Le premier tour de l'élection présidentielle française, vu par la presse internationale

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Pour la première fois depuis la fondation de la Vème République, en 1958, une élection présidentielle propose un second tour dans lequel les deux principales familles politiques françaises, représentées par le Parti Socialiste et les Républicains, sont totalement exclues. Comme on peut s'y attendre, le sujet passionne vivement la presse internationale. 

Entre désillusion, peur et espoir, entre incompréhension et amusement, les grands titres de journaux étrangers n'ont pas manqué de réagir à un premier tour qui fera sans doute date, pour le meilleur ou pour le pire, dans l'histoire de la France. Petit tour d'horizon.

JOHN MACDOUGALL


«La nouvelle révolution Française » :  Dans le titre qui a fait sa une du lundi 24 avril, s'étalant en énormes caractères gras, le Daily Mail ne fait pas dans la dentelle, c'est le moins que l'on puisse dire !

Pour le tabloïd britannique, habitué aux formules choc, les Français ont passé à la guillotine leurs deux partis traditionnels pour mettre en face-à-face "deux personnalités hors système”, affichant ainsi leur ras-le-bol de la classe politique.





Même son de cloche, quoique plus mesuré, du côté du New York Times, qui assène que  “ Les bons résultats de M Macron et Mme Le Pen montrent combien ils ont retourné la politique française, et comment les électeurs ont rejeté le traditionnel centre-gauche Parti socialiste et le parti de centre-droit Les Républicains, qui ont dominé le paysage politique pendant des décennies. ”  Le prestigieux quotidien annonce un duel entre un «novice en politique» et une «agitatrice d'extrême droite».

C'est « une gifle retentissante pour l'establishment politique », rajoute Der Spiegel en Allemagne. Hebdomadaire d'investigation de référence, classé au centre gauche, le titre ne cache pas son inquiétude des conséquences d'une éventuelle sortie de l'Europe en cas d'élection de Marine Le Pen.

«Du jamais vu dans l'histoire de France », s'exclame de son côté le titre Brésilien O Globo, en référence à l'élection de deux candidats «outsiders» pour le second tour de la présidentielle. Le journal conservateur compare Emmanuel Macron au très libéral João Doria, l'actuel maire de São Paulo, notamment pour son parcours issu du monde de la finance. « C'est un gestionnaire, pas un magicien. Mais la politique  n'est pas le bon endroit pour chercher des magiciens ».


kiosko.net / capture d'écran


Plus méfiants, certains titres émettent des réserves et se montrent beaucoup moins enthousiastes.

En Allemagne, le quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung titre « La France déchirée » et, loin de se réjouir, voit dans le résultat de ce premier tour les symptômes d'une crise profonde et d'un rejet profond de l'Europe, en rappelant que «plus de 40% des Français ont voté pour des candidats d'extrême droite ou d'extrême gauche». Quant à Emmanuel Macron, le journal pointe du doigt la fragilité de sa victoire, et le défi qui va être le sien s'il veut s'attirer les faveurs et la confiance de la population, pour être le rassembleur qu'il prétend vouloir être : « La victoire de Macron est tellement étroite que, lors des deux élections présidentielles précédentes, il ne serait même pas arrivé au second tour ».

Dans son éditorial du lundi 24 avril, El País, le plus gros titre de presse espagnol, laisse entrevoir le même doute. « Hier, l'Europe a gagné », indique le quotidien, en français dans le texte, avant de vite relativiser en indiquant que, « quel que soit le vainqueur il n'est pas dit que sa formation obtienne un nombre de députés suffisant pour gouverner et la France court le risque d'une crise politique durable »

Côté transalpin, pour Linkesta Milan, on est beaucoup moins admiratif du candidat d' En Marche !, même si l'on déplore aussi la percée de l'extrême droite : Macron est « celui qui gagne parce que tous les autres se cassent la figure : Il n’a pas de programme, son discours est creux et son personnage incohérent, mais les sondages le donnent gagnant » avant d'asséner que « Macron est en tête pour une seule raison : tous ses concurrents sont en train de s’effondrer »

Capture d'écran BFM


La presse russe, de son côté, ne cache pas son soutien pour Marine Le Pen et se montre assez peu enthousiaste vis-à-vis de l'europhilie d’Emmanuel Macron :  « Ces élections se sont déroulées comme un mauvais polar : une intrigue rondement menée, et un dénouement banal, » explique le magazine économique Expert. L'hebdomadaire proche du Kremlin juge cependant peu probable une victoire de Marine Le Pen, dont le combat serait perdu d'avance, en l'affublant du sobriquet  «Madame la non-présidente ». Le pureplayer russe Vzgliad qualifie quant à lui Emmanuel Macron de « chouchou des médias français et anglo-saxons » qui a bénéficié «d’une campagne de promotion digne d’une star de cinéma »


Quelle que soit l'issue du second tour de l'élection présidentielle, le 7 mai prochain, une chose est certaine : le sujet passionne la presse étrangère, et la France est scrutée avec beaucoup d'attention, parfois d'un œil inquiet, parfois au contraire avide, mais toujours avec un intérêt certain.

En Chine, le quotidien Global Times, proche du pouvoir, explique que malgré les résultats des sondages qui donnent Emmanuel Macron largement en tête, rien n'est joué et que Marine Le Pen pourrait créer la surprise comme l'a fait Donald Trump aux États-Unis, où Hillary Clinton était donnée favorite par tous les sondages : « la plupart des observateurs français comme européens pensent que Macron l'emportera » mais  « ces mêmes experts courent manifestement le risque de se tromper comme ce fut le cas avec le résultat de l'élection de Donald Trump aux États-Unis. »


Même parallèle avec l'élection de Donald Trump et le Brexit pour le quotidien généraliste espagnol El País, qui analyse que, désormais, « deux semaines de campagne intense commencent, dans laquelle s'affronteront deux visions diamétralement opposées sur le futur de la France, de l'Europe et du monde. »

Une dynamique qui, toujours selon le titre espagnol, « fait écho aux événements de juin 2016 au Royaume-Uni entre les partisans de l'Europe et du Brexit, et rappelle également le duel qui a eu lieu outre-Atlantique en novembre de la même année, entre la candidate démocrate Hillary Clinton et le républicain Donald Trump ».

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Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste