La féminité peut-elle s'assumer dans tous les contextes ? À voir la polémique autour de la robe de Aurore Bergé, il semblerait que non

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Aurore Bergé, députée de La République en Marche! fait parler d'elle depuis samedi. Mais pas pour les propos qu'elle peut tenir, ni pour ses idées. L'absurdité de la polémique tient en une phrase : Sa tenue sur le plateau de Thierry Ardisson.

Capture Salut les Terriens 

Depuis samedi, Aurore Bergé subit, un peu spectatrice malgré elle, les débats sur la toile quant à sa tenue arborée sur le plateau de Salut les Terriens. Alors qu'elle avait déjà été la cible d’Eric Zemmour, qui avait, à l'aide son élégance qu'on lui connaît, déclaré que si l'on avait « mis une chèvre à la place, elle aurait été élue », certains s'en sont pris à sa tenue, jugée inappropriée pour une députée. Ou pour une femme. Ou pour les deux ?

Le contexte

Aurore Bergé était invitée pour parler politique. Ce qu'elle a fait, passant en revue de nombreux sujets. Comme l'avortement ou le harcèlement au travail. La députée l'a fait, avec ses idées et ses convictions. Et avec une robe bleue, légèrement décolletée et qui laissait deviner ses cuisses, ses épaules couvertes par une veste de tailleur noire. Et là, c'est le drame. Aurore Bergé qui était venue causer politique se retrouve aujourd'hui à causer chiffons et tissus, à devoir se justifier sur la longueur de sa robe et la profondeur de son décolleté.

C'est sur les réseaux sociaux que la polémique a pris de l'ampleur, comme bon nombre de polémiques. Ce sont d'abord les téléspectateurs qui se sont emparés du débat (si débat il y a avoir). « Sinon, franchement, est-ce une tenue digne d'une élue de la nation ? » pouvait-on lire sur Twitter ou encore « Madame se plaint de se faire vanner par ses potes mais vu ses tenues provocantes, elle espère quoi ? (...) Un peu de tenue alors St Nitouche ! ».

Comment la tenue d'une femme peut se retrouver au centre du débat public ?

Alors que depuis de longs mois nous, hommes et femmes confondus, érigeons un combat contre le sexisme, nos vieux démons semblent refaire surface et ainsi décrédibiliser tous les discours emplis de bon sens que l'on a pu entendre au cours de ces derniers mois. Envolés. En une fraction de seconde et une centaine de tweets plus tard, le combat face au sexisme est devenu désuet. Comme si le sexisme n'était qu'une histoire de harcèlement sexuel ou d'agression sexuelle. Le sexisme c'est aussi dire à une femme comment elle devrait s'habiller. Et après les tweetos, c'est le journaliste Jean-Michel Apathie qui a répondu présent pour alimenter la polémique.

Aurore Bergé, après s'être fait invectiver de toutes parts, a été invitée dans l'émission C à vous sur France 5, lundi soir. Face à elle, Jean-Michel Apathie, qui n'a pas hésité à aller de son commentaire. Et pas des moindres. Sans réellement excuser la polémique, celui-ci a questionné, pour ne pas dire fustiger, la députée quant à la tenue qu'elle arborait lors de l'émission Salut les Terriens. Alors que Anne-Élisabeth Lemoine revenait brièvement sur la polémique, demandant à Aurore Bergé si elle avait réfléchi à sa tenue avant de venir, celle-ci a expliqué que les femmes doivent « s'habiller comme [elles veulent] ». Une réponse qui a interpellé le journaliste politique Jean-Michel Apathie. À la question, peut-on s'habiller comme on veut sur un plateau de télévision, le journaliste martèle que non.

« Quand on va à un enterrement, on réfléchit à comment on s'habille »

Pour le journaliste, le contexte a de l'importance. De la même manière qu'à un enterrement, il explique que quand « on va à la télévision, on ne vient pas en t-shirt ». Pour Jean-Michel Apathie, une tenue peut écraser un discours : « Cela peut être un parasite par rapport au discours ou aux propos que l'on tient. Peut-être que votre tenue, n'était pas très adaptée à une parole politique qui a toujours un peu de solennité. »

La députée, qui semble ébranlée par les propos du journaliste, rétorque qu'elle ne se trouvait pas à l'Assemblée Nationale ce qui, selon elle aurait certainement changé sa façon de s'habiller. « Ce n'est pas parce que je suis une femme ou une députée par ailleurs que je n'ai pas le droit de choisir la robe que je vais mettre ou que je dois être ramenée à la tenue que je porte. C'est inquiétant et c'est surtout triste » a déploré la députée Yvelines.

Quel message cette polémique renvoie-t-elle ? Doit-on comprendre qu'il est devenu impossible pour une femme d'avoir un discours intelligent vêtue d'une robe qui souligne sa féminité et inversement ? Les femmes sont donc résignées à se sentir coupable d'avoir des seins, des cuisses et des fesses ? Et pourtant, comme le souligne Aurore Bergé, la polémique, teintée d'hypocrisie, oublie que lorsqu'un Justin Trudeau, le Premier ministre canadien, « s'affiche torse nu, on estime qu'il 'casse les codes' et qu'il a 'une modernité folle.' »

Malgré les insultes à l'encontre de la jeune femme, certaines personnes ont tenu à montrer leur soutien à la députée, comme François de Rugy qui a déploré que ce genre de polémique puisse persister : « Lamentable déferlement de propos sexistes et misogynes à l’encontre de notre collègue, Aurore Bergé, suite à son passage dans #SLT. N’en déplaise à certains, une femme a le droit de s’habiller comme elle le souhaite, sans avoir à subir de tels commentaires ou se justifier », emboîtant le pas à Anne Sinclair, indignée que de tels propos puissent être entendus en 2018 : « Ces commentaires sur la robe d’Aurore Bergé sont lamentables. On a le droit en 2018 d’être sexy et intelligente ! »

Peut-être qu'après cette polémique, femmes et hommes parviendront à se mettre d'accord sur ce qu'est le « féminisme » et l'appropriation de son corps et qu'il ne faudra plus attendre des phénomènes de masse comme #MeToo pour défendre le corps de la femme, encore très souvent la cible de nombreux débats. 


Au sujet de l'auteur : Pauline Masotta

Journaliste