La Vénus de Willendorf, statue préhistorique vieille de plus de 30 000 ans, a été censurée par Facebook... en raison de sa nudité

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L’algorithme de Facebook est au cœur de bien des débats. Bien des choses lui sont reprochées, notamment d’être trop laxiste concernant les contenus postés à caractère violent, beaucoup trop prohibitif en ce qui concerne la nudité, sans parler des bulles de filtrage limitant l’ouverture des idées qu’il est accusé de former, notamment par Eli Pariser, cybermilitant qui a défini ce concept maintes fois repris depuis dans son ouvrage intitulé The Filter Bubble: What the Internet Is Hiding from You, paru en 2011.

Aujourd’hui, l’algorithme est une fois de plus remis en question, tandis qu’il vient de censurer pour cause de nudité une photo de « la représentation préhistorique de femme la plus populaire et la plus connue au monde »… la statuette de Willendorf, de 11 centimètres de hauteur, constituée de calcaire, et vieille de plus de 30 000 ans.

La statuette de Willendorf, trente mille ans, est jugée trop sexy par Facebook qui a tenu à la censurer. Une œuvre affriolante, comme vous pouvez le constater. Crédit photo : Uta Scholl / Shutterstock
2011. Un utilisateur poste sur Facebook un visuel de L’Origine du Monde, célébrissime tableau du peintre réaliste Gustave Courbet, élaboré en 1866. Représentant un sexe féminin, la peinture est censurée par Facebook, qui supprime dans la foulée le compte de l’utilisateur concerné. La raison de cet effacement ? La nudité est purement et simplement prohibée sur Facebook, réseau social sur lequel il est impensable d’entrevoir un téton féminin. L’incapacité de l’entreprise de Mark Zuckerberg (pour ne pas dire son absence de volonté) à ne pas dissocier art et pornographie est depuis le sujet de nombreuses querelles, et force est de constater que peu de choses ont changé à cette échelle en sept ans.

Nous sommes à présent en février 2018, et la firme de Menlo Park, Californie frappe une nouvelle fois. Laura Ghianda, Italienne férue d’art, partage sur le réseau social une photographie de la statuette de Willendorf, que le Musée d’Histoire Naturelle de Vienne expose actuellement. Faite en calcaire, elle représente une femme de 11 cm de hauteur aux formes opulentes, notamment sa poitrine. Automatiquement, l’algorithme du réseau a récidivé, et a supprimé la photo de la statuette et de ses seins considérés trop provocants pour l’hypocrite puritanisme facebookien, insensible à l’art et à l’archéologie. Qu’il s’agisse de seins de pierre ou de seins de chair, rien n’y fait. Toute forme similaire est proscrite dans les fils d’actualité de ses innocents utilisateurs aux yeux purs.

Christian Köberl, directeur du Musée d’Histoire Naturelle de Vienne, a réagi en affirmant n’avoir « jamais entendu parler de quelqu'un qui aurait été heurté à la vue de cette œuvre », et ajouté :

« Il n'y a aucune raison pour que le NHM de Vienne couvre la Vénus de Willendorf [...] et cache sa nudité, que ce soit au musée ou sur les réseaux sociaux ».

Qu’ils datent de la préhistoire ou de maintenant, soient en silicone, en calcaire ou en chair, il n’y a rien à y faire : Facebook a toujours une dent contre les seins, aussi divers soient-ils. En réaction, certains ont cherché à contourner la censure grâce à divers moyens, comme celui de couper les seins en quatre photos distinctes. L’année dernière, l’entreprise californienne déclarait désormais autoriser les photos de poitrines dénudées exprimant un engagement politique ou idéologique ; une résolution dont nous sommes irrémédiablement amenés à douter alors qu’il invite une statue de trente mille années son aînée à aller gentiment se rhabiller.

Suite à cette polémique, le réseau social a tenu à présenter ses excuses par la voix de son porte-parole auprès de l'AFP : « Nous nous excusons pour cette erreur et avons indiqué à l’annonceur que nous approuvons son annonce. Notre politique en matière de publicité ne permet pas la nudité ou la nudité suggérée, mais nous faisons une exception pour les statues, et à ce titre cette annonce aurait dû être approuvée ». Voilà de quoi tout remettre en ordre.

Au sujet de l'auteur : Hugo Nikolov

Journaliste