L'UE déclenche une procédure sans précédent contre le gouvernement ultra-conservateur de la Pologne

Il s'agit d'une procédure sans précédent dans toute l'histoire de l'Union Européenne : après de longs mois de tentatives de dialogue et de mises en garde, Bruxelles a annoncé ce mercredi 20 décembre, le déclenchement de l'article 7 des traités européens pour sanctionner l'un de ses États membres, la Pologne, et son gouvernement ultra-conservateur.

Cette procédure, qui ne peut être appliquée que dans les cas de « risque de violation grave de l'État de Droit » au sein d'un pays membre de l'Union, n'a encore jamais été employée auparavant. Elle peut aller jusqu'à la mise au ban d'un État, et avoir pour conséquence la privation de ses droits de vote au sein du Conseil Européen.

Extérieur du Parlement Européen à Bruxelles / Alexandra Lande, Shutterstock

En cause, un ensemble de lois récemment adopté par le gouvernement de Varsovie, qui remettrait en cause l'indépendance des juges. Le gouvernement, contrôlé par le parti d'ultra-droite PiS, est parvenu à faire adopter la refonte du Conseil national de la magistrature et de la Cour suprême, les deux principales instances judiciaires du pays. Cette décision, contestée par le président Andrzej Duda lui-même, pourtant lui aussi membre du parti PiS, a finalement été approuvée au terme de longues négociations avec la majorité du parti à l'Assemblée. Le texte, sur lequel Duda avait apposé son veto dans un premier temps, a été finalement validé avec des modifications mineures.

Les institutions judiciaires, que le PiS présente comme une caste décadente et corrompue au sein de laquelle il souhaiterait faire « le ménage », passeraient directement sous la houlette de l'État polonais. Un cas de figure qui irait directement à l'encontre du principe démocratique élémentaire de séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.

« C’est avec le cœur lourd que nous avons activé l'article 7, a déclaré Frans Timmermans, le vice-président de la Commission Européenne, devant la presse. Mais les faits ne nous donnent pas le choix, nous n’avons pas d’autre option. »

L'article 7 des traités est une procédure de sanction qui avait été mise en place en 2000, après les tensions entre l'UE et l'Autriche, alors que l'extrême-droite y était au pouvoir, mais qui n'avait pas été appliqué à l'époque. Cet article permet, dans une première phase, de condamner explicitement une violation de l'État de Droit, ce qu'a fait l'UE mercredi. Dans une deuxième phase, elle permet d'appliquer de lourdes sanctions, qui peuvent aller jusqu'à la suspension des droits de vote de l'État sanctionné au Conseil Européen. Ce dernier cas de figure est peu probable, car il nécessiterait l'unanimité de Bruxelles pour avoir lieu. Or, le premier ministre Hongrois Viktor Orban a déjà fait savoir que son pays n'irait pas jusqu'à valider cette étape ultime de la procédure.

Depuis plus d'un an que la Pologne défend son droit à pratiquer ce qu'elle considère comme « une réforme nécessaire de sa magistrature », le durcissement du ton et les menaces de Bruxelles n'ont pour l'instant produit aucun résultat probant. Hier soir, peu après l'annonce du déclenchement de la procédure de sanction par l’UE, le président polonais Andrzej Duda a annoncé qu’il avait « pris la décision » de promulguer ses deux lois controversées de réformes judiciaires, campant malgré tout sa position.

Si la menace représentée par l'article 7 reste effectivement plus symbolique que réelle, l'approbation de l'article 7 par une majorité d'États membres de l'Union représente cependant à elle seule un camouflet pour le gouvernement de Varsovie. Bruxelles, de son côté, envisagerait déjà d'autres moyens de pression, comme, par exemple, brider l'accès à certains fonds européens.


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Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste