« Nous n'enseignerons plus que ''le masculin l'emporte sur le féminin'' », le manifeste signé par 314 professeurs

Ce mardi 7 novembre, 314 professeurs ont signé une tribune sur le site Slate pour expliquer leur décision de ne plus appliquer la règle qui veut que le masculin l'emporte sur le féminin dans l'écriture.

Cette tribune est la continuité logique du débat concernant l'écriture inclusive, notamment suite à la déclaration de l'Académie Nationale qui condamnait l'usage de cette forme d'écriture, estimant que la langue française était en péril mortel. Celle-ci, que l'on appelle aussi langage épicène, vise à rendre les langues neutres du point de vue du genre afin que les femmes se sentent plus impliquées et concernées dans la communication écrite.

Cependant, l'Académie Nationale ne fait nullement office d'autorité sur la façon d'écrire ou de s'exprimer. Ainsi, le combat pour installer progressivement l'écriture inclusive continue de plus belle. Et ce combat est mené aujourd'hui par 314 professeurs, issus du primaire, du secondaire, du supérieur et du français langue étrangère qui annoncent, dans une tribune sur Slate, qu'ils arrêteront d'enseigner la règle du «masculin qui l'emporte sur le féminin».

Pour justifier leur décision, les 314 signataires avancent trois arguments : historique, politique et social.

Selon eux, la règle du «masculin dominant» est plus récente qu'on ne le pense dans l'histoire de la langue française, établie au XVIIème siècle : «Avant cela, les accords se faisaient au gré de chacun(e), comme c'était le cas en latin et comme c'est encore souvent le cas dans d'autres langues romanes». En effet, l'accord «de proximité», issu du latin, était privilégié et il consistait «à accorder le ou les mots se rapportant à plusieurs substantifs avec celui qui leur est le plus proche».

Ensuite, les enseignants avancent que la nouvelle règle n'avait pas de but linguistique, mais politique, et cite pour cela un texte de Dupleix, conseiller du Roi, extrait de son ouvrage «Liberté de la langue françoise dans sa pureté» datant de 1651 : «Parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins, quoiqu'ils soient plus proches de leur adjectif».

Cette hiérarchie sociale entre l'homme et la femme s'est répercutée dans les classes politiques à l'image du droit de vote féminin qui n'a été octroyé qu'en 1944.

Enfin, la troisième raison évoquée est l'impact potentiel que peut avoir cet enseignement chez les enfants à l'école, qui est supposé être un endroit symbolisant le savoir et l'émancipation par la connaissance. Enseigner cette règle reviendrait à induire une représentation mentale chez nos enfants qui seraient enclins à accepter naturellement cette domination d'un sexe sur l'autre.

«Pourquoi n'accepteraient-elles pas de gagner moins que leurs collègues, ou d'accomplir des corvées dont leurs compagnons se dispensent, ou de supporter leurs coups, s'il est admis au plus haut niveau que le masculin l'emporte sur le féminin ? La lutte contre les stéréotypes de genre, qui est essentielle au progrès de l'égalité réelle des femmes et des hommes, ne peut être efficacement menée si cette maxime n'est pas mise au ban de l'école» expliquent-ils.

Les 314 professeurs s'engagent dès lors à enseigner l'option de la règle de proximité, ou l'accord de majorité, ou l'accord au choix. Ils concluent également en appelant tous leurs collègues à en faire de même et interpellent le Ministère de l'Education nationale pour donner à son personnel et ses établissements des instructions précises allant dans ce sens. Enfin, ce changement est aussi une responsabilité de tous, que ce soit les professionnels et les professionnelles de la presse et de l'édition, les correcteurs et correctrices, les écrivaines et écrivains, tous les citoyens et citoyennes francophones.

Dans la foulée, le média Slate a donc choisi également d'opter pour l'accord de proximité alors qu'une pétition circule sur Change.org afin de supprimer la règle d'écriture du masculin dominant sur le féminin.

Source : Slate

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Au sujet de l'auteur : Jérémy Birien

Journaliste, rédacteur en chef