Refusant d'être « une créature inférieure », la double championne d'échecs décide de ne pas défendre son titre lors du tournoi mondial en Arabie Saoudite

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Commencé hier et jusqu'au samedi 30 décembre, un tournoi international d'échec se tient pour la première fois en Arabie Saoudite, Royaume ultra-conservateur. Un tournoi qui dénote un désir de changement et d'ouverture quant à l'image du pays, le tout insufflé par le prince héritier Mohammed Ben Salman. Un désir d'ouverture qui possède toutefois des limites. Des limites qui crééent leur lot de controverses. 

En effet, depuis l'annonce de la création d'un tournoi d'échecs international accueilli par l'Arabie Saoudite à Riyad, des événements sont venus troubler le bon déroulement de la préparation au tournoi. Entre refus de visas et imposition d'une tenue pour les femmes, l'Arabie Saoudite fait parler et réagir nombre de personnalités, à commencer par Anna Muzychuck. Cette double championne du monde d'échecs ukrainienne a déclaré refuser défendre son titre en ne participant pas au championnat mondial quitte « à perdre deux titres de Championne du monde »'

Se justifiant de son refus à cette compétition « Rapid and Blitz », elle s'est prononcée sur Facebook avec un texte évoquant son désir d'être en accord avec ses valeurs et donc de se sentir le droit de « ne pas porter une abaya » (longue robe noire portée au-dessus des vêtements, ndlr), de « ne pas être accompagnée en sortant » même si ça implique la défaite et le refus d' « une rentrée potentielle d’argent plus importante qu’une douzaine de tournois cumulés ». Elle en a également profité pour partager la position de sa soeur Mariya, qui ne participera également pas au tournoi, « contente de partager ce point de vue avec elle ».

Toutefois, il semblerait qu'elle n'ait pas eu ouï-dire quant aux réelles règles vestimentaires concernant les femmes qui participeront au tournoi « Roi Salman ». En effet, selon le site de la Fédération internationale (FIDE), par le biais d'une annonce en novembre, les joueuses ne seraient pas contraintes de « porter un hidjab ou une abaya » lors de la compétition. Elle avait d'ailleurs rajouté qu'il s'agissait d'une « première pour un événement sportif en Arabie Saoudite ». Le règlement du tournoi quant à la tenue exigée pour les joueuses stipulait seulement un pantalon de tailleur bleu marine ou noir et une blouse à col montant blanche parfaitement boutonnée.

En ce sens, un utilisateur de Facebook s'est empressé de commenter la déclaration de la Championne en dénonçant le caractère « mensonger » de la femme quant à la tenue exigée pour ce tournoi. « You are fucking liar » (tu es une putain de menteuse, ndlr), justifiant sa parole par une photo de la salle où se déroule la compétition montrant des femmes sans abaya.

«Personne ne lui dit de porter une abaya, regarde les autres femmes, aucune d'entre elles n'en portent une»

À noter que ce tournoi est organisé tout juste deux ans après des fatwas ( avis juridique donné par un spécialiste de la loi islamique sur une question particulière ndlr) qui affirmaient que ce jeu était une « perte de temps » et se rapprochait d'un « jeu d'argent ». Une opinion qui avait été appuyée par Abdel Aziz al-Cheikh qui clamait que « ce genre d'amusement est interdit, car il détourne les gens d'Allah ».

Les Israéliens empêchés de participer au tournoi

En plus de compter près de 150 joueurs professionnels qui boycottent le tournoi, selon Le Parisien, sept joueurs israéliens se sont vus refusés de visas malgré les efforts de la fédération internationale qui avait pourtant réussi à obtenir des visas pour les joueurs du Qatar et d'Iran, qui avaient également essuyé des difficultés. En effet, l'Arabie Saoudite a également, dans un premier temps, refusé d'accorder des visas aux joueurs de l'Iran, son grand rival au Moyen-Orient, et du Qatar, avec qui le pays est engagé dans un bras de fer diplomatique depuis juin. « Le royaume a autorisé la participation de tous les citoyens. Exception est faite pour un certain pays avec lequel le royaume d’Arabie saoudite n’a pas de relation diplomatique et pour lequel il maintient cette politique », a écrit sur son compte Twitter la porte-parole de l’ambassade saoudienne aux Etats-Unis, Fatima Baechen.

De leur côté, les Israéliens exigent de la Fédération internationale qu’elle empêche à l’avenir ce type de comportement en s’assurant « que chaque pays organisant un tournoi international, même un pays arabe, s’engage à recevoir les joueurs israéliens ». Elle a également demandé « l’annulation immédiate » de toute autre compétition internationale prévue en Arabie saoudite dans les deux ans à venir. De plus, la Fédération israélienne des échecs a réclamé mardi des compensations financières à la Fédération internationale (Fide).

Source : BFM

Au sujet de l'auteur : Pauline Masotta

Journaliste