Frais bancaires disproportionnés : une enquête de 60 millions de consommateurs dénonce les « abus » des banques

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En banque, les clients les plus fragiles sont aussi ceux qui payent le plus de frais bancaires, dénonce 60 millions de consommateurs. Dans une enquête publiée ce jeudi 26 octobre, le magazine de défense des consommateurs alerte sur des pratiques « qui ne font qu’enfoncer les clients dans leurs difficultés financières ».

Fort de près de 600 témoignages appuyés par le recensement des chiffres des frais bancaires annuels d'un panel de consommateurs, l'étude comparative a découvert que les clients en difficulté « se voient prélever près de 300 euros de frais par an contre huit à neuf fois moins – 34 euros – pour les clients lambda en moyenne ». Un matraquage systématique, qui rapporte 5 milliards d'euros de bénéfices nets par an... Soit le tiers de leur chiffre d'affaires annuel.

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Cependant, et toujours selon cette étude réalisée avec l'appui des chiffres de l'Union nationale des associations familiales (UNAF), les plus pauvres ne sont pas forcément les plus touchés. En réalité, le phénomène touche tout particulièrement les classes moyennes : « la victime-type n’appartient pas forcément aux populations les plus pauvres », assure 60 millions, qui estime au contraire que les frais augmentent proportionnellement aux revenus mensuels lorsque ces derniers dépassent 2 000 euros chez les clients en difficulté.

Ainsi, les personnes qui gagnent 1 000 € par mois versent, en moyenne, 154 €, alors que ceux qui gagnent en moyenne 2 000 € par mois, salariés du public comme du privé ou retraités, sont ponctionnés de 352 €.


Un mécanisme impitoyable qui enfonce encore plus ceux qui peinent déjà à se relever 

Au départ, rien de plus normal que de devoir payer des frais bancaires en guise d'intérêts, lorsqu'un paiement est prélevé sur un compte qui ne dispose pas des frais suffisants : en effet, l'établissement bancaire «prête» de l'argent pour permettre au paiement d'être honoré même si son client ne dispose plus des fonds suffisants. Mais, en plus de prélever les agios sur le découvert, les banques prélèvent aussi une « commission d’intervention », un frais supplémentaire censé rémunérer le travail de l'analyse de la situation par le conseiller.

Or, ces frais seraient totalement injustifiés dans plus de la moitié des cas : 54 % des conseillers affirment ne pas intervenir eux-mêmes pour facturer cette commission d’intervention, selon une enquête de la CGT Banque Assurance. Et pourtant, presque toutes les banques (à l’exception notable de la Banque postale) font payer le montant maximum autorisé par la loi, révèle 60 millions.

Au bout de dix commissions, le plafond légal est atteint, et la banque passe alors aux rejets des paiements. C'est alors qu'un terrible mécanisme s'enclenche : car chaque rejet de paiement est, lui aussi facturé, et ce au maximum légal pour la grande majorité des banques :  30 euros pour le rejet d'un chèque s’il est inférieur à 50 euros, 50 euros s’il est d’un montant supérieur. Et toute demande de prélèvement refusée d'un montant supérieur à 20 euros est impitoyablement tarifée de 20 euros, dans l'écrasante majorité des banques.

Homme lisant une facture / Shutterstock

En accumulant les opérations, c'est une véritable avalanche de frais qui s'enchaîne, et on peut donc très vite se retrouver ponctionné d'une somme considérable... alors même que l'on est supposé se trouver dans une situation où l'on peine à se redresser.

Les personnes concernées se retrouvent alors très vite embarquées dans un cercle vicieux, dans lequel leur espoir de voir sa situation bancaire s'améliorer se dégrade de jour en jour, tout en rapportant des marges parfois totalement indécentes aux banques.

Là aussi, les prix font parfois le grand écart d'un établissement à l'autre : la Banque Postale, établissement public, fait figure de bon élève selon les chiffres obtenus par 60 millions : elle prend, en moyenne, entre 10 et 160 euros de frais par an, tandis qu'à la BNP Paribas, on ponctionne... 663 euros en moyenne pour un client qui connaît des difficultés.


Des frais « punitifs »... qui rapportent en réalité très gros aux banques

Comment les banques expliquent-elles ces tarifs qui peuvent vite devenir exorbitants si l'on n'y prête pas attention ? Elles mettent en avant le préjudice que les retards de paiement peuvent représenter pour elles, ainsi que les frais de traitement des dossiers (injustifiés dans de nombreux cas, donc puisque bien souvent les opérations sont automatisées)

Ce qu'elles oublient souvent de dire, en revanche, c'est combien les « négligences » de leurs clients leur rapportent par an : selon les estimations du magazine, ce chiffre s'élèverait à près de 5 milliards d'euros de bénéfices nets par an. Soit le tiers de leur chiffre d'affaires annuel !

60 millions explique ainsi que, pour les établissements bancaires, « l’ensemble de ces frais liés aux incidents de fonctionnement est très rémunérateur. Ils représentent 30 à 35 % du chiffre d’affaires des banques de détail, soit 6,5 milliards de chiffre d’affaires [brut] chaque année. »

Un jeu de Monopoly / Shutterstock

Une situation qui affecte aussi les employés du secteur bancaire

Même si les pénalités infligées aux clients sont responsables d'une grande partie du chiffre d'affaires des banques, l'avalanche des frais punitifs est très mal vécue par tous : bien sûr, les clients ont le sentiment que leur banquier se fait de l'argent sur le dos de leur misère... mais du côté des employés du secteur bancaire, qui n'ont pas non plus de prise sur le système et qui doivent faire face aux réclamations, on déplore aussi l'agressivité et le cynisme de ce système.

Selon les banquiers interrogés par 60 millions, les frais bancaires disproportionnés seraient responsables de la grande majorité des incivilités des clients, qui se multiplient en agence. Une colère grandissante qu'il est pourtant difficile de dédaigner, tant les familles en difficulté peuvent souffrir en raison de la violence de l'accumulation des frais, provoquant une situation où elles se retrouvent de plus en plus surendettées.

L’UNAF, qui a contribué à l'enquête, espère pouvoir sensibiliser les pouvoirs publics, et demande un encadrement du système des frais bancaires.

Édité par l'Institut national de la consommation (INC), une institution publique au service des consommateurs, le magazine 60 millions est chargé de produire et de mettre à disposition du public des informations indépendantes des fabricants et des distributeurs.

Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste