Les nonnes du Vatican en ont marre d'être les bonniches des cardinaux... et poussent un coup de gueule pour plus d'égalité hommes/femmes au sein de l'Église catholique

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C'est bien connu : si tous les secteurs de la société comportent leur lot variable d'inégalités en matière de droits hommes/femmes, l'Église catholique est un milieu particulièrement dominé par les hommes. Mais voilà : même les prudes et chastes bonnes sœurs, modèles d'obéissance et de dévouement, en ont plein le dos ! Au sein même du Vatican, un groupe de nonnes a décidé de se rebeller pour faire valoir ses droits, et publie un manifeste — relayé entre autres par le supplément féminin du journal officiel du Saint-Siège.

Une action qui bat aussi en brèche bien des clichés concernant l'Église catholique et ses représentants, souvent caricaturés comme forcément traditionalistes et conservateurs. Ces religieuses montrent,  au contraire, que même si elles ont fait vœu de dévouer leur vie entière au service de leur foi, elles n'acceptent pas de mettre de côté leur intégrité en tant que femmes, et leur pouvoir de décision. 

Deux nonnes dans la Basilique Saint-Pierre, au Vatican / Anna Jurkovska, Shutterstock

Les nonnes du Vatican en ont ras la guimpe : marre d'être confinées à des rôles subalternes, marre d'être exploitées, marre de ne pas être traitées avec la même estime et le même respect que les membres masculins de la communauté religieuse !

Cantonnées à toutes les tâches domestiques ingrates au sein de l'Église, sans reconnaissance ni salaire, elles ont le sentiment d'être plus des « bonnes » que des « sœurs ». Alors, elles ont publié un manifeste sur Facebook pour dénoncer les mœurs sexistes du milieu dans lequel elles évoluent (texte en italien, la traduction en anglais ici ). Elles ont également raconté leur quotidien dans Donne Chiesa Mondo, le supplément féminin du journal officiel du Vatican.

« En tant que femmes adultes, chaque jour, nous ressentons le rôle subordonné des femmes dans l'Église », font valoir les signataires du texte. Les religieuses ont fait vœu de chasteté et d'obéissance... cependant elles ont surtout le sentiment d'être exploitées, mises au service des prêtres et des évêques pour lesquels elles effectuent le ménage, la cuisine, le repassage, et toutes les tâches ingrates. 

Dédier sa vie au service de Dieu — pas à celui des cardinaux

Cantonnées aux rôles subalternes, reléguées au second plan, sans cesse écartées de facto des postes à responsabilité pour des raisons de théologie ou de tradition (vous avez déjà vu une papesse ou une évéquesse ?) elles revendiquent leur droit à pouvoir évoluer dans leur foi comme les hommes, et à être respectées et reconnues à leur juste valeur.

Dans son article « Le travail (presque) gratuit des sœurs »Donne Chiesa Mondo évoque de manière édifiante le rôle attribué aux bonnes sœurs, qui ressemblent plus à des femmes de ménage corvéables à merci, plutôt qu'à des religieuses. Elles servent dans les maisons des évêques ou des cardinaux, où elles accomplissent des rôles de « domestiques » — et bien sûr, sans horaires de travail réglementé, à la différence du monde laïc.

« Nous avons le sentiment que les femmes ne peuvent exister dans la communauté que tant qu'elles sont là pour résoudre les problèmes des hommes, qui sont, eux, les véritables protagonistes. Uniquement les hommes, expliquent encore les religieuses dans leur manifeste. Que ce soit au sein des oratoires paroissiaux, des mouvements ecclésiastiques ou des écoles théologiques, le modèle que l'on propose aux femmes est invariablement celui d'une » béquille « pour supporter une figure masculine, prêtre, enseignant, ou mari. »

Outre ce sentiment d'être reléguées à des rôles de second plan par les organisations religieuses, elles veulent être reconnues à la juste valeur de leurs talents et de leur engagement spirituel et religieux. « La foi d'une femme, ou son adhésion à n'importe quelle vocation qu'elle choisit d'embrasser, est toujours considérée comme étant inférieure, de moindre qualité que celles des hommes » regrettent-elles.

Jésus féministe

Il est vrai que le milieu religieux est fréquemment catégorisé comme étant particulièrement patriarcal. La femme est souvent représentée par les ecclésiastiques comme une tentatrice... initiatrice qu'elle est du péché originel !

Et pourtant, nos nonnes féministes s'appuient justement sur la Bible pour défendre l'égalité des sexes, en citant un passage pour montrer que non, la religion catholique n'est pas forcément l'apanage du patriarcat : « Toutefois, dans le Seigneur, la femme n'est point sans l'homme, ni l'homme sans la femme. Car, de même que la femme a été tirée de l'homme, de même l'homme existe par la femme, et tout vient de Dieu.… (Corinthiens 11:11) »

Selon elles, le sexisme dont peuvent faire preuve certains membres de l'Église est même la marque « d'une profonde infidélité à la parole de l'Évangile, à la voie montrée par Jésus sur la manière de traiter les femmes, à la force de Marie, et à l'importance de la figure de Marie-Madeleine. » En clair, le traitement équitable des deux sexes est aussi inscrit dans la Bible, pour ceux qui veulent bien le voir...

Publié par Donne per la Chiesa sur mercredi 14 février 2018


Mais dans leur manifeste, les nonnes ne s'arrêtent pas là et font valoir plusieurs revendications : « Nous demandons à ce que les vocations et les recherches des femmes de l'Église soient prises en considération [...], à ce que soit reconnue la possibilité pour une femme de pouvoir s'approcher un peu plus du cœur de la vie ecclésiastique, et d'accorder de la valeur au désir sincère d'une femme de vouloir prendre part à un rôle ministériel plus actif, y compris au sein de la structure sacramentelle ». Ce dernier point constituerait une révolution de taille, puisque l'ordination de femmes est totalement exclue par l'Église catholique romaine...

« En tant que femmes, nous ne voulons pas nous substituer aux hommes, mais nous pouvons inventer de nouvelles manières d'agir qui pourraient enrichir l’Église, » déclarent néanmoins les nonnes.

En attendant que l'Église ne se décide à réformer le rôle des femmes dans ses cercles (ce qui risque de ne pas être pour tout de suite tant cela soulève de nombreuses questions d'ordre théologique), il n'en demeure pas moins qu'il existe, certainement, des moyens d'améliorer les conditions des femmes en son sein. Notamment cesser de considérer les bonnes sœurs comme des bonnes... à tout faire.


Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste