De la dislocation cervicale à l'asphyxie, le sort choquant réservé aux souris dans les laboratoires français dénoncé par une lanceuse d'alerte

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L’association Animal Testing a publié une vidéo sur Libération qui montre comment les souris sont traitées dans les laboratoires français.

Les images ont été tournées en 2017, en caméra cachée, dans un laboratoire de recherche médicale français par une lanceuse d’alerte qui y travaille. Animalière de métier dans le laboratoire en question, elle fait part de sa souffrance de voir ces petites bêtes manipulées sans anesthésiant.

C’est elle qui a contacté l’association Animal Testing, dans un premier temps, pour dénoncer le sort réserver au souris. Depuis plusieurs années, son travail est de changer leurs litières, de les sevrer, de prélever leur sang, leurs organes, leurs tumeurs (que les souris soient mortes ou vivantes), de leur injecter des produits ou des cellules cancéreuses et de les tuer. Les tuer ? Dans le laboratoire, « on préfère parler d’euthanasie ou de mise à mort » explique-t-elle.

Dans cette enquête vidéo de neuf minutes, aucune pratique illégale n’est montrée maison peut observer les deux façons de tuer les souris. La première s’appelle la « dislocation cervicale »: « avec ses propres mains, on va tenir la souris et rompre la colonne cervicale. Pour qu’il n’y ait plus de connexion entre le cerveau et le corps. Ça j’en ai fait, je dirais, des centaines de fois » explique-t-elle tout en précisant que l’opération ne fonctionne pas forcément du premier coup.

La seconde technique est l’asphyxie au CO2, que la lanceuse d’alerte qualifie de « plus agressive » car « l’animal meurt en deux voire trois minutes. On voit que les souris respirent très vite, elles cherchent à se déplacer, elles titubent… pas besoin d’être scientifique pour voir qu’elles ne vont pas bien ». Selon elle, les deux opérations sont « courantes et quotidiennes ».

À travers la vidéo, la lanceuse d’alerte explique ce qui l’a poussé à dénoncer ces atrocités aujourd’hui. Un chercheur du laboratoire lui aurait demandé « de prélever du sang sur un certain nombre de souris, plusieurs dizaines, autant de sang qu’il était possible sur chaque animal, sans anesthésie, en les prélevant au niveau de l’œil ».

Crédit image : Shutterstock / chatchai.b

Une demande, autorisé par son responsable de laboratoire, qu’elle juge inhumaine : « On ne peut pas prélever du sang sur un être vivant jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de sang, comme si c’était un flacon, et qu’il meure de ce qu’on lui fait subir ». Cette technique est d’ailleurs visible dans la vidéo.

Faire des expériences scientifiques sur des animaux sans se soucier de leur douleur, c’est ce que la lanceuse d’alerte essaye de contrer en évoquant les « points limites » : « Parfois, on laisse les souris mourir de leur maladie, d’autres fois on détermine la mise à mort en fonction de l’âge, ou de la taille de la tumeur ». Et selon elle, tous ne respectent pas forcément le protocole, ces « points limites » qui sont supposés déterminer les mesures à prendre lorsque des animaux souffrent trop.

« Les points limites imaginés par les chercheurs étaient à un stade où cela ne sert plus à rien de se dire qu’on se soucie de la douleur des animaux ». Des propos appuyés par l’association Animal Testing qui se serait procuré un document dans lequel les scientifiques justifient ce choix par le fait que les antidouleurs peuvent interférer avec les mesures qu’ils doivent prendre.

En interne, les alertes lancées ne font que peu d’écho et elle assure que les salariés dans ces laboratoires, pour la plupart, n’arrivent plus à se regarder dans une glace : « Forcément, on se remet en question. Au bout d’un moment, on devient fou, on devient malheureux, ça nous détruit ».

Pourtant, la lanceuse d’alerte fait elle-même partie d’un comité d’éthique censé évaluer les projets, le nombre d’animaux utilisés et leur souffrance. Le problème est que ces évaluations se font sous « la pression des collègues, du responsable de laboratoire, de la hiérarchie » et qu’il est très compliqué de « montrer une résistance ou un désaccord » confie-t-elle.

Très attachée aux animaux, comme un bon nombre de ses collègues, malgré ce qu’il s’y passe, elle n’a aujourd’hui plus envie de faire ce métier. Avec cette vidéo, elle espère briser un tabou sur ces pratiques, souvent subventionnées par l’argent public.

Crédit image : Shutterstock / chatchai.b

De son côté, l’association Animal Testing a réclamé l’ouverture d’une commission parlementaire sur cette question et l’obligation de l’utilisation des antidouleurs pour toutes les expériences : « On n’est absolument pas contre la recherche, mais on estime que le modèle des animaux n’est pas forcément le bon » indique Joanna Trouchaud, responsable de la communication d’Animal Testing.

En 2010, une directive européenne précisait que l’utilisation d’animaux devrait être, même si elle est nécessaire, abolie de façon progressive : « Il est souhaitable de remplacer l’utilisation d’animaux vivants dans les procédures par d’autres méthodes (…) L’objectif final est le remplacement total des procédures appliquées à des animaux vivants à des fins scientifiques et éducatives, dès que ce sera possible sur un plan scientifique ».

Alors, sera-t-il possible pour les laboratoires de se priver d’animaux vivants ? En janvier 2017, 29 eurodéputés ont adressé une lettre à la Commission européenne afin de fixer « un calendrier précise sur la mise en œuvre de la directive ».

Au sujet de l'auteur : Jérémy Birien

Journaliste, rédacteur en chef