Un(e) artiste trans non-binaire publie une photo provocante pour prouver que « les menstruations ne sont pas seulement réservées aux femmes »

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Né(e) avec un sexe féminin, Cass Clemmer souffre de dysphorie de genre, c’est-à-dire qu'il-elle a le sentiment que son genre (le fait de se sentir homme ou femme) est différent de son sexe biologique (organes génitaux mâle ou femelle). Originaire de Washington, aux États-Unis, Cass a partagé une photo provocante en ligne, afin de délivrer un message fort.

Transgenre et non-binaire (il-elle ne se sent ni homme, ni femme, et préfère donc l'utilisation d'un pronom neutre), Cass revendique cependant le droit d'avoir ses règles, sans pour autant être automatiquement rattaché à une identité de femme. De fait, le cycle menstruel est traditionnellement rattaché à une identité féminine, puisqu'il est dû à la présence des ovaires et à l'ovulation, ainsi qu'à la présence de l'œstrogène et de la progestérone, des hormones sexuelles femelles.

Comme Cass n'a pas effectué de chirurgie de réattribution de sexe, ni de traitement hormonal, il-elle a conservé certains attributs de son sexe biologique, ce qui lui occasionne de grandes souffrances lorsque ces caractéristiques se manifestent. C'est le cas, par exemple, de ses menstruations. Cass a essayé de raconter en poème ce qu'il-elle a vécu lors de ses premières règles, et ce que ce rappel mensuel de la nature représente, émotionnellement, au quotidien pour une personne trans non-binaire.

Cass a accompagné son poème en publiant une photo de ses saignements mensuels, à travers son pantalon kaki, arborant une pancarte indiquant « Les règles ne sont pas seulement réservées aux femmes ». Si la mise en scène avait pour but de sensibiliser le public à la problématique des menstruations chez les personnes trans, elle a causé un déferlement de commentaires, entre réactions haineuses et messages de soutien.

Voici une version de son poème, librement traduite en français par nos soins. Pour les anglophones, vous pouvez consulter le texte original ici :

Vous savez que je suis trans et queer,
Et ce que cela signifie pour moi
C'est quelque chose qui n'est ni ceci, ni cela,
Un entre-deux heureux, mais effrayant.

Alors, quand je vous parle d'inclusion et de genre,
Et que j'écris ces vers pour vous faire voir ce que je vis,
Ce n'est pas un sujet facile que j'essaye de mettre sur le tapis :
Les règles sont, honnêtement, assez traumatisantes pour moi.

Vous voyez, ma vie est très clairement marquée,
Délimitée, telle une frontière rouge divisant en deux une Nation,
Il y a un avant, et il y a un après,
Je parle, bien sûr, de ma première menstruation.

Alors laissez-moi vous ramener en arrière dans le temps,
Du plus loin que je me souvienne, du fond de mes souvenirs,
Le jour de mon premier saignement,
Le jour où j'ai tout perdu tout ce que je croyais détenir.

J'avais 15 ans, encore plein(e) de bonheur et d'insouciance,
Je courrais partout, torse nu, librement,
Grimpant aux arbres, creusant des trous,
Et tout le monde s'en foutait royalement.

Maman, peut-être, était inquiète
Alors j'ai laissé pousser mes cheveux
Un signe pour dire que j'étais une fille normale, 
Comme un panneau en néons flashy sur la case de mon genre.

Alors, le jour de mes premières règles,
Grands dieux, quelle fierté !
Cette petite androgyne, qui semblait comme déréglée
Avait enfin reçu la bénédiction de sa féminité !


Le soulagement était en moi mêlé à la douleur,
À ce moment, je me suis assis(e), j'ai pleuré,
Remerciant le ciel d'être finalement normale,
Tout en pleurant la liberté qui mourait.

Tout le monde me disait que mes hanches allaient grossir,
Je les regardais alors, et mes pleurs étaient ravivés
« Pourquoi ces larmes ? Tu seras bientôt femme ! »
C'est de la mort d'un enfant qu'ils se réjouissaient.

C'est mon corps en personne qui m'avait trahi !
Cette marque rouge, comme un cachet de cire brisé
Sur un contrat qui avait été rompu, parjuré,
Une identité de genre... qui n'était pas vraie.

Bien sûr, de nombreuses personnes doivent gérer le sang et les tampons,
Mais pour moi, c'est comme si mon corps rendait les armes
Car à chaque fois que viennent mes menstruations,
C'est un jour de plus où mon identité est malmenée.

D'abord, c'est ma poitrine qui me fait faux bond,
Je la sens qui pousse à travers mes vêtements
Je me demande pourquoi je subis cette malédiction
Et j'implore Dieu de mettre fin à mes tourments.

Et, pendant cinq jours, le sang n'a de cesse de couler,
J'essaye de respirer, de me dissocier,
Alors que dans mes entrailles se déchirent des pans entiers de mon être
Ne laissant plus rien d'autre à bord que la haine comme seul maître.

C'est d'une plaie ouverte, blessure béante, que ce sang se déverse
Stigmate de la guerre qui fait rage dans mes chairs,
La bataille séculaire entre le corps et l'esprit
Immuable objet ; inarrêtable force.


Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste