Icône de la lutte anti-apartheid et personnage controversé, Winnie Mandela s'est éteinte à l'âge de 81 ans

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Winnie Mandela, l'intrépide pleine de charisme s'est éteinte ce lundi 2 avril des suites d'une « longue maladie », à l'âge de 81 ans. Grande figure de la lutte contre l'apartheid, Winnie Mandela a été l'épouse de Nelson Mandela pendant 38 ans. Retour sur un passé sulfureux et un personnage controversé.

Crédit image : shutterstock.com / Demark reinstein

Née le 26 septembre 1936 dans la province du Cap oriental, Nomzamo Winifred Zanyiwe Madikizela, plus connue sous le nom de Winnie Mandela, épouse Nelson Mandela en 1958 alors qu'elle a 21 ans et lui 40 ans et père de famille. Après un parcours adulé et à la fois très controversé, Winnie Mandela est décédée à Johannesburg, à l'hôpital Milpark, a annoncé sa porte-parole.

Ce lundi 2 avril, c'est une icône de la lutte contre le racisme qui s'est éteinte. Indissociable du combat de Nelson Mandela, elle s'est pourtant souvent montrée plus indomptable que son mari, lui valant un parcours semé d'embûches. « Elle a refusé de céder face à l’incarcération de son mari, le harcèlement perpétuel de sa famille par les forces de sécurité, les détentions, les interdictions et son bannissement. Son attitude de défi m’a profondément inspiré, ainsi que des générations de militants » a déclaré l'archevêque sud-africain et prix Nobel de la paix Desmond Tutu.

Un combat radical

Lorsque Nelson Mandela est enfermé, en août 1962, Winnie reprend le flambeau et devient très rapidement une icône de la lutte anti-apartheid, figure du Congrès national africain. Alors qu'elle est assistante sociale, Winnie Mandela prend le combat de son mari à cœur et devient la cible de pressions et d'intimidations. Assignée à résidence dans la ville Brandofrt, elle ne peut voir son mari que deux fois par an, tous les six mois. Et alors qu'elle est seule, sa maison se retrouve, deux fois de suite, la cible d'attaques à la bombe.

Mais rien ne semble l'arrêter. Un combat qui, pourtant mené dans la paix par son mari, devient radical et affecte l'image de Winnie. En 1976, des policiers tirent des balles sur des élèves d'un lycée de Soweto, et cause la mort de 23 élèves, lors des manifestations faisant suite au décret signé par le ministre de l'Administration, du Développement et de l'Éducation bantoue qui veut imposer l'afrikaans comme langue enseignée dans toutes les écoles noires. Winnie Mandela appelle alors les lycéens de Soweto à « se battre jusqu’au bout ».

Alors qu'elle est surnommée « mère de la nation », son image ternie par des affaires de violence et des slogans qui, d'aucune manière, prônent la paix. En effet, elle déclare « un Boer (pionnier blanc en Afrique du Sud), une balle ». En 1985, elle prononce un discours qui divise et choque. Alors qu'à cette époque, les personnes considérées comme des traîtres de la lutte anti-apartheid, sont lâchement lynchés, pneu autour du cou puis brûlés, Winnie Mandela semble justifier la pratique. Pire, la prôner. Elle déclare lors de ce discours que les Sud Africains doivent s'affranchir avec des « boîtes d’allumettes » : « Avec nos boîtes d'allumettes et nos pneus enflammés, nous libérerons ce pays »

Condamnée à six ans de prison

« Elle était une formidable égérie de la lutte, une icône de la libération. Et puis, quelque chose a terriblement mal tourné » confiait Desmond Tutu, ami de Nelson Mandela. Ainsi, après les accusations de l'un de ses gardes du corps, Jerry Richardson, qui déclare qu'elle aurait ordonné le meurtre de Stompie Seipei Moketsi, un jeune activiste de 14 ans, l'épouse de Mandela perd en crédibilité et en popularité. Il faudra attendre 1990, lorsque Nelson Mandela est libéré, pour qu'elle fasse preuve de plus de légitimité.

En 1991, elle est finalement rattrapée par la justice et est condamnée à six ans de prison pour l'enlèvement et le meurtre du jeune activiste, Moketsi. Une peine qui sera par la suite réduite à une amende, en appel. Mais en 1998, Winnie Mandela est jugée coupable « politiquement et moralement des énormes violations des droits de l'Homme » par la Commission vérité et réconciliation (TRC), en charge de juger les crimes politiques de l'apartheid.

« Mandela nous a abandonnés »

Et alors que tout prêtait à croire que sa carrière politique était terminée, après avoir été bannie de la direction du Congrès national africain et condamnée en 2003 pour 43 accusations de fraude, Winnie l'effrontée, fait son retour en politique quatre ans après et intègre le Comité exécutif du parti. Entre-temps, en 1996, Nelson Mandela annonçait le divorce, fustigeant les soupçons d'infidélité de sa femme : « J'ai été l'homme le plus seul qui soit ».

De son côté, Winnie assène son mari. Pour elle, pas de doute, Nelson Mandela a trahi les Noirs en signant l'accord qui met fin à la ségrégation. Et alors qu'il accède en 1994 au rôle de Président d'Afrique du Sud, elle déclare alors que « l'accord qu'il a conclu est mauvais pour les Noirs » et qu'il « les a abandonnés ».

Source : AFP

Au sujet de l'auteur : Pauline Masotta

Journaliste