Plongé dans une affaire d'agression sexuelle sur des adolescentes, Moore dit « le Fou de Dieu » est désavoué par les urnes

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Aux États-Unis, les Républicains risquent de se réveiller avec une sévère gueule de bois. Contre toute attente, le juge Roy Moore, candidat ultraconservateur à l'élection sénatoriale de l'Alabama et chouchou de Donald Trump, a été battu par son adversaire, le démocrate Doug Jones. Un scénario jugé jusque-là comme totalement impensable dans cet état du "sud profond", très religieux et conservateur, dont l'électorat est d'ordinaire largement acquis au parti républicain.

Donald Trump lors de sa campagne, en Mars 2016 / Windover Way Photography, Shutterstock

Le vote devait désigner le remplaçant de Jeff Sessions, l'ancien sénateur républicain d'Alabama, connu pour son racisme et sa fervente opposition à l'IVG. L'homme ayant été promu procureur général des Etats-Unis (l’équivalent du ministre de la Justice) par Donald Trump, il fallait trouver un nouvel occupant pour le siège laissé vacant à la chambre haute. Et ce nouvel occupant aurait dû, logiquement, être un nouveau candidat républicain. 

Surnommé « le Fou de Dieu », le Juge Moore, 70 ans au compteur, créationniste et anti-IVG, représentait le candidat idéal au poste. Il bénéficiait donc de l'appui et du soutien total de Donald Trump, malgré les accusations d'agressions sexuelles qui le visent. Débordant de confiance et apparemment sûr de sa victoire « imperdable », l'ultraconservateur était venu voter sur son cheval, et a clamé qu’il « arrivait au Sénat »

Portrait dessiné de Roy Moore / Sewonboy, Shutterstock

Mais voilà : le candidat démocrate Doug Jones, que tous les sondages plaçaient pourtant perdant, a réussi l'incroyable : après un dépouillement particulièrement serré, il est finalement passé en tête, récoltant 49,9% des voix contre 48,4% pour Roy Moore. Ce résultat inattendu fragilise la majorité du Grand Old Party au Sénat, qui ne tient plus qu'à un seul siège (51 Républicains contre 49 Démocrates). 

Comme on peut l'imaginer, la déception était donc intense dans le QG du Républicain. Refusant d'abord de croire les chiffres, Moore et ses lieutenants ont exorté leurs partisans à « prier » et à « garder la foi », jusqu'au dernier moment. Après la fin des dépouillements officiels des scrutins, le « Fou de Dieu » n'acceptait toujours pas sa défaite : « Quand le vote est si serré, ce n'est pas terminé », a-t-il proclamé à la foule, expliquant que, selon la loi de l'Alabama, si moins de 0,5 point séparait le vainqueur du perdant, un nouveau comptage des voix devait avoir lieu. « Nous devons attendre un signe de Dieu », espérait-il encore.

Pourtant, en dépit de toutes les implorations au Ciel, tous les médias étaient formels : avec une différence de 20 000 voix, la victoire était clairement acquise à Doug Jones. Donald Trump lui-même s'est même fendu d'un tweet, reconnaissant à contrecœur la victoire du candidat démocrate. 



Un effet de la libération de la parole des femmes face aux agressions sexuelles ?

Si la débâcle des Républicains en Alabama représente à l'évidence un coup dur pour Donald Trump et fragilise un peu plus le parti majoritaire, l'autre raison qui met les États-Unis en ébullition reste son caractère totalement imprévu. Ce petit État du Sud se trouve en effet au cœur de la « Bible Belt », une zone s'étendant dans le sud-est du pays et où se concentre un nombre élevé d'ultraconservateurs et de fondamentalistes chrétiens. 

Mais selon toute vraisemblance, c'est le vote des femmes qui a fait basculer la balance en faveur du candidat Démocrate. Selon un sondage de sortie des urnes, indépendamment de leurs opinions politiques, elles auraient voté pour Doug Jones à près de 57%, contre 42% seulement pour Moore.

Roy Moore est actuellement plongé au cœur d'un scandale, refaisant surface suite à l'affaire Weinstein. Neuf femmes l’accusent d’avoir commis sur elles des agressions sexuelles alors qu’elles n’étaient que des adolescentes, et lui âgé d’une trentaine d’années. Des accusations que le candidat a accueillies avec mépris, et en les réfutant systématiquement.

Ce pourrait être l'un des premiers effets dans les urnes du mouvement #MeToo, la version anglophone de #Balancetonporc qui, suite à l'éclatement du scandale concernant le producteur Harvey Weinstein, a eu pour effet de libérer la parole des femmes victime d'agressions ou de harcèlement  à travers le monde entier.


Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste