La loi sur le « secret des affaires » a été adoptée : Une directive qui inquiète les journalistes et qui divise

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46 voix contre 20. La proposition de loi LREM visant à protéger le « secret des affaires » a été adoptée ce mercredi 28 mars. Une loi qui ne cesse de faire parler d'elle et qui inquiète médias et associations, quant à la pérennité du droit à l'information.

Crédit image : shutterstock.comAlexandros Michailidis

C'est la majorité et la droite qui l'a emporté, tandis que la gauche s'y est farouchement opposée. Pour Raphaël Gauvin, rapporteur de LREM, il s'agit « de protéger nos entreprises contre l’espionnage économique, le pillage industriel ou la concurrence déloyale » avant d'indiquer, comme argument que « nos concurrents, en particulier les États-Unis, disposent depuis longtemps d’un arsenal performant ».

Selon la Commission européenne « l’information protégée par le secret des affaires peut être stratégique pendant des décennies (par exemple une recette ou un composant chimique) ou de façon éphémère (résultats d’une étude marketing, nom, prix et date de lancement d’un nouveau produit) » : Le secret des affaires doit protéger une information de telle façon à ce qu'elle ne soit pas « publique » ou « aisément accessible ». Ainsi, pour pouvoir la protéger, elle doit présenter une « valeur commerciale ».

Être mieux armé en cas de vols d'informations

Pour la Commission européenne, « les secrets d'affaires sont tout aussi importants pour la protection des innovations non technologiques. Le dynamisme du secteur des services, lequel représente environ 70 % du PIB de l'UE, repose sur la création de connaissances innovantes(...) La confidentialité, dans ce secteur essentiel de l'économie de l'UE, est utilisé dans le contexte de l'innovation 'douce', qui couvre l'utilisation de diverses informations commerciales stratégiques qui vont au-delà des connaissances technologiques, par exemple les informations relatives aux clients et aux fournisseurs, les processus d'entreprise, les plans d'affaires, les études de marché etc. »

D'après la Commission européenne, le « secret des affaires » a une importance particulière auprès des petites ou moyennes entreprises qui n'ont pas les mêmes moyens pour se défendre : « Ces secrets sont particulièrement importants pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les start-up, qui n'ont souvent pas les ressources humaines spécialisées ni l'assise financière nécessaires pour faire enregistrer leurs DPI, les gérer, les faire respecter et les protéger. »

Concrètement, pour protéger les entreprises, des lois existent pourtant déjà. En effet, la propriété intellectuelle ou le droit Pénal protège les entreprises contre les vols de documents ou vols de leurs secrets industriels par exemple. En somme, malgré les moyens juridiques déjà existants, les entreprises se sentent encore menacés et ainsi ceux qui menacent leurs « secrets d'affaires » n'étaient pas suffisamment inquiétés.

Journalistes et lanceurs d'alerte inquiets

Cette directive qui tend à protéger les entreprises contre les risques d'espionnage économique et industriel n'enchante pas tout le monde. En effet, les journalistes, qui permettent à tous de s'informer et d'exercer leurs droits, car c'est là un droit fondamental, sont inquiets et en colère face à cette décision. En ce sens, un collectif composé de journalistes, de syndicats et d'associations, a signé une tribune dans le Monde où il expliquait qu'avec cette directive « n’importe quelle information interne à une entreprise peut désormais être classée dans cette catégorie » ainsi des « scandales comme celui du Mediator ou du bisphénol A, ou des affaires comme les 'Panama Papers' ou 'LuxLeaks' pourraient ne plus être portés à la connaissance des citoyens ».

Si les journalistes pouvaient effectivement s'inquiéter quant à la liberté d'informer et à la liberté d'expression, le texte du Parlement européen a pourtant édité des mesures qui protégeraient, même si ce n'est pas totalement, le rôle des journalistes. En effet, il prévoit deux exceptions quant à la protection des secrets des affaires lorsque c'est « pour exercer le droit à la liberté d’expression et d’information établi dans la [charte des droits fondamentaux de l’Union européenne], y compris le respect de la liberté et du pluralisme des médias. » Mais aussi « pour révéler une faute, un comportement inapproprié ou une activité illégale, à condition que [la personne qui commet l’infraction] ait agi dans le but de protéger l’intérêt public général. »

En revanche, pour les lanceurs d'alerte, la question est plus houleuse. En effet, la loi ne prévoit aucune exception qui puisse protéger un lanceur d'alerte, même si la personne révèle « une faute, un acte répréhensible ou une activité illégale dans le but de protéger l’intérêt public général ». Pour Constance Le Grip, l'ancienne conseillère de Nicolas Sarkozy, il s'agit d'une «préoccupation grandissante, cela prendra le temps qu’il faut. Mais il est vrai que ce n’est pas l’objet de la présente directive. » Mais elle assure néanmoins que « les journalistes comme les lanceurs d’alerte ne pourront pas être poursuivis ».

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Au sujet de l'auteur : Pauline Masotta

Journaliste