Voilà pourquoi, qu'importent tous les faits et les preuves rationnelles qui contredisent vos opinions profondes, vous ne les accepterez jamais

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Petite réflexion sur les biais cognitifs… Ou pourquoi vous perdez complètement votre temps à tenter de convaincre à tout prix cette personne pro- FN sur Facebook en la noyant sous des preuves rationnelles.

Il y a quelques jours, nous avions écrit un article à propos de ces mensonges souvent proférés par l'extrême droite (mais pas que lui) sur, notamment, les immigrés, les chômeurs, les étrangers, les pauvres… Bref, sur toutes ces personnes souvent stigmatisées par bien des politiques afin de polariser les opinions. Ces mensonges étaient systématiquement démontés, preuves et sources à l'appui. Il ne s'agissait pas là d'un débat d'idées (faut-il ou non aider les pauvres) mais de faits objectifs, incontestables.

Et pourtant, de nombreuses personnes ont réagi à cet article par de l'agressivité, voire par une remise en cause pure et simple de la véracité des informations. Il suffisait pourtant de se pencher un instant sur les sources pour pouvoir facilement les vérifier : ces références étaient systématiquement indiquées au sein de l'article. Oui, mais voilà : les personnes en désaccord les ignoraient, tout bonnement.

Fig. A : Exemple d'une personne qui est dans la négation, sans aucune preuve ni argumentaire, et d'une autre qui perd son temps à tenter des explications rationnelles qui seront probablement ignorées.


C'est un phénomène assez courant sur internet. On aime bien monter directement au créneau, et la fachosphère/patriosphère est assez riche d'exemples d'individus prêts à avancer n'importe quel argument fallacieux lorsque les choses ne vont pas dans leur sens.

Eh bien, nous avons une nouvelle pour vous : c'est parfaitement normal. C'est même une réaction complètement humaine.


Et oui. Cela vous surprendra peut-être, cela pourra peut-être même choquer certains d'entre vous, mais voilà : nous comprenons tout à fait les électeurs du Front National qui, malgré les faits prouvant par A + B que non, les étrangers ne sont pas en train de vider les caisses de l'État, ne sont pas convaincus par cet argumentaire. En fait, c'est en partie à cause d'un mécanisme bien connu en psychologie, qui s'appelle le biais de confirmation.

Et pour ceux d'entre vous qui s'interrogent, non, cela ne touche pas que les électeurs de Marine Le Pen : cela s'applique en vérité à chacun d'entre nous. 

En ces temps où l'actualité est dominée par la pratique de « l'alternative fact »  ( Coucou Donald J Trump ! ), ces « vérités alternatives » qui ne se soucient plus de la réalité des faits pour présenter des mensonges comme des choses établies avec certitude, il est bon de se souvenir que ce qui importe dans la formation de l'opinion des gens, ce n'est malheureusement pas de savoir si les choses sont justes, c'est de savoir si elles sont cohérentes avec le reste des choses qu'ils pensent savoir.

On peut le déplorer, ou pas d'ailleurs, une chose est sûre : vous ne parviendrez pas à faire changer facilement d'avis quelqu'un qui a une opinion bien ancrée, qu'importe le nombre d'arguments évidents que vous pourrez lui mettre en face des yeux : au contraire, en accumulant ces arguments, vous ne ferez que le conforter dans le fait qu'il pensera avoir raison, voire même être victime d'une odieuse machination ou d'un complot politico-médiatique.

Et toi, cher lecteur, quelle que soit ta vision des choses, que tu sois libéral, républicain, « patriote », socialiste, communiste ou fan de Jean Lassalle, tu n'échappes pas à la règle. Et nous non plus.


Vous ne nous croyez pas ? Vous pensez être quelqu'un d'ouvert, vous pensez que toutes vos certitudes sont basées sur des faits — et que si vous vous trouviez face à la preuve irréfutable du contraire, vous changeriez facilement d'avis ? Bien. Alors laissez-nous vous faire une petite démonstration.


Nous allons jouer à un jeu. 

Il s'agit d'un petit test, très largement inspiré d'une bande dessinée vraiment géniale, publiée par The Oatmeal. On vous conseille vivement de la lire si vous parlez anglais, c'est vraiment très bien expliqué. C'est une vulgarisation, inspirée d'un article beaucoup plus poussé, que l'on vous recommande aussi de lire si vous voulez pousser la réflexion plus loin.

Nous allons maintenant vous énoncer quelques faits établis. Ces faits sont étonnants, beaucoup de gens ne les connaissent pas, et ils ont tous en commun l'intérêt de démystifier des choses que beaucoup prennent pour des vérités établies. Ce sont des informations susceptibles de vous faire percevoir le monde différemment. Toutes ces affirmations sont facilement vérifiables, il vous suffit de consulter les nombreuses sources disponibles à ce sujet.

N'oubliez pas qu'il s'agit de faits établis.

Nous vous proposons d'observer ensemble ce que vous ressentez à leur lecture.

Prêt ? C'est parti.


Commençons par cette série d'informations :

- Les tournesols ne tournent pas pour suivre la course du soleil.

- Les statues grecques n'étaient à l'origine pas blanches, mais colorées.

- Napoléon n'était pas petit : il était légèrement plus grand que la taille d'un français moyen à l'époque.

- La grande muraille de Chine n'est pas visible depuis l'espace.

- La durée de vie d'une mouche n'est pas d'une journée, mais d'un peu plus d'un mois en moyenne.


Ça va toujours ? Normalement, ces affirmations ne vous ont pas fait sauter de votre chaise. Il se peut même, allez savoir, qu'ils vous aient fait sourire ou qu'ils aient titillé votre curiosité.

En fait, il vous est relativement facile de les accepter : peut-être que vous allez vouloir vérifier que c'est bien vrai, chercher des infos sur internet pour en savoir plus, par curiosité ou par simple acquis de conscience, mais dans l'ensemble, vous avez accepté ces affirmations facilement. À aucun moment, vous n'avez ressenti de haine, de colère, de sensation d'être mis en danger dans vos certitudes.


Essayons cela à présent :

- En Amérique du Sud, plus de dictatures ont été mises en place au nom de l'anti-communisme et de la défense des intérêts capitalistes que l'inverse.

- Napoléon III a été précurseur dans le domaine de l'écologie et de mesures sociales clés comme le droit de grève, et c'est le premier chef d’État français à être élu démocratiquement au suffrage universel masculin.

- Le Bouddhisme n'est pas une religion tolérante et pacifique : plusieurs massacres et guerres de religions ont été faits en son nom et, au Tibet, avant l'invasion chinoise, la liberté de culte autre que le bouddhisme était interdite.

- Avant de rejoindre la résistance, en France, le Parti Communiste était favorable à une alliance avec l'Allemagne Nazie.

- Il n'existe strictement aucune preuve que Jésus de Nazareth est né un 25 Décembre, cette date ayant été probablement choisie pour mieux opérer le syncrétisme avec les anciennes religions païennes.

- L'Allemagne Nazie a été la première nation à avoir réussi à envoyer une fusée dans l'espace, bien avant l'Union Soviétique et les Américains.


Quelle que soit votre sensibilité politique, il y a fort à parier qu'au moins une ou plusieurs de ces affirmations vous aura fait vivement réagir. Vous n'avez pas bronché en lisant des faits peu connus sur les mouches ou les tournesols, vous les avez probablement même trouvés amusants…

Mais, à présent, vous êtes probablement déjà en train de vérifier les sources, de chercher frénétiquement sur le net des affirmations contraires, de retourner Wikipédia de fond en comble pour nouveaux faits qui contredisent la ou les affirmations qui vous posent problème…

Et c'est parfaitement normal.


Votre réaction (allégorie)


Allons, allons. Nous vous proposons de souffler un grand coup, de vous calmer, et de lire ce qui va suivre, parce que c'est ça qui est le plus important.


Je vous enjoins de vous concentrer un instant, non pas sur ces exemples, mais bien sur la réaction qu'ils provoquent en vous. Je vous propose de contempler, un instant, les émotions que vous venez de vivre. Moi-même, je vous avoue que certaines de ces affirmations me chiffonnent, compte tenu de ma propre sensibilité politique et morale. Mais le problème, c'est qu'il s'agit de faits, purs, objectifs, et rien d'autre.

Nous les avons volontairement choisis pour qu'ils puissent « déranger » un panel assez vaste de personnes, qu'ils soient socialistes, libéraux, religieux, républicains ou autre.

Nous serions, bien sûr, en mesure de vous dénicher toute une série de faits tout aussi établis et objectifs permettant de relativiser la position morale des communistes français à la fin des années trente, ou de démontrer par A + B que Napoléon III a amplement mérité sa réputation de petit tyran médiocre, conspué par Victor Hugo et haï de tous les intellectuels pour ses dérives autoritaires…

Là n'est pas la question.

La vérité, c'est que même si chacun peut réagir plus ou moins vivement, en fonction de sa personnalité propre et de ses opinions, avouez-le : il y a certaines affirmations qui vous sont indifférentes, et d'autres vous touchent fortement, qui vous révoltent, ou tout au moins que vous accueilliez différemment… parce qu'elles remettent en question une certaine vision que vous avez du monde qui vous entoure, et de la société.

Au final, qu'elles soient vraies ou non vous importe peu : ce que vous voulez, c'est trouver une réponse, plus ou moins vraie, de plus ou moins bonne foi, pour faire disparaître cette remise en question, cette petite voix susceptible de vous faire changer votre façon de voir le monde.

Et, une fois encore, c'est parfaitement normal.

Cela vous touche, en tant qu'humain, et le plus fou… c'est que c'est la même chose pour tout le monde. Que vous soyez abonné aux idées du Front National, que vous soyez un militant écolo convaincu, que vous soyez de gauche, de droite, libéral ou communiste, républicain ou réformiste, conservateur ou progressiste, vous réagirez exactement de la même manière face à tout fait établi, tout argument rationnel qui va à l'encontre de votre vérité, de votre manière de voir les choses.

C'est l'une des ficelles les plus couramment exploitées par les trolls sur internet pour vous faire péter un câble.



En présence d'un argument qui nous pose problème, nous avons deux types de réactions : Soit nous l'ignorons, soit nous campons encore plus fermement sur notre opinion, nous nous accrochons, nions, nous nous plaçons dans une posture défensive. La vérité, c'est que lorsque nous débattons d'une idée avec quelqu'un, apporter des preuves concrètes ne fait que l'enraciner plus fermement encore dans ses idées.

Bref : Ce n'est pas en apportant plus de preuves concrètes que l'on fait changer quelqu'un d'avis, c'est même exactement le contraire qui se produit !

Eh oui, réfléchissez bien à cette idée, même si elle vous paraît contre-intuitive :  Personne n'aime avoir tort. Vous avez déjà vu quelqu'un vous dire " ah oui, c'est vrai, tu as raison, merci de m'avoir éclairé " après que vous lui avez exposé vos arguments, vous ?


Oui… Mais POURQUOI ?

Pourquoi est-ce qu'au lieu d'accepter les faits pour ce qu'ils sont, nous avons la réaction inverse de ce que commanderait la logique et nous renforçons encore plus notre discours ?

Eh bien en fait, c'est très simple. Il s'agit de ce qu'on appelle, en psychologie cognitive, l'effet retour de flamme ( en anglais, backfire effect ). C'est même un mécanisme cognitif bien connu et qui a été étudié en long, en large et en travers, et c'est intimement lié avec le processus mental qui nous permet de former nos opinions et de les renforcer.

Il y a quelques années de ça, des chercheurs de l'University of Southern California spécialisés dans la neuroscience ont mené une expérience assez intéressante, jugez plutôt : Ils ont passé au scanner IRM des participants, afin d'analyser en détail les réactions de leurs cerveaux. Une fois les individus placés dans la machine, les chercheurs leur ont présenté des arguments et contre-arguments qui allaient directement à l'encontre d’opinions politiques auxquelles ils étaient très attachés.

Par exemple, ils ont présenté des arguments (objectifs) en faveur de l'interdiction des armes à feu aux États-Unis à des personnes se revendiquant comme étant pro armes, ou encore, des arguments en défaveur du droit à l'adoption pour les couples homosexuels à des personnes de la communauté LGBT. Tandis qu'on leur lisait cet argumentaire, leurs cerveaux étaient scannés afin de déceler les zones d'activités stimulées.

C'est là que le résultat est vraiment très édifiant : les chercheurs ont découvert que c'est exactement la même région du cerveau qui réagit d'ordinaire aux menaces physiques qui s'allume lorsqu'on est en présence de ce que l'on pourrait qualifier de menace intellectuelle. La région en question, l'amygdale, est en quelque sorte le noyau émotionnel de notre cerveau.

En clair, nous réagissons en présence d'une information dissonante avec nos opinions EXACTEMENT DE LA MÊME MANIÈRE que si nous étions en présence d'un prédateur ! Les informations « menaçantes » ou dérangeantes pour nous sont classées comme dangereuses, et nous faisons tout pour nous en protéger. Au fin fond de notre cerveau, nous sommes intimement programmés pour réagir au danger par réflexe, en faisant abstraction un instant de toute forme de raison et en employant des techniques d'agressivité, de fuite, ou de défense.

Et je ne sais pas vous, mais si j'étais un homme préhistorique attaqué par un tigre à dents de sabre, je ne passerais pas des heures à essayer de saisir l'objectivité de la raison pour laquelle il cherche à me dévorer, ou encore à m'interroger sur le bien-fondé de la chaîne alimentaire !


Notre système de croyances, bien difficile à remettre en question

Une question subsiste : pourquoi nous sentons-nous tellement mis en danger par certaines informations lorsqu'elles ne vont pas dans notre sens ? Pourquoi acceptons-nous relativement facilement de changer de point de vue pour certaines de nos opinions ( par exemple : « je n'aime pas trop les brocolis » ) alors que, pour d'autres opinions (par exemple « Dieu existe et il est à l'origine de toute chose »), rien ni personne ne pourra nous faire changer d'avis (ou en tout cas, ce sera très dur ) ?

Pour mieux comprendre cela, il faut savoir que tout individu repose sur son propre système de croyance, qui est le résultat de tout ce qu'il a vécu, de l'influence de sa famille mais aussi de ses cercles d'amis, de ses fréquentations et des différents événements survenus tout au long de sa vie. C'est cela qui lui permet de définir et de construire sa personnalité unique.

Il y a une petite vidéo très sympa à ce sujet, qui vous explique entre autres pourquoi cela ne sert à rien de chercher à remettre en question une opinion fortement ancrée, avec des arguments logiques, et pourquoi il est parfaitement idiot et naïf de s'imaginer qu'une personne admettra ses torts, aussitôt qu'elle sera confrontée par A + B à la preuve qu'elle se trompe.

5 TRUCS pour Parler avec un CONNARD

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Publié par Vincent Verzat - Partager C'est Sympa sur lundi 10 avril 2017




Parmi nos croyances, il y a les croyances et opinions « normales » et il y a les croyances dites « fondamentales », qui sont des sortes de piliers fondateurs de notre système de croyances.


Ce sont les convictions qui nous définissent, et c'est pour cela qu'on cherche à tout prix à les protéger.

Par exemple, que vous soyez vegan, libéral, féministe, hippie, néonazi, anarcho-nihiliste, républicain, punk à chiens, socialiste, scientologue ou encore agnostique convaincu, il y a une chose qui ne changera jamais : ce que vous pensez, vos opinions et votre manière de percevoir le monde définit en grande partie ce que vous êtes.

Et lorsque quelqu'un ou quelque chose vient perturber votre système de pensées, les croyances fondamentales qui servent de pilier à votre idéologie personnelle, il y a de fortes chances pour que vous le rejetiez instinctivement, et de manière assez violente. Nous vous laissons le soin de chercher les exemples que vous voulez, il y en a un paquet.

De fait, ces croyances-là sont des choses que les gens chérissent profondément, qu'ils gardent précieusement en eux, car cela touche directement à ce qu'ils sont. Pour cela, il nous est extrêmement difficile de remettre en question ces opinions. Même si on le fait de manière légitime, avec des arguments qui peuvent se défendre.

Après avoir lu cet article, vous comprendrez sans doute pourquoi les débats houleux et sans fin sur internet sont systématiquement voués à l'échec. L'internet est, par essence, le lieu qui cristallise justement toutes les tensions, et c'est pour ça que les débats s'y transforment systématiquement en tristes combats de coq à coup de liens Wikipédia. 

Voilà pourquoi nous mettons énormément de temps à changer nos opinions, surtout lorsque nous les avons faites nôtres depuis longue date. Voilà pourquoi il nous est si difficile d'admettre nos torts. Voilà aussi pourquoi vous ne parviendrez jamais, en balançant quelques arguments sur Facebook, à convaincre quelqu'un qui vote FN de voter différemment.
Source : The Oat Meal

Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste