Pour l'alpiniste Élisabeth Revol, son compagnon prisonnier de l'Himalaya aurait pu être sauvé si les secours avaient été mieux organisés

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Élisabeth Revol est une alpiniste chevronnée de 37 ans qui avait entrepris avec son ami polonais Tomek Mackiewicz d’escalader le K2 dans l’Himalaya, mais qui s’est retrouvée coincée sur la montagne connue sous le nom de Nanga Parbat, également connue sous l’appellation de « montagne tueuse » pour sa dangerosité légendaire. Nous vous racontions récemment son périlleux sauvetage par deux alpinistes polonais, avant de laisser Élisabeth Revol le faire avec ses propres mots. Aujourd’hui, le son de cloche est bien différent, puisque la joie d’être en vie cède place à la colère contre les secours, pas assez efficaces, qui ne sont pas parvenus à sauver son comparse Tomek Mackiewicz, aujourd’hui présumé décédé.

« On m’a dit : “Si tu descends à 6 000 m, on peut te récupérer et on peut récupérer Tomek à 7 200 m” en hélicoptère. Ça s’est fait comme ça. Ce n’est pas une décision que j’ai choisie, mais qui m’a été imposée »


Élisabeth Revol l’affirme désormais clairement, elle n’a pas eu d’autre choix que de laisser derrière elle son compagnon, bloqué sur le Nanga Parbat car atteint de cécité de neige, ce qui l’a paralysé, purement et simplement. Pour sauver sa propre vie, il lui a fallu se résoudre à abandonner Tomek et poursuivre sa descente de la montagne pour rejoindre les deux courageux Polonais, Denis Urubko et Adam Bielecki, qui lui sont venus en aide envers et contre tout, dans la nuit et des conditions météorologiques hostiles, interdisant toute forme de secours par hélicoptère. Huit heures pour escalader la montagne et sauver Élisabeth alors perchée à 6000 mètres : un véritable record en plus d’une prouesse humaine des plus admirables. Ceux-ci n’ont malheureusement pas pu grimper plus haut pour secourir Tomek, laissé pour mort et actuellement considéré décédé, pour les raisons mentionnées précédemment.

Elisabeth Revol a été soignée pour de sévères engelures ces derniers jours. Crédit photo : Jean-Philippe Ksiazek / AFP


Hier, mercredi 7 février, Élisabeth Revol revenait sur son sauvetage avec amertume au cours d’une conférence de presse à Chamonix. Le soulagement a cédé place à la rancœur :

« J'ai beaucoup de colère, on aurait pu sauver Tomek si ça avait été un réel secours, pris à temps et organisé ».

Ludovic Giambasi, ami et relais de l’alpiniste française, a mis en cause l’organisation des secours, allant jusqu’à parler de « mensonges de certains Pakistanais » à propos de la « disponibilité, la réservation et les capacités des hélicoptères ». Il n’a pas manqué de souligner le coût exorbitant de ce sauvetage humain, « parti de 15 000 dollars et monté à 40 000 », qui ont dû être payés « “on the table”, en cash sur la table ».

L’ambassade française de la région ne disposant pas d’argent en liquide, c’est grâce à l’avancement d’environ 30 000 dollars par l’ambassade polonaise, et le reste de la somme avancé par les employés de celle-ci que l’opération a pu être mise sur pied. Un financement participatif en ligne a également été mis en place, et a permis la collecte de 157 000 euros. Le reliquat de l’opération sera reversé aux jeunes enfants de Tomek, soit environ 130 000 euros. Leur mère a exprimé une « profonde gratitude » à l’égard d’Elisabeth Revol pour avoir soutenu son mari autant que possible, et lui a souhaité de se « sentir mieux bientôt ». Jusqu’à la fin, Élisabeth Revol a cru que les secours reviendraient sauver Tomek Mackiewicz, porté disparu et probablement mort à l’heure actuelle.

Source : Le Monde

Au sujet de l'auteur : Hugo Nikolov

Journaliste