En Turquie, les femmes manifestent avec le slogan «Touche pas à mes vêtements», pour avoir le droit de s'habiller comme elles veulent

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Le droit de s’habiller comme on veut n’est pas équivalent dans tous les pays ! Ces derniers jours, ce sont les femmes turques qui défendent ce droit, en manifestant dans la rue. Elles ont revendiqué leur droit de s’habiller selon leurs envies, avec un slogan scandé à l’unisson à Ankara, à Izir ou à Istanbul : « Touche pas à mes vêtements ».

Ces manifestations font suite aux agressions qu’il y a eu ces derniers mois à l’encontre de jeunes femmes, qui n’étaient pas habillées «convenablement». En juin, pendant le ramadan, un homme a frappé une jeune femme dans un bus parce qu’il s’est senti «provoqué» par son short.

Le 29 juillet, un des gardiens du parc Maçka à Istanbul, a agressé verbalement une jeune styliste qui portait un débardeur un peu trop décolleté pour lui… Il a alors décidé d’appeler la police, mais une fois sur place, les policiers se sont dits impuissants à trancher le litige. Le gardien a par la suite été suspendu par la mairie, embarrassée par l’affaire, relayée par les réseaux sociaux, et la jeune femme a porté plainte contre lui.

Crédit photo : Le devoir

Ces affaires ont provoqué de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux et de nombreuses femmes ont décidé de se rassembler pour manifester. Dilber Sunetciogl, une des femmes présentes sur place, le dimanche 6 août a déclaré à Le Monde : « Impossible de ne pas réagir à cette montée de l’intolérance ». Elle décrit une société qui se montre de plus en plus intolérante et machiste envers les femmes : « Il n’est pas rare d’entendre des reproches du genre : “ En tant que femme, que fais-tu à cette heure-ci dans la rue ? ” C’est inadmissible ».

Crédit photo : Sans compromis

La normalisation d’un tel comportement inquiète de plus en plus les féministes, qui constatent qu’un discours sexiste est d'ailleurs promu par le parti au pouvoir (AKP). Cela fait suite à plusieurs déclarations faites depuis des années. En 2002, le président Recep Tayyip Erdogan a recommandé aux femmes de mettre au monde au moins trois enfants, déclarant incomplètes, celles qui n’ont jamais donné naissance. L’un des fondateurs de l’AKP, Bülent Ari disait en 2016 qu’au nom de la «décence», il ne fallait pas laisser rire les femmes en public.

Crédit photo : Des filles font une protestation silencieuse à Taksim le 19 juin 2013 à Istanbul, en Turquie / Shutterstock

Gülsüm Kav, qui dirige l’ONG Halte au féminicide, constate la dégradation de la situation : « À chaque changement de régime en Turquie, les femmes trinquent. Les autorités veulent contrôler leurs vêtements, leurs corps, limiter leur liberté. Actuellement, nous allons vers la mise en place d’un régime islamique, donc les femmes sont à nouveau sur la sellette. Les islamo-conservateurs sont sûrs d’eux car ils se sentent portés par un vent de misogynie planétaire. L’époque est aux machos comme Trump, Poutine, Erdogan, qui n’ont qu’une idée en tête, limiter la liberté des femmes ».

Crédit photo : Des manifestants musulmans non identifiés en Turquie qui protestent contre le système éducatif le 12 avril 2009 à Istanbul, en Turquie / Shutterstock

La situation ne s’améliore pas pour autant, elle se dégrade même. D’après les chiffres de l’ONG Halte au féminicide, le nombre de femmes tuées en Turquie augmente, passant de 237 en 2013 à 328 en 2016. Et cette année, le nombre de femmes tuées lors du premier semestre de 2017 est même supérieur à celui de l’année dernière.

Crédit photo : Protestation contre la violence à l'égard des femmes. Dans les mains d'une femme, "violence, abus, arrêt de viol" porte la bannière / Shutterstock

En ce qui concerne la loi, les projets préparés par les islamo-conservateurs sont inquiétants, en 2016, le gouvernement avait proposé de suspendre les condamnations pour agressions sexuelles sur mineures si le violeur épousait la victime. Elle a finalement été abandonnée après les nombreuses réactions, dont celle de Sümeyye Erdogan, la fille du président. Mais d’autres mesures suscitent de vives tensions, tel que le projet de faire du mariage religieux un équivalent du mariage civil, ouvrant les portes aux mariages précoces d’après les féministes.

Source : Le Monde

Au sujet de l'auteur : Timothé Goyat

Journaliste