Au bord de la crise humanitaire, le Porto Rico doit composer avec une aide limitée de la part des États-Unis

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Après les terribles dégâts occasionnés par l'ouragan Maria au Porto Rico, Donald Trump a rappelé aux habitants de l'île qu'ils devaient « des milliers de millions de dollars à Wall Street et aux banques » pour justifier l'absence d'une aide suffisante de la part de l'Oncle Sam.

Le Porto Rico, territoire non-incorporé des États-Unis et « État libre associé », possède un statut juridique complexe et très particulier : si, officiellement, les Portoricains ont la nationalité américaine et payent des impôts locaux, ils ne sont pas tout à fait considérés comme des citoyens américains à part entière. Ainsi, de manière assez paradoxale, ils peuvent voter aux primaires républicaines et démocrates, mais pas à l'élection présidentielle du pays. Malgré de grandes libertés et un statut d'autodétermination, le territoire reste une chasse gardée des États-Unis

Mais aujourd'hui, et plusieurs jours après l'ouragan meurtrier, les habitants du Porto Rico ont le sentiment d'être abandonnés, que le gouvernement est en train de les laisser tomber. Et pour cause, l'aide apportée par les États-Unis est jugée « insuffisante » et se limite au strict minimum. Le président Donald Trump refuse en effet d'accorder une aide financière, au motif que le Porto Rico est déjà en dette vis-à-vis des États-Unis.

Une restriction qui met des bâtons dans les roues à ceux qui veulent aider l'île

Plus absurde encore, un texte de loi américain, le Jones Act, complique l'action des associations et des autres pays qui souhaitent, eux, apporter leur aide au Porto Rico. Cette loi, datant de la Première Guerre Mondiale, exige que les bateaux qui livrent des biens d'un port américain à un autre soient fabriqués aux États-Unis et soient la propriété d'un Américain.

Ce qui signifie qu'un bateau en provenance d'un autre pays, même chargé de vivres, d'eau et de nourriture pour aider les victimes d'une catastrophe humanitaire, ne peut pas accéder aux ports.

Une restriction qui, heureusement vient tout juste d'être levée aujourd'hui, dans l'après-midi… après une vive protestation, et surtout, après de longs jours d'attente pour les Portoricains en attente de vivres, et dans une situation très critique de crise humanitaire.

Lorsque la Floride ou le Texas avaient été touchés par des catastrophes similaires, le Jones Act avait été rapidement suspendu, pour permettre l'accès maritime à l'aide internationale. Paradoxalement, les deux États sont beaucoup moins tributaires de l'accès à la mer que le Porto Rico, qui est une île.

Pas assez de Blancs au Porto Rico ?

L'administration Trump est aujourd'hui vivement critiquée d'avoir négligé Porto Rico, et d'avoir eu une gestion « laxiste » de la crise, en comparaison avec l’aide fournie aux sinistrés des précédents ouragans qui ont ravagé le Texas et la Floride. Dans l'île, la sensation d'être considérés comme des citoyens de seconde zone est forte. « Ce ne sont pas des étrangers, qui souffrent, ce sont bien nos compatriotes Américains », rappelle l'écrivain étasunien J.Adam Snyder sur son blog. « Ce n'est pas simplement parce que les Portoricains ont une couleur de peau plus sombre, que ce sont des immigrants »

Sur Twitter, un internaute s'indigne : « Ils sont d'accord pour suspendre le Jones Act pour le Texas et la Floride, mais pas pour l'ÎLE de Puerto Rico ? Il n'y a peut-être pas assez de Blancs qui sont touchés, là-bas ? »

En attendant, la situation d'urgence humanitaire est plus critique que jamais, même si on espère qu'elle puisse aller désormais en s'améliorant, grâce à la levée du Jones Act qui gênait jusqu'à présent les missions internationales.

Il y a une semaine, la détresse de la maire de San Juan (Porto Rico), en pleurs et en direct sur NBC, avait ému le monde entier. « Le Porto Rico et le San Juan que nous connaissions hier n’existent plus. Nous allons devoir reconstruire, réinventer, et être résilients » avait-elle déclaré, alors que la catastrophe venait de frapper de plein fouet son île. « Nous devons aller de l’avant. Je crains simplement que nous ne puissions pas atteindre à temps tous ceux qui ont besoin de nous » avait-elle dit, refoulant ses larmes à ces mots.


Voici quelques Tweets qui résument l'ampleur du drame qui frappe actuellement le Porto Rico :

« Scènes de dévastation au Porto Rico, causées par l'Ouragan Maria. Et un appel à l'aide. L'île fait face à une véritable crise humanitaire. »

« 'Nous avons tout perdu.' : Vieques, Porto Rico, une île virtuellement annihilée par l'Ouragan Maria »

« Porto Rico : Entre préjugés, ignorance et catastrophe » (article de l'écrivain J Adam Snyder)

« S'IL VOUS PLAÎT aidez-moi à envoyer de l'aide à ma ville, Utuado, Porto Rico. N'importe quel type de don, ça aide !  Il n'y a plus de nourriture, ni d'eau. »

Un SOS lancé en désespoir de cause, inscrit à même le sol dans l'espoir d'attirer l'attention : « Nous avons besoin d'eau/nourriture », est-il inscrit sous les trois lettres.

« Chaos et confusion submergent le Porto Rico, tandis que les habitants font face à la plus grande catastrophe de l'histoire moderne de ce territoire. »

« Puerto Rico [sic] : l'île, dévastée par le cyclone, toujours en attente de secours en nombre suffisant. Situation chaotique »

« Le Porto Rico, une île de 3.4M [d'habitants], essaye d'encaisser le choc et de se reconstruire au lendemain de l'Ouragan Maria — avec toutes les lumières éteintes »

« En direct depuis le Porto Rico. ILS ONT BESOIN D'AIDE. VOUS POUVEZ AIDER ! »

« Ils sont d'accord pour suspendre le Jones Act pour le Texas et la Floride, mais pas pour l'ÎLE de Puerto Rico ? Ils n'ont peut-être pas assez de Blancs touchés, là-bas ? »


Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste