Le Chili rejette un ambitieux projet minier de plusieurs millions de dollars afin de préserver une espèce de manchot menacée d'extinction

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Il est assez rare que le gouvernement d'un pays privillégie la défense des animaux et de l'environnement au détriment de son propre développement économique, suffisamment rare pour que cela mérite d'être signalé.  

C'est pourtant ce qu'a fait le Chili, lundi 21 août, en refusant un ambitieux projet minier et portuaire dans la région de Coquimbo, réputée pour la grande richesse de sa biodiversité. En cause : dans son état actuel, le projet n'était pas en mesure de garantir la sécurité d’une réserve nationale abritant à elle seule 80 % de la population mondiale de manchots de Humboldt, une espèce en danger d'extinction.

Coincée entre la Cordillère des Andes et l'océan Pacifique, bordée par le courant froid de Humboldt provenant de l'Antarctique et la camanchaga, cette brume côtière humide qui parvient à faire pousser des forêts dans l'une des régions les plus arides du monde, la région de Coquimbo possède un ecosystème unique et fascinant. Des côtes déchirées qui abritent mammifères marins et oiseaux de mer, des déserts désolés qui, tous les dix ans, se couvrent d'un seul coup d'une myriade de fleurs, et les montagnes immenses, imposantes, qui forment comme un infranchissable rempart, il s'agit aussi d'un paradis minéral, de sel, de souffre, de métal et de pierre — dont les richesses souterraines sont convoitées.

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C'est un comité ministériel qui a pris la décision de rejeter le projet, intitulé « Dominga » et porté par la société minière chilienne Andes Iron, une entreprise principalement spécialisée dans l'extraction et l'exploitation du minerai de fer. Le projet était fortement critiqué par les militants en faveur de la défense de l'environnement, à cause du fort impact environnemental qu'il impliquait.  Finalement, c'est le ministère de l'environnement  qui a tranché en leur faveur, estimant les mesures de compensation « insuffisantes » et n'apportant pas assez de garanties pour la préservation de certaines espèces endémiques ou en danger. 

L'activité minière représente l'un des principaux moteurs de l'économie du Chili, ce pays volcanique et montagneux qui est le plus gros producteur mondial de cuivre, avec un tiers de l'offre mondiale. Le projet Dominga représentait un investissement potentiel de 2,5 milliards de dollars, et comportait notamment l'installation de mines à ciel ouvert et la construction d'un port industriel, pour atteindre une production annuelle de 12 millions de tonnes de fer et 150 000 tonnes de concentré de cuivre. Mais les responsables des portefeuilles des ministères ne se sont manifestement pas laissés impressionner par ces gros chiffres, et ont préféré retoquer le projet afin de préserver la sérénité des manchots !

« Nous ne sommes pas contre le développement économique, ni contre les projets nécessaires à la croissance du pays, mais ceux-ci doivent répondre de manière adéquate des impacts qu’ils peuvent engendrer », a déclaré le ministre de l’environnement, Marcelo Mena. « Dans ce cas, la réponse n’était pas adéquate »

Créée en 1990, la Réserve nationale des manchots de Humboldt englobe trois îles situées au large des côtes Chiliennes, au nord de la région de Coquimbo, et couvre plus de 888 hectares. Il s'agit d'un lieu unique au monde et d'un endroit privillégié pour observer le manchot de Humboldt dans son habitat naturel. Cette espèce d'oiseau marin, menacée, a été classée au statut de conservation « Vulnérable » par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Victime de la sur-pêche et de la destruction de son habitat, décimé par le passé à cause de l'exploitation du guano au Chili, sa population actuelle est estimée à 8 000 individus.

Source : Le Monde

Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste