Marlène Schiappa dévoile les mesures de son projet de loi pour lutter contre les violences sexuelles

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Marlène Schiappa avait déclaré que le gouvernement s'était arrêté sur l'âge de 15 ans quant au seuil de consentement sexuel : « Après les consultations citoyennes dans le cadre du Tour de France de l'égalité et les conclusions du rapport d'experts remis à Matignon, le gouvernement a décidé de retenir l'âge de 15 ans ». Après quelques semaines écoulées, l'heure est aux précisions et aux améliorations du projet de loi contre les violences sexuelles. Ce mercredi 21 mars, Marlène Schiappa et Nicole Belloubet présentent un projet de loi de lutte contre les violences sexuelles.

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Il s'agissait d'une question qui, il y a encore quelque mois, avait du mal à dépasser les discussions de tables. Générations après générations, le constat était le même : les expériences d'agressions sexuelles étaient racontées, timidement, honteusement, suscitant parfois un traumatisme tel qu'il fallait le taire. Pour certaines conjointes ou épouses, les coups sont une habitude, un quotidien qu'elles préfèrent endurer plutôt que d'en parler. Certaines d'entre elles, en plus de faire face aux coups se voient devoir faire face au questionnement, souvent rabaissant, de voisins. Certaines d'entre elles, meurent chaque jour sous les coups d'un mari, que l'on préférera qualifier d'impulsif, de jaloux maladif pire encore, poussé par la passion. Concrètement, une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups d'un conjoint « trop impulsif, trop jaloux ».

Pour d'autres, en France, il s'agit de se balader dans la rue, librement. En jupe, voilée ou en combinaison de ski. Qu'importe du moment que c'est librement et sans se faire apostropher. Pour d'autres et depuis longtemps, le processus de guérison après un viol est quasi impossible car elles se retrouvent confrontées à une question automatique lorsque, et seulement si, elles ont le courage de déposer plainte, à savoir la façon dont elles étaient habillées au moment des faits. Alors, depuis que la parole s'est libérée, le gouvernement met du cœur à l'ouvrage afin de prouver à toutes ces femmes qui se sentent esseulées, qu'elles ne le seront plus. #MeToo et #BalanceTonPorc, quoique cela comporte, ont permis une certaine émancipation de la femme. Et même s’il en existe des dérives, le gouvernement a pris la décision d'aller dans ce sens.

Il aura fallu des indignations, des procès et des histoires loufoques, pour qu'enfin, le gouvernement veuille renforcer et encadrer les rapports hommes-femmes dans la société. En ce sens, les moyens ont été considérablement augmentés, à savoir 420 millions en interministériel. Le gouvernement, dont Marlène Schiappa, la secrétaire de l'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et la ministre de la Justice, Nicole Belloubet ont décidé de s'intéresser aux condamnations et ainsi d'apporter des précisions et de renforcer certaines interdictions.

Seuil de consentement sexuel

C'est la question qui fait couler le plus d'encre. Alors que pour le procureur de la République de Paris, François Molins, il était plus « cohérent » de fixer le seuil de consentement à treize ans, le président de la République, « à titre personnel » préférait l'âge de quinze ans. En ce sens, en dessous de quinze ans (jusqu'à quatorze ans et onze mois), un acte sexuel, serait directement qualifié de viol, jugeant qu'en dessous de cet âge, l'enfant est trop immature pour pouvoir être ou consentant ou faire état d'un refus catégorique face à un rapport sexuel avec un adulte. Avec cette mesure, il y a la volonté claire et nette de vouloir protéger le mineur de moins de quinze ans et ainsi éviter de connaître à nouveau un cas de figure comme la fillette de onze ans jugée consentante car ne s'était pas clairement opposée au rapport.

Mais face à cette décision, des magistrats ont relevé le côté peu tacite de cette mesure. L'inquiétude est de savoir, si, dans un cas de figure où un adolescent fraîchement majeur s'adonne à une relation sexuelle avec un mineur de moins de quinze ans, il pourrait y avoir des poursuites. En ce sens, le Conseil d'État a reformulé le texte bien qu'il ait précisé, face à cette inquiétude, qu’« une personne mise en cause doit toujours pouvoir apporter la preuve qu’elle est innocente. Sinon la disposition risque l’inconstitutionnalité. » indique Jacky Coulon, secrétaire national de l’Union syndicale des magistrats

La reformulation du texte maintient son seuil de consentement à quinze ans mais vient ajouter des précisions. Pour le gouvernement, l'intérêt de rajouter aux éléments constitutifs du viol un âge en deçà duquel l'acte sexuel sera considéré comme un viol, est de faciliter les condamnations. « Lorsque les faits seront commis sur la personne d’un mineur de [moins de] 15 ans, la contrainte morale ou la surprise peuvent résulter de l’abus de l’ignorance de la victime ne disposant pas de la maturité ou du discernement nécessaire pour consentir à ces actes ». Aussi, la peine encourue face à une atteinte sexuelle avec pénétration, passera de cinq à dix ans.

Verbalisation du harcèlement de rue

Le harcèlement de rue connu de toutes, ne devrait plus passer inaperçu. Et c'est Emmanuel Macron qui en avait fait la promesse. Le sanctionner semble donc la meilleure façon de l'empêcher. 43% des femmes ont déjà subi des attouchements sexuels non consentis, et que 12% de la population féminine affirme avoir été victime d’un viol. Des chiffres inacceptables qui traduisent d'un manque d'éducation clair.

Pour éviter de se faire interpeller dans la rue, de se prendre une main aux fesses, certaines trouvent des stratagèmes. Alors plutôt que de sanctionner les femmes dans leur vie de tous les jours et de les contraindre à changer de trottoir, le gouvernement à décider de sanctionner les auteurs de harcèlement sexuel : Les policiers, formés à cet effet, pourront alors les sanctionner à l'aide d'amendes de classe 4, allant de 90 à 750 euros. 3 000 euros en cas de récidive. Pour Marlène Schiappa, « il est important que les lois de la République disent qu’il est interdit de menacer, d’intimider, de suivre des femmes dans la rue » indiquait-elle dans les colonnes du Monde.

Des délais de prescription plus longs quant au crime sexuels sur mineurs

Au regard de nombreux témoignages, les victimes regrettent d'avoir pris trop de temps à se décider à avouer, dénoncer et porter plainte. Des faits divers le démontrent, mettant en lumière de nombreux éléments qui ont poussé la victime à se murer dans le silence. Amnésie traumatique, peur de faire face à son agresseur et peu de moyens financiers pour engager des poursuites, voilà les barrières dont les victimes de viol doivent faire face. Jusqu'à ce jour, le délai de prescription était de 20 ans après la majorité, aujourd'hui il passe à 30 ans dans le projet de loi.

Lutter contre le cyber-harcèlement

Le cyber-harcèlement est devenu, à cause des réseaux sociaux, un fléau. Au collège, au lycée, le cyber-harcèlement est la forme la plus lâche qui a été inventée pour faire du mal à une autre personne. Les auteurs, souvent en groupe, se cachent derrière un ordinateur pour invectiver la personne qu'ils auront choisie comme victime. Aujourd'hui, le cyber-harcèlement prend également la forme d'insultes sexistes, à l'encontre des femmes.

Dans le Huffington Post, Marlène Schiappa explique alors que « les réseaux sociaux, les forums, les mails, les plateformes... ne doivent pas être des lieux de haine contre les femmes. Désormais, chaque participant à un harcèlement collectif pourra être condamné pour sa participation sans se déresponsabiliser devant le nombre de co-harceleurs ». Une mesure qui résulte d'une « consultation » qui représente « la plus grande consultation citoyenne nationale jamais organisée » grâce aux « demandes de collégiens, lycéennes et lycéens, jeunes personnes... démunis face à ce phénomène nouveau

Enfin, dans ce projet de loi, le gouvernement précise de quelle manière il sera possible de qualifier un désagrément rencontré dans la rue ou plus généralement dans l'espace public en harcèlement sexuel et moral : « lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime de manière concertée par plusieurs personnes, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ». Des délits passibles de deux ans de prison pour le harcèlement moral et trois ans pour le harcèlement sexuel.

« Nous avons besoin de l'implication de toutes et de tous pour qu'enfin, la société cesse de minimiser, d'excuser, de relativiser, de banaliser les violences sexistes et sexuelles » confie Marlène Schiappa.

Source : Huffington Post

Au sujet de l'auteur : Pauline Masotta

Journaliste