Lettre ouverte aux parents qui ont dit à leurs enfants d'arrêter de pointer ma fille du doigt

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Beth Hersom est une maman de trois enfants. L'une de ses filles souffre du syndrome d'Apert et elle a passé plus de temps à l'hôpital que dans sa maison pendant la première année de sa vie. Elle a écrit cette émouvante lettre ouverte dans une tribune sur le site The mighty, et nous avons voulu la traduire de l'anglais pour vous car elle délivre un message non seulement très beau, mais surtout très important... Bonne lecture !

@Beth Hersom/via themighty.com



Chers parents,

 

Je voudrais vous parler de quelque chose d’un peu gênant. Récemment, il m’est apparu que beaucoup d’entre vous, même les meilleurs, font en fait une erreur monumentale. Et je vous comprends. En fait, je faisais la même chose il y a encore deux ans de cela.

 

Ma fille souffre d’une pathologie génétique rare, appelée le syndrome d’Apert. Quand elle était bébé, les sutures de son crâne ont fusionné ensemble. Cela signifie qu’il n’y avait pas de place dans son crâne pour que son cerveau se développe et grandisse, et qu’elle a eu très vite besoin d’une opération chirurgicale, pour libérer la pression. Sa tête est plus large que la normale. Quand elle est née, ses doigts et ses orteils étaient collés. Elle a eu une première chirurgie pour séparer ses doigts, et à présent ses pouces sont séparés. Elle a subi une trachéotomie, elle ne peut donc pas parler pour l’instant. À cause de multiples complications médicales, elle a dû passer une grande partie de sa vie d’enfant dans l’hôpital. Elle est encore en train de développer les muscles dont elle a besoin pour pouvoir se lever toute seule et marcher. Avec le temps, elle le pourra mais pour l’instant elle vit dans une chaise spéciale. Bref, ma magnifique petite fille se démarque un peu des autres.

 

@Beth Hersom/via themighty.com

 

Je dois déjà apprendre à mes filles que certaines personnes sont simplement méchantes, et qu’on ne peut rien y faire. Je dois déjà apprendre à mes filles qu’accepter cela tout en pardonnant quand-même à ces gens est important. J’essaye aussi de leur apprendre que la plupart des gens sont bons… Et c’est là que vous entrez en scène, chers parents.

 

Quand je sors avec ma petite fille, nous voyons toutes sortes de réactions imaginables, mais la plus naturelle, la plus commune, la plus sincère, c’est la réaction de la plupart des enfants de son âge. Ils regardent. Certains sont confus. Certains ont peur ou sont inquiets. Les plus aventureux posent des questions. Tous semblent éprouver de la curiosité.

 

C’est vilain de fixer les gens. C’est vilain de montrer les gens du doigt. Vous savez cela. Vous avez honte, vous êtes embarrassés par votre enfant parce qu’il fixe ma petite fille ou qu’il la montre du doigt. Vous vous excusez. Vous dites « chut » à votre enfant, vous le mettez vite à l’écart, et je sais que vous faites cela pour ne pas heurter ma sensibilité, pourtant je ne suis pas aussi fragile que vous ne le pensez et vos actes font en réalité plus de mal que de bien. Vous êtes en train d’apprendre à votre enfant à avoir peur de ce qu’il ne connaît pas. Je suis sûre que la plupart d’entre vous auront ensuite une petite conversation avec eux, au sujet de la différence et du fait qu’il est malpoli de fixer les gens. Après tout, vous êtes de bons parents.

 

Et je voudrais vous mettre au défi d’avoir cette conversation ici même, avec moi et ma fille. Souriez. Dites bonjour. Présentez-vous ainsi que votre enfant. Nous aussi, nous nous présenterons en retour. Votre enfant posera des questions. Probablement les mêmes questions que vous voulez vous-même poser, tout au fond de vous, et que vous n’osez pas poser car vous avez peur de parler des différences, même quand celles-ci sont aussi évidentes.

 

Car voilà le fond des choses : Les enfants catégorisent tout ce qui les entoure. Ils en ont besoin pour comprendre le monde, ils ont besoin de votre aide — et peut-être de la mienne — pour s’assurer que Sarah rentre dans la bonne catégorie. S’ils posent des questions, c’est pour comprendre les choses qui les entourent et les classer dans leurs têtes. Quand vous les empêchez de poser leurs questions « malpolies », vous confirmez que ma fille est « quelque chose d’autre ». Croyez-le ou non, tous les enfants que j’ai rencontré qui ont pu poser autant de questions « malpolies » qu’ils voulaient ont appris en quelques minutes à voir ma fille comme je la vois. Elle est juste une enfant, tout simplement.

 

Elle aime les sucettes. Elle éclate de rire quand son papi lui fait des blagues. Elle a ses musiques préférées. Elle va à l’école. Elle a une couleur préférée, qui change tout le temps. Aujourd’hui, c’était le vert. Elle a une petite sœur et une grande sœur. Elle a ses dessins animés préférés. Elle vous fera tomber sous le charme de ses grands yeux curieux, bleus et profonds.

 

Maintenant, imaginez ce que ma fille voit en votre enfant. Une petite face d’ange, incapable de détourner le regard d’elle. Un petit être tout comme elle, qui la montre du doigt pour la montrer à ses parents. Puis l’adulte prend l’enfant par le bras et l’amène à l’écart, en évitant consciencieusement de croiser son regard ou de la voir. Maintenant, imaginez ce scénario se dérouler encore, encore et encore. Elle n’est pas bête, elle comprend et voit bien les choses, et cela la blesse énormément.

 

Au moins, vous pourriez la regarder, et sourire. Si vous ne faites pas au moins ça, peu importe ce que vous direz à votre enfant plus tard sur la différence et la diversité. Si vous ne faites pas au moins ça, votre enfant et mon enfant recevront tous les deux le même message de votre gêne et de votre honte : Ma fille est « l’autre ». Elle est quelque chose, pas quelqu’un. La peur initiale de votre enfant a été confirmée. Croyez-moi, je préfère de très loin les « questions malvenues » à ce sentiment de gêne et cette sensation d’être évitée.

 

Et je ne vous accuse pas. Je sais que c’est dur.

 

Il y a des gens absolument odieux et méchants dans le monde. Nous survivrons à ça, ne vous inquiétez pas. Nous survivrons aux regards de travers. Nous survivrons aux commentaires méchants. Nous survivrons aux insultes. Nous survivrons à tout cela parce que, comme je l’ai dit à ma fille aînée, peu importe combien de personnes ne peuvent pas voir au-delà de sa différence, car Sarah est entourée de personnes qui l’aiment. Qui la voient. Et elle est formidable.

 

Les enfants ne sont pas des adultes miniatures. Ils sont d’incroyables être en devenir. Ils sont curieux, ouverts au monde, et pleins de questions et d’émerveillement. Vous pouvez leur apprendre à voir un enfant comme eux quand ils regardent ma petite fille, qui a l’air si différente et qui se déplace dans un fauteuil roulant. Vous pouvez leur apprendre à voir en elle une amie potentielle. Ou alors, vous pouvez leur apprendre à avoir peur. C’est votre choix. Et je ne vous juge pas, quoi que vous fassiez. Comme je vous le disais, j’étais comme vous avant que ma fille ne naisse, et moi aussi je ne savais pas comment réagir dans de telles situations. Vous n’avez pas besoin de faire partie des gens qui l’aiment de tout leur cœur — même si je suis sûre que vous l’aimerez si vous apprenez à la connaïtre— mais s’il vous plaît, faites partie des gens qui la voient. Et apprenez à vos enfants à la voir. S’il vous plaît.

Source : http://themighty.com/
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Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste