Échanges vifs et tendus dans l'hémicycle cette nuit à l'heure où l'article 2 de la loi Schiappa a été voté en première lecture

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Un vent glacial a soufflé dans l'hémicycle la nuit dernière, alors que l'article 2 de la loi Schiappa, très controversé, a été adopté en première lecture. Un article « ferme » et qui « protège mieux les enfants » selon la secrétaire d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes et « une correctionnalisation massive des viols sur mineurs » selon ses détracteurs.

Il aura fallu cinq heures à l'Assemblée nationale, entre échanges tendus, haussement de voix et « claquement de pupitres », pour finalement voter en première lecture l'article 2, très controversé jusqu'à maintenant, sur la répression des infractions sexuelles sur les mineurs. En effet, l'article 2 qui entend apposer une protection toute particulière aux mineurs, sans pour autant définir d'âge de consentement sexuel, a posé problème pour certaines personnes, n'en déplaise à Marlène Schiappa.

Pour la plupart de ses opposants, le problème réside en l'aspect flou de cet article. Pour les députés LR, cet article de loi ne « pose pas un interdit clair », emboîtant le pas aux communistes qui ont de leur côté demandé à ne pas « maintenir un halo d'ambiguïté ». Les socialistes, quant à eux, parlent d'un article qui « ne satisfait ni les associations ni le monde judiciaire ». Et pour cause, le Groupe F, la première agence non gouvernementale de lutte contre les violences faites aux femmes, dont la militante féministe Caroline de Haas est à la tête, a fait signer une pétition pour le retrait de l'article 2, qui estime qu'il s'agit d'une « régression inacceptable pour la protection des enfants. »

Ce que dit l'article et ce qui pose problème

Cet article, voté à 81 voix contre 68, précise dans le Code pénal que « lorsque les faits sont commis sur un mineur de moins de quinze ans, les notions de contrainte et surprise, constitutives d'un viol, peuvent être caractérisées par l'abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes », comme l'a répété Marlène Schiappa, agacée par un brouhaha important, demandant l'attention au sein de l'hémicycle: « Il y a deux phrases, vous pourriez devoir écouter deux phrases ». Mais ces deux phrases ne semblent pas suffisantes.

En substance, ce que les associations des droits des femmes et des enfants reprochent à cet article, c'est l'absence de présomption de non-consentement pour un âge défini. Ce qui n'est pas le cas, ce qui a amené deux fillettes de 11 ans à être qualifiées par la justice de « consentantes » lors de leur viol. Ce mardi soir, la pétition à l'initiative du Groupe F appelée « le viol est un crime » qui demande le retrait de l'article, directement à Emmanuel Macron, a rassemblé plus de 100 000 signatures.

L'hémicycle en pleine débâcle

Marlène Schiappa était à fleur de peau. Bien décidée à défendre son article, quitte à déclencher une avalanche de réflexions, parfois malveillantes. Et elle a annoncé la couleur, visiblement irritée par le chahut au sein de l'hémicycle, le ton est monté, ce qu'il lui a été reproché : « Non, c'est un sujet important, je ne vais pas me calmer pour répondre aux mensonges qui sont faits autour de ce projet de loi » avant d'essuyer la réflexion nauséabonde lorsqu’un député LR, Fabien Di Filippo, qui a accusé Marlène Schiappa de faire « passer [sa] conception libertaire des rapports sexuels, y compris entre mineurs et majeurs avant la protection de nos enfants. » Et pour Marlène Schiappa ça ne passe pas. Elle demande donc une suspension de séance tout en imputant au député Di Fillipo, une « misogynie crasse » et une « ignorance profonde de ce qu'est la liberté des femmes. »

Pour détendre l'atmosphère, le député de la France Insoumise, Alexis Corbière, connu pour ses sorties, a tenté de comprendre où voulait en venir Fabien Di Filippo : « Qu'est-ce qu'une sexualité dite libertaire ? Est-ce de porter des sous-vêtements rouges et noirs, peut-être ? » et de raisonner Marlène Schiappa : « Madame la ministre, vous utilisez souvent dans la réplique la misogynie en toute occasion, en l'occurrence ce n'était pas adapté. Réactionnaire, conservateur, une sexualité triste sans aucun doute, mais certainement pas misogyne. »

Pour Marlène Schiappa, c'est très clair : « Contrairement aux critiques, la mise en œuvre des dispositions de ce projet de loi et du projet de loi de programmation pour la justice aura également pour effet d’éviter le recours à correctionnalisation (c’est-à-dire la déqualification des faits de viol en agression ou en atteinte sexuelle renvoyant le prévenu devant le tribunal correctionnel), notamment grâce à la création du tribunal criminel départemental » a-t-elle écrit lors d'un communiqué, publié ce mardi après-midi. 

Source : AFP

Au sujet de l'auteur : Pauline Masotta

Journaliste