Mais… à quel point sommes-nous vraiment définis par notre prénom ?
Bien sûr, on sait que certains prénoms sont plus faciles que d'autres à porter. On se souvient tous de ces affligeantes compilations de la ligue des officiers d'état civil, un groupe qui liste les pires prénoms donnés chaque année par des parents en mal d'originalité à de malheureux bambins (qui n'ont pourtant rien demandé et rien fait de mal à personne, qu'on se le dise) : résultats, on se retrouve ainsi chaque année avec des petites Clitorine, des petits Aboubacar-Jacky ou autres Lola Pouponne.
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Mais même dans les prénoms moins rocambolesques, on trouve encore un bon nombre de clichés ou de stigmas attachés à tel ou tel prénom. Il suffit en effet d'un prénom pour se faire déjà une idée d'une personne, même si c'est totalement basé sur des clichés et autres préjugés : C'est comme ça que, consciemment ou inconsciemment, les Kevin sont facilement à nos yeux des kikoolol en puissance, les Robert et les Raymonde sont des Français moyens de plus de 50 ans, les Dylan sont des enfants d'une classe populaire qui regarde trop TF1, les Philomène et autres Charles Henri sont au contraire des petits-bourgeois guindés aux parents bien aisés.
Si, et c'est loin d'être un scoop, les prénoms sont très souvent source de stéréotypes culturels, s'ils peuvent effectivement être les marqueurs de certaines classes sociales ou, évidemment, de certaines tranches d'âge ou générations, il faut croire que leur influence sur nous est peut-être encore plus forte que ce que l'on pourrait penser.
Ainsi, notre prénom pourrait bien nous définir… physiquement.
C'est une étude relayée par Slate, réalisée par des chercheurs de l’Hebrew University de Jérusalem, qui le suggère : l'apparence physique est liée aux prénoms ! En effet, selon les chercheurs hiérosolymitains, il est possible de se baser sur le prénom de quelqu'un pour avoir une idée de son physique. Et en général, cet instinct ne nous trompe que rarement…
Dans le cadre de cette étude, des volontaires ont eu pour mission de relier des photos de gens à des prénoms à choisir parmi plusieurs propositions. Et les participants avaient juste une fois sur deux en moyenne, ce qui statistiquement est de loin supérieur au simple hasard ! Forts de ces résultats, les chercheurs ont même construit un algorithme informatique qui dresse des portraits-robots de visages pour différents prénoms, avec des résultats assez impressionnants.
« Dans l'esprit des gens, les Bob ont le visage plus rond que les Tim »
Alors bien sûr, tous les Michel et tous les Alphonse ne se ressemblent pas. Mais ils peuvent avoir des traits communs au niveau de leur apparence physique, et cela ne relève pourtant ni du domaine de la sorcellerie, ni de quelque autre obscure science cabalistique. En fait, parmi les stéréotypes attachés aux prénoms, on trouve également beaucoup de stéréotypes liés à l'apparence. Et les personnes auraient tendance à vouloir se conformer à ce que la société « attend d'eux » et donc à tel ou tel stéréotype ! Inconsciemment, les stéréotypes finissent par influencer la façon dont nous nous percevons nous-mêmes (puisque nous nous percevons avant tout au travers du prisme de la société) et donc par nous modeler, jusque dans notre apparence physique.
« L’étude a démonté qu’il y a des stéréotypes culturels attachés aux prénoms, y compris concernant l’apparence, explique ainsi Yonat Zwebner, qui a dirigé l'étude, à l'American Psychological Association. Par exemple, les gens seront plus susceptibles d'imaginer un visage rond sur une personne appelée Bob, plutôt que sur quelqu’un qui s’appelle Tim. Nous pensons que ces stéréotypes, au fil du temps, affectent l’apparence des gens. »
Quoi qu'il en soit, l'effet du prénom sur l'apparence semble être avant tout un « effet secondaire » de tous les préjugés et autres stéréotypes qui se glissent derrière chaque prénom (oui, y compris le vôtre !) sans que l'on en soit toujours bien conscient. Comme on se définit en partie à travers le regard des autres et ce que la société attend de nous, les Kévin finissent par être des Kévin et les Régis finissent par devenir des Régis.
Au-delà de tout ça, les prénoms peuvent définir la façon dont nous sommes perçus… et même nos chances potentielles de décrocher ou non tel ou tel emploi ! Ainsi, Nicolas Guéguen, docteur en psychologie sociale, dont le travail est mis en lumière dans un article très intéressant paru sur le Monde.fr il y a quelques années, explique que « lorsqu'on sollicite par courriel les étudiants d'une université afin qu'ils répondent à un questionnaire, 72 % acceptent la requête si le prénom du demandeur est le même que le leur, contre 44 % si le prénom est totalement différent. Le taux monte même à 96 % en cas de similitude du nom de famille. »
De même, selon lui, le fait d'apprécier ou non son propre prénom influence énormément l'estime de soi d'un individu, et indirectement, la façon dont il se perçoit lui-même plus ou moins positivement ou négativement en tant que personne : « Le caractère mélodieux ou musical de l'énonciation d'un prénom ou d'un nom pourrait constituer un avantage pour son porteur. La beauté du prénom vient affecter l'évaluation de l'attrait physique d'une personne. »