L'alpiniste Elisabeth Revol raconte comment l'ascension de l'Himalaya s'est transformée en calvaire

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Elisabeth Revol, alpiniste française, a évité le pire. Engagée le 20 janvier dans l'ascension de la montagne dite « tueuse », elle s'en sort aujourd'hui avec des gelures. Son compagnon de cordée, Tomek Mackiewicz , n'a pas été sauvé.

Pour l'Agence France presse, elle est revenue sur son ascension et livre un témoignage qui décrit les conditions dans lesquelles elle s'est retrouvée, livrée à elle-même, laissant derrière elle son compagnon de cordée à 7 200 mètres. Sans oxygène et sans sherpa, ils s'étaient engagés dans une ascension ambitieuse sur le Nanga Parbat, au Pakistan, à 8 126 mètres d'altitude.

Dans sa chambre d'hôpital en Haute-Savoie, où elle est soignée pour des gelures aux mains et au pied gauche, l'alpiniste de 37 ans explique que cette ascension était sa « 4e tentative hivernale, la 7e pour Tomek et la 3e ensemble ». Avertis sur les risques que comportait l'ascension de cette montagne « tueuse », c'est en passionnés et « himalayistes » confirmés qu'ils acceptaient les règles du jeu et les risques.

Tout allait bien, jusqu'à ce que...

L'ascension des deux passionnés d'altitude début le 20 janvier. Très vite et apparemment sans grande embûche, ils accèdent à leur but : 7 000 mètres ont été atteints. « On était bien à ce moment-là ». Le sommet n'est donc plus très loin et même si c'est dur , ils en sont convaincus, ils l'atteindront, comme un Graal. Finalement, c'est lorsque, vers 18 heures, ils touchent au but, une victoire qui aura vite un goût amer. « Là Tomek me dit 'je ne vois plus rien'. Il n'avait pas utilisé de masque car il y avait un petit voile pendant la journée et à la tombée de la nuit, il a eu une ophtalmie. On n'a pas pris une seconde au sommet. C'était la fuite vers le bas. »

Alors qu'ils entamaient leur descente, Tomek, qui s'appuyait sur son épaule commence à avoir du mal à respirer. « À un moment, il n’arrivait plus à respirer, il a enlevé la protection qu’il avait devant la bouche et a commencé à geler. Son nez devenait blanc et puis après les mains, les pieds » détaille Elisabeth. Parvenant à se mettre à l'abri dans le bas d'une cuvette, Tomek montre des signes de faiblesses, pire encore, Elisabeth précise qu'il « avait du sang qui coulait en permanence de sa bouche ». Elle comprend alors que la situation peut très rapidement devenir dramatique. La faiblesse et le sang de Tomek constituent les signes d'œdèmes, qui peuvent s'avérer fatals si la personne blessée n'est pas soignée rapidement.

Face à la situation, l'alpiniste doit alerter les secours : « J’ai alerté un peu tout le monde, parce que Tomek ne pouvait pas redescendre tout seul. (...) On m’a dit : si tu descends à 6,000 m, on peut te récupérer et on peut récupérer Tomek à 7 200 m. Ça s’est fait comme ça. Ce n’est pas une décision que j’ai choisie, mais qui m’a été imposée ».

Descente solitaire, hallucinations et angoisses

Persuadée que tout va rentrer dans l'ordre, elle décide de laisser son compagnon de cordée à l'abri, et entame seule la descente. « Écoute, les hélicos arrivent en fin d’après-midi, moi je suis obligée de descendre, ils vont venir te récupérer ». Convaincue que les secours vont arriver dans les plus brefs délais, elle part « sans rien prendre, ni tente, ni duvet, rien ». Et alors qu'elle passe sa première nuit dehors, grelottant, elle est prise d'hallucinations. L'alpiniste croit que des gens lui apportent du thé chaud. « Une dame m’a demandé : “Est-ce que je peux prendre ta chaussure ?” À ce moment-là, machinalement, je me lève, j’enlève ma chaussure et je lui donne. Le matin, je me suis réveillée, j’avais simplement ma chaussette." Après 5 heures le pied à l'air, elle contracte donc une gelure au pied gauche.

À 6 800 mètres d'altitude, Elisabeth décide de ne plus bouger et d'attendre que les secours arrivent pour « se préserver, emmagasiner de la chaleur » mais, très vite, elle comprend qu'ils n'arriveront pas et qu'elle va devoir passer une troisième nuit dehors, livrée à elle-même. Pour elle, « ça commençait à être une question de survie » alors elle entame à nouveau la descente. Après avoir affronté le « froid vif », elle parvient à atteindre le camp 2 vers 3 heures 30 du matin, à 6 300 mètres. « J’ai vu deux frontales dans la nuit. Je me suis mise à hurler et je me suis dit : C’est bon ». Secourue par Adam Bielecki et Denis Urubko, elle décrit une « grosse émotion ».

Évacuée dimanche 28 janvier, elle rentre finalement en France le mardi 30 janvier elle explique avoir besoin de « récupérer au maximum » dans l'espoir d'éviter l'amputation et insiste sur l'envie d'aller « voir les enfants de Tomek ». Et si l'on pouvait penser qu'elle ne se risquerait plus à l'exercice de l'ascension, il semble que rien ne l'arrêtera. Elle affirme avoir « besoin de ça ». « C’est tellement beau ».

Source : LCI

Au sujet de l'auteur : Pauline Masotta

Journaliste