Le décor de rêve de l'atoll de Clipperton vire au cauchemar, à cause de la pollution plastique

Bouton whatsapp

Les plages de l’atoll français de Clipperton sont ensevelies par les déchets rejetés par l’océan. Une situation qui menace l’écosystème.

Des plages de sable blanc, un lagon d’eau douce unique en son genre et un horizon dominé par l’océan Pacifique à perte de vue. Sur le papier, l’atoll corallien de Clipperton a tout de l’îlot paradisiaque mais en réalité, ce décor de rêve est en train de virer au cauchemar, en raison d’une importante pollution plastique.

 

Les rivages de cet atoll français, situé à plus de 10 000 kilomètres de la métropole et autrefois surnommé « l'île de la passion », sont en effet souillés par des montagnes de déchets plastiques qui s’accumulent dangereusement.

« Ça m’a retourné le cœur »

Une situation que dénonce Serge Planes, chercheur au CNRS et spécialiste mondial des coraux. À la tête d’une expédition baptisée « Tara Pacific », destinée à étudier le récif entourant l’îlot, ce dernier a ainsi décidé de tirer la sonnette d’alarme. Arrivé avec son équipe sur les lieux au mois d’août 2018, celui qui est également responsable du Criobe (Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l'Environnement CNRS-PSL) n’a pu que constater les dégâts sur place. « Ça m’a retourné le cœur (…) Il n'y a pas un endroit plus propre qu'un autre, les déchets sont partout (…) C'est un spectacle extrêmement triste, totalement décourageant », déplore-t-il.

Cette pollution acheminée sur les plages par les courants marins menace à terme l’écosystème de l’île, où bon nombre d’oiseaux, notamment des fous bruns ainsi que des fous masqués, élisent domicile lors de la période de nidification.

-9. exemple d'amas de déchets plastiques tel qu'on en trouve fréquemment sur l'atoll, parfois à plusieurs dizaines de mètres de la plage. La grande majorité sont des bouteilles, bidons, jouets, chaussures, etc. dont la plupart semble provenir d'amérique centrale selon les étiquettes.

Les fous bruns, espèce d'oiseaux très présente sur l'île de Clipperton, sont contraints de faire leurs nids au milieu des déchets plastiques. Crédit photo : Serge Planes

La présence nocive de ces déchets perturbe fatalement le bon déroulement de la construction des nids, comme le regrette Serge Planes : « Tous les nids sont faits à partir de déchets plastiques (…) Quel triste lieu de naissance que nous offrons à nos jeunes fous là où ils devraient découvrir une nature pure. Ces oiseaux n'ont que nos saletés pour se protéger », explique-t-il ainsi, amer.

« Convaincre l'État d'organiser des missions une fois par an pour nettoyer »

Désireux d’alerter l’État devant l’urgence écologique, le scientifique espère être entendu. « Si seulement je pouvais convaincre l'État français d'organiser des missions une fois par an pour nettoyer Clipperton, ce serait bien. Ça aurait une valeur d'exemple, ce serait tout à l'honneur de la France. Est-ce si compliqué ? », s’interroge-t-il.

À l’heure actuelle, seule une visite annuelle d’une frégate de la marine nationale est organisée sur l’île, afin d’y entretenir le drapeau français qui y flotte, ainsi que la plaque de la nation. Une condition sine qua non pour que la France puisse continuer de détenir la souveraineté des lieux et jouir ainsi de la Zone économique exclusive environnante, en vertu du droit international. Notons que cette zone revêt une importance stratégique non négligeable pour le pays, en raison d’importantes ressources halieutiques en thon.

L’État fera-t-il la sourde oreille ? Ou, au contraire, prendra-t-il en considération cet appel en agissant pour préserver le site ? Rien n’est moins sûr, car cette situation n’est en réalité pas nouvelle et aucun effort concret n’a été réalisé jusqu’à présent. En 2005, l’explorateur français Jean-Louis Étienne s’était en effet déjà offusqué de cette pollution envahissante sur Clipperton, en vain…

Source : Le Figaro

Au sujet de l'auteur : Mathieu D'Hondt

Évoluant dans la presse web depuis l’époque où celle-ci n’en était encore qu’à ses balbutiements, Mathieu est un journaliste autodidacte et l’un de nos principaux rédacteurs. Naviguant entre les news généralistes et les contenus plus décalés, sa plume s’efforce d’innover dans la forme sans jamais sacrifier le fond. Au-delà de l’actualité, son travail s’intéresse autant à l’histoire qu’aux questions environnementales et témoigne d’une certaine sensibilité à la cause animale.