellement pris fin hier. Après quarante-quatre mois de négociations, un traité de paix entre le gouvernement et les guérilleros des FARC (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie) a finalement été signé hier, le 24 août.

Si ce traité ne vaut pas encore « officiellement » comme un accord de paix définitif (il doit encore être signé, puis ratifié par plébiscite par le peuple colombien) on peut néanmoins déclarer sans prendre de gros risques que cette guerre, vieille de plus d’un demi-siècle, est bel et bien finie.

Les négociateurs célèbrent la conclusion de l'accord, à La Havane, Cuba (Photo : Reuters/Alexandre Meneghini)

Un moment d’émotion intense pour les Colombiens, dont la plupart d’ont encore jamais connu de période de paix de leur vivant. Et pour ériger un monument en hommage à cette paix, qui puisse être un symbole à la hauteur de l’évènement et permettre au pays d’accomplir son devoir de mémoire, ils ont eu une magnifique idée.

Car ce n’est pas une tour, ni une statue, ni même un mémorial qui viendra honorer les mémoires de tous ceux qui ont perdu la vie… mais bien une gigantesque forêt !

AP

En effet, vendredi dernier, la Colombie a lancé un vaste programme de reforestation, afin de célébrer dans les règles sa paix retrouvée, tout en accomplissant un geste utile pour l'environnement.

Le pays va planter 8 millions d’arbres — chaque plante honorant, telle une stèle végétale, la mémoire de l’une des 8 millions de victimes du conflit armé qui a ravagé ce pays pendant 52 ans.

Des combattant-e-s des FARC (photo : AFP)


Une victime, un arbre

C’est le président Juan Manuel Santos qui a planté le premier arbre près de la ville de Mitú, au sud-est du pays, non loin de la frontière Brésilienne. Un geste symboliquement accompli par un chef d’État qui finalisait alors les négociations pour un traité de paix avec les chefs de la guérilla des FARC (Forces Armées Révolutionnaires Colombiennes). L’accord a finalement été bouclé et rendu public hier, mercredi 24 août.

Zone touchée par la déforestation en Amazonie (photo HO Ibama)

Ce beau projet porte le double objectif d’être à la fois un gigantesque monument à la mémoire des nombreuses victimes (déplacés, morts, mutilés) d’un des conflits armés les plus meurtriers de notre époque, tout en permettant la reforestation d’une partie de l’Amazonie, forêt dont on estime qu’elle a perdu plus de 600 000 km2 de sa surface en dix ans à cause d’une exploitation intensive. Les sympathisants du monde entier pourront participer à la cause via une collecte réalisée par l’ONG « Saving the Amazon » afin de soutenir le projet.


« Cette forêt de Paix sera gérée et contrôlée par les Communautés Indigènes de la région qui savent, mieux que quiconque, comment en prendre soin. »


Juan Manuel Santos a déclaré que chaque arbre qui sera planté, dans la mesure du possible, portera le nom d’une victime.

« Nous planterons plus de huit millions d’arbres, c’est un devoir de mémoire en hommage à toutes ces victimes, afin que jamais plus nous ne reproduisions les atrocités du conflit armé que cette guerre aura provoqué. »

En plantant le premier arbre, Santos a également indiqué que les personnes du monde entier pouvaient se joindre à la cause en aidant à financer la plantation d’un arbre sur la plate-forme de financement, pour ainsi avoir « son propre arbre » dans la forêt.
Juan Manuel Santos inaugure le projet en plantant le premier arbre (via Twitter)

« Nous voulons donner l’opportunité au monde entier de contribuer à la paix en Colombie, mais également, à la préservation de l’humanité et de la planète en accomplissant un geste important pour l’environnement. »

Toujours selon la déclaration Santos, les tribus des peuples natifs joueront un rôle primordial dans l'entretien de cette forêt. Par leur grande connaissance du milieu, les habitants originaux de la forêt pluviale seraient en effet les plus compétents pour prendre soin de ce mémorial végétal. 

« Cette forêt de Paix sera gérée et contrôlée par les Communautés Indigènes de la région qui savent, mieux que quiconque, comment en prendre soin », a-t-il ainsi déclaré dans son discours.

Indien Kogi de Colombie (AP)

Depuis l’indépendance de la Colombie en 1830, les guerres civiles se sont enchaînées sans interruption, avec de brèves périodes de paix. La dernière de ces guerres civiles fut le conflit armé Colombien, qui a débuté à la fin des années 50, ce qui en fait la plus longue guerre d’Amérique Latine.

Le conflit oppose au départ des milices paysannes, organisées par des civils pour se défendre contre les exactions des militaires. Ces milices s’organisent ensuite sous la forme d’une guérilla marxiste, auxquelles viennent bientôt s’opposer des groupes paramilitaires d’extrême-droite (dont les Autodéfenses, un groupe qui sera désarmé dans les années 2000). Le conflit s’embourbe entre révolutionnaires d’extrême-gauche et contre-révolutionnaires d’extrême-droite.

Au cours de ce conflit, on estime que près de 260 000 personnes ont été tuées, dont 80 % de victimes civiles. 45 000 personnes sont toujours portées disparues, et plusieurs millions ont été déplacées.

Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste