En larmes, Justin Trudeau présente les excuses officielles du gouvernement canadien aux victimes de l'homophobie

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CANADA : Des milliers de fonctionnaires, de policiers ou de militaires canadiens ont vu leur carrière, et parfois même leur vie, brisée en raison de leur orientation sexuelle jusqu'au début des années 90, à cause de discriminations perpétrées par les gouvernements successifs. Ils ont reçu le 28 novembre les excuses officielles du Premier ministre Justin Trudeau, qui s'est exprimé devant le Parlement, dans un discours chargé d'émotion. Les victimes de l'homophobie d'État vont être enfin reconnues et indemnisées financièrement par le gouvernement. Tout en présentant ses excuses au nom des gouvernements passés, Justin Trudeau n'a pas pu contenir ses larmes.

Capture d'écran / Youtube

Ce 28 novembre, le Canada a présenté ses excuses officielles pour les milliers de fonctionnaires, de militaires et de policiers qui, en raison de leur orientation sexuelle, ont été victimes de discrimination de la part du gouvernement. Le Premier ministre Justin Trudeau a en effet reconnu publiquement « l'oppression, la criminalisation et la violence systématique » dont ont été victimes les membres de la communauté LGBTQ.

Le gouvernement incarné par Justin Trudeau est régulièrement salué pour son ouverture au regard des droits LGBTQ, après avoir notamment instauré pour la première fois le droit à apposer un sexe «neutre» sur les documents d'identité officiels en plus des traditionnelles mentions « F » et « M », l'été dernier. Des récentes évolutions qui, indépendamment de l'élection du jeune candidat libéral en 2015, ont également accompagné un profond changement de mentalité au sein de la société et de l'opinion publique (selon un sondage datant de 2012, seuls 33,6 % de la population s'opposaient encore au mariage entre personnes du même sexe).

Cependant, en dépit de l'image de modernité et d'ouverture renvoyée aujourd'hui au monde par le Canada, les choses n'en ont pas toujours été ainsi :  jusqu'au début des années 90, il existait encore dans le pays des lois profondément homophobes, en particulier envers les employés de l'État — fonctionnaires, policiers ou militaires, qui ont été mis à l'écart, discriminés ou empêchés d'exercer à cause de leur orientation sexuelle.

« Ils ont perdu leur dignité, leurs carrières et ont vu leurs rêves et leurs vies brisées », déclare Trudeau, avant de rappeler qu'au Canada,« jusqu'en 1988, un homme gay qui avait des relations sexuelles avec un autre homme pouvait encore être condamné pour ce qui était encore considéré comme un crime. » En France, si l'homosexualité a été officiellement décriminalisée dès 1791 lors de la Révolution française, les homosexuels étaient encore fichés par la police jusqu'en...1981.

« Il ne s'agit pas là de pratiques distantes de gouvernements anciens et depuis longtemps oubliés ! Cela arrivait de manière systémique, au Canada, dans des temps beaucoup plus récents que ce que n'importe lequel d'entre nous ne voudrait bien le reconnaître » a poursuivi le Premier ministre . « Même si l'on peut voir aujourd'hui le Canada comme une nation moderne, avant-gardiste et progressiste, nous ne pouvons pas pour autant oublier notre passé. L'État a orchestré une culture de stigmatisation et de peur autour de la communauté LGBTQ, et en procédant ainsi, a détruit les vies de nombreuses personnes. »

Émotion visible

Outre les excuses aux victimes de la « chasse aux sorcières » qui visait les membres de la communauté LGBTQ entre les années 1950 et 1990, et dont l'avancement dans leur carrière au sein de la fonction publique a été freiné ou brisé à cause de leur orientation sexuelle, l'État a aussi réhabilité les personnes condamnées pour homosexualité avant sa dépénalisation officielle en 1969.

Justin Trudeau a déclaré vouloir accorder l'amnistie aux personnes injustement condamnées, et avoir également prévu d'indemniser quelque 3 000 victimes pour un peu plus de 100 millions de dollars canadiens (66 millions d'euros).

En reconnaissant enfin publiquement les torts du gouvernement canadien, en choisissant d'endosser les erreurs et les injustices des gouvernements successifs qui ont perpétué la discrimination contre la communauté LGBT, c'est un message puissant qui est relayé par le Premier ministre canadien.

L'émotion de Trudeau était d'ailleurs bien visible. Après quelques minutes d'un discours maîtrisé, les nerfs ont finalement lâché et le chef d'état a eu du mal à contenir ses larmes devant le Parlement.

« C'est avec honte, peine et un profond regret que je suis ici aujourd'hui pour reconnaître les torts de l'État envers ses employés, forcés à vivre à l'écart et humiliés. [...] Je suis désolé. Nous sommes désolés. »

Il y a quelques jours, le Premier ministre canadien avait également apporté les excuses officielles du gouvernement canadien aux Nations Premières du Canada, pour des massacres perpétrés sur des communautés autochtones.


Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste