Menace terroriste : Les piscines de combustible seraient le gros point faible des centrales nucléaires françaises, selon Greenpeace

Le « talon d'achille des centrales nucléaires françaises » : c'est en ces mots que Greenpeace France qualifie les piscines d'entreposage du combustible des réacteurs. Un rapport commandé par l'ONG, réalisé par un panel de sept experts indépendants (France, Allemagne, Royaume-Uni et États-Unis), diagnostique en effet des failles sécuritaires importantes. Au cœur des inquiétudes, les piscines d'entreposage, désignées comme un « problème prioritaire ».

Faisant appel à l'analyse de divers spécialistes en sûreté nucléaire, en sécurité, en radioprotection ou en économie, l'expertise indépendante avait pour objectif de dresser un état des lieux de la sécurité des centrales nucléaires en France et en Belgique, ainsi que d'évaluer les différentes mesures de renforcement mises en place au cours des dernieres années.

Commandé en 2015, le rapport donne finalement ses premiers résultats. Pendant presque deux ans, les experts ont passé au crible les centrales nucléaires en France et en Belgique, en s’intéressant plus particulièrement à la capacité de résistance des piscines d’entreposage des combustibles nucléaires usés — notamment en cas d’acte de malveillance visant ces installations.

Principal point incriminé par le rapport : la fragilité des piscines d'entreposage, des bâtiments destinés à recueillir le combustible nucléaire usagé. Si les réacteurs disposent d'une protection importante et qu'ils sont équipés d'enceintes renforcées, ce ne serait pas le cas des piscines d'entreposage. Or, lorsqu'elles sont remplies, ces dernières peuvent contenir plusieurs centaines de tonnes de combustible nucléaire... soit l’équivalent de jusqu’à deux à trois cœurs de leur réacteur.

Si le combustible a déjà été utilisé par le réacteur, il est néanmoins encore hautement radioactif et dégage encore beaucoup de chaleur. Il doit donc être refroidi dans les piscines pendant deux à trois ans, avant de rejoindre une usine de retraitement. Mais en cas de brèche dans la structure, la matière n'est plus refroidie assez vite. L’accident nucléaire se déclenche alors, avec des conséquences potentiellement très grave pour la santé humaine et l'environnement.

Ce déficit est d’autant plus marqué dans le cas des piscines d’entreposage du combustible nucléaire, par rapport aux réacteurs eux-mêmes. En effet, l’analyse de sûreté a conduit à l’époque de leur construction à négliger le risque d’un processus d’emballement dans les piscines, et par là même occasion à ne pas les doter d’une enceinte de confinement robuste semblable à celle des bâtiments réacteur.



Coupe transversale d’une centrale nucléaire de production d’électricité / Greenpeace France

Mais pourquoi un tel manque de protection si ces installations sont aussi sensibles ? Pourquoi les réacteurs seraient-ils effectivement protégés, et pas ces bâtiments qui peuvent pourtant contenir plus de matière radioactive ?

Pour expliquer ce qui s'apparente à un paradoxe, le rapport pointe du doigt l'évolution des menaces potentielles au cours de l'histoire récente : en effet, selon les experts commandités par Greenpeace, la plupart des installations nucléaires en service en France ont été conçues à une époque où les menaces étaient de nature différente. Les moyens nécessaires à des attaques susceptibles d’affecter profondément ces installations ne pouvaient être mobilisés qu’avec le soutien d’États étrangers, qui, dans le cas de la France, en étaient dissuadés par la menace d’une frappe nucléaire militaire en retour.

La nature de la menace a toutefois radicalement basculé avec les attentats du 11 septembre 2001 : une organisation criminelle détachée de tout État peut disposer d’une capacité d’agression non couverte par les dispositions de conception initiales des installations nucléaires.

Le "devoir d'informer"

Le sujet est d'autant plus sensible que la France est actuellement fortement confrontée à la menace terroriste. Pour cette raison, le travail d'enquête s'est donc accompagné de précautions exceptionnelles afin de ne pas dévoiler d'informations susceptibles d'être employées à des fins malveillantes. Ainsi, compte tenu de la présence de certaines informations sensibles, seul le résumé de l'enquête a été divulgué (que la rédaction de Demotivateur a pu consulter), l'intégralité du document n'ayant été diffusée qu'auprès des autorités compétentes des territoires concernés.

L'ONG signale, cependant, que les informations auquelles les experts ont eu accès sont largement publiques et qu'elles pourraient donc potentiellement tomber dans de mauvaises mains. « Qu’il s’agisse d’éléments tirés des publications des opérateurs industriels ou des autorités, de bases de données, d’articles d’actualité ou encore d’observations sur le terrain, [ces informations] sont intégralement publiques, et pour l’essentiel très faciles d’accès », déclare Greenpeace France dans un communiqué. D'où justement l'urgence, selon l'organisation, d'alerter rapidement les pouvoirs publics et la société civile.

Pour ces raisons, Greenpeace demande que les autorités compétentes et l’exploitant des centrales nucléaires prennent en main ce qui relève, selon l'ONG, d'un grave problème de sécurité, et lance une pétition à cet effet.

« Il faut briser l’omerta sur les risques qui planent sur les centrales nucléaires. EDF, qui exploite les centrales, ne peut ignorer cette situation. Elle doit impérativement prendre en main ce problème de sécurité en effectuant les travaux nécessaires pour sécuriser les piscines d’entreposage du combustible usé, » déclare Yannick Rousselet, Chargé de campagne nucléaire pour Greenpeace France, dans un communiqué de presse.

Contacté par Demotivateur, EDF n'a pas souhaité pour l'heure commenter le rapport de Greenpeace. Cependant, le fournisseur d'électricité a tenu a rassurer vis-à-vis de la sécurité de ses installations nucléaires, dont la résistance aux risques d’actes de malveillance ou de terrorisme « est réévaluée en permanence »

Dans l'attente de prendre connaissance du rapport, l'exploitant des centrales nucléaires affirmede son côté une sécurité totale de ses parcs : « Le bâtiment réacteur et le bâtiment contenant le combustible ont été conçus pour résister tous les deux aux risques de séisme, d’inondation et d’actes de malveillance comme le terrorisme, » assure EDF.


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