Escalade de violence en Birmanie, le gouvernement s'en prend aux civils Rohingyas, qui sont contraints à l'exode

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En Birmanie, un regain de violences est en train d'entraîner un exode massif de la population Rohingyas, une toute petite minorité musulmane dans un pays à 90% bouddhiste. Plus de 18 500 d'entre eux ont déjà fui l'État d’Arakan, une région montagneuse située dans le sud-ouest du pays, pour rejoindre le Bangladesh voisin.

Depuis très longtemps persécutés et réprimés par les bouddhistes en raison de leur religion et de leur origine ethnique différente, ils ont longtemps subi les entraves à leurs droits sans mot dire. Mais après des décennies de purges et de violations systématiques de leurs droits, une rébellion armée et violente a fini par voir le jour et à s'organiser. Vendredi dernier, à l'aube, environ 150 rebelles Rohingyas se sont attaqués à des postes de police Birmans, armés de couteaux et de fusils. Les violences ont fait au moins 104 morts, dont une douzaine de policiers birmans et une grande majorité de rebelles Rohingyas.

Craignant de sanglantes représailles ainsi qu'une escalade de violences, de nombreuses familles Rohingyas fuient désormais la région, en quête d'un abri plus sûr, et veulent traverser la frontière du Bangladesh. Mais malgré le fait qu'ils partagent la même religion et des origines ethniques proches avec les bengalis, ils ne sont pas les bienvenus : bon nombre d'entre eux ont déjà été refoulés par les garde-frontières...

Des réfugiés Rohingyas au Bangladesh attendent une distribution de nourriture / Shutterstock

Apatrides

L'origine ethnique des Rohingyas n'est pas certaine — certains pensent qu'ils sont originaires de la région de la chaîne d'Arkan, d'autres affirment qu'ils sont des musulmans originaires de l'actuel Bengladesh ayant été déplacés en Birmanie pendant la période coloniale britannique. Quoi qu'il en soit, cette population est actuellement considérée par l'ONU comme étant l'une des minorités les plus persécutées au monde.

Depuis 1962 et l'arrivée au pouvoir de la dictature, les Rohingyas ont subi un nettoyage ethnique systématique de la part des bouddhistes birmans. Ils sont considérés comme n'étant pas des citoyens à part entière, et privés de leurs libertés. Tous leurs droits politiques, économiques et sociaux leur ont été retirés, ils n'ont pas le droit de voter, de faire des études, de tenir un magasin, ni d'avoir accès aux soins. Ils n'ont pas non plus le droit de se marier et d'avoir plus d'un enfant, selon une logique qui vise à entraver leur fertilité « animale » (et donc mener à terme à une épuration ethnique).

Un groupe de soldats dans un camp d'entraînement en Birmanie / Shutterstock

Ne faisant pas partie des 135 ethnies officiellement recensées et reconnues par l'État Birman, ils sont donc de facto apatrides et n'ont aucun droit. Souvent méprisés par le restant de la population, ils forment donc une sorte de caste invisible, dont les libertés sont très limitées.

Escalade de violence

En 2012, le pays, alors en pleine tentative de transition démocratique, est secoué par de violents affrontements entre musulmans et bouddhistes. Des émeutes commencent à éclater après qu'une dizaine de musulmans birmans ont été assassinés par des bouddhistes, en représailles pour le meurtre et le viol supposés d'une femme bouddhiste par un musulman. 

La machine est en marche, et plus rien ne peut éviter une surenchère de la vengeance entre les deux communautés. En réaction aux émeutes, des villages entiers sont décimés et rasés par les bouddhistes. Le 28 juin, la Burmese Rohingya Organisation UK (BROUK) dénombrait plus de 650 Rohingyas tués, 1 200 disparus et 80 000 déplacés. Plusieurs organisations de moines bouddhistes, qui avaient pourtant joué un rôle capital dans la lutte contre la dictature, ont pris des mesures pour bloquer l'assistance humanitaire aux Rohingyas.

La semaine dernière, une commission internationale dirigée par Kofi Annan, ancien secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies avait tiré la sonnette d'alarme, mettant le gouvernement birman en garde contre un risque possible de « radicalisation » des Rohingyas si leur situation n'évoluait pas rapidement dans le bon sens. Il y a quelques jours, la bombe à retardement a fini par éclater, lorsqu'un groupe armé Rohiingya s'est formé et a attaqué des représentants des forces de l'ordre. L'armée a ouvert le feu sur des civils Rohingyas, en guise de représailles.

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Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste