L'histoire incroyable de Hirō Onoda, le soldat qui a continué de combattre pendant 29 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale

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Portrait aujourd'hui de Hirō Onoda,  un homme à part qui aura laissé, bien malgré lui, son empreinte dans l'histoire récente du Japon. Soldat de l'armée impériale durant la Seconde Guerre mondiale, il a refusé de se rendre à la fin du conflit, poursuivant ainsi le combat pendant presque 30 ans car il était persuadé que l'annonce de la capitulation était une ruse et un mensonge des Alliés.

C’est un récit incroyable et digne d’un long-métrage !

Un soldat japonais, persuadé que la Seconde Guerre mondiale n’était toujours pas terminée, a continué de combattre pendant 29 ans après la fin du conflit, en respectant à la lettre l’ordre qu’on lui avait donné.

Cette histoire où se mêlent paranoïa et loyauté, c’est celle de Hirō Onoda, le plus connu des « soldats japonais restants ».

Membres de l’armée impériale ayant pris part à la guerre du Pacifique, ces hommes sont restés célèbres pour avoir continué le combat au-delà de la capitulation du 15 août 1945, soit parce qu’ils ignoraient que la guerre avait pris fin, soit parce qu’ils refusaient de croire à la reddition.

Hirō Onoda, le soldat qui refusa de croire en la capitulation

Né le 19 mars 1922, Hirō Onoda est originaire d'un petit village situé au sud de l’Île de Honshu.

En 1942, âgé de 20 ans, il travaille pour une société d’import-export en Chine - alors occupée par le Japon - lorsque son destin bascule tout comme plusieurs millions de ses compatriotes.

La Seconde Guerre mondiale bat en effet son plein et l’Empire japonais, qui a porté quelques mois plus tôt un coup très dur aux Américains en bombardant la base de Pearl Harbour en décembre 1941, doit livrer une lutte sans merci dans le Pacifique contre son nouvel ennemi.

L’armée impériale a donc besoin d‘hommes et réquisitionne tous les sujets en âge de combattre.

Hirō Onoda n’y échappe pas et après avoir effectué son service militaire, notamment à Kurume, il rejoint le 13 août 1944 la 33e compagnie à Futamata, une annexe de la célèbre école de Nakano qui forme les officiers commandos et de renseignement.

Il y reçoit une formation aux techniques de guérilla avant d’être envoyé, accompagné de 21 frères d’armes, sur l’île de Lubang - territoire américain - aux Philippines, le 26 décembre 1944.

Leur mission est de retarder le débarquement des troupes américaines. Les ordres de leur supérieur, le major Yoshimi Taniguchi, sont alors très clairs : tant que l’armée ne vient pas les rechercher, Hirō et ses camarades doivent poursuivre le combat, même si cela doit durer des années.

Entraînés pour survivre en milieu hostile, ils doivent donc se débrouiller seuls et ont surtout l’interdiction absolue de se donner la mort.

Mais lorsque les Alliés s’emparent de l’île le 28 février 1945, la vingtaine de soldats décide de se séparer en plusieurs petits groupes de 3 ou 4 éléments pour se réfugier dans les montagnes. La majorité d’entre eux est très vite tuée ou capturée.

Toutefois, Onoda et 3 de ses frères d’arme - Yuichi Akatsu, Shöichi Shimada et Kinshichi Kozuka - parviennent à échapper à cette hécatombe et entreprennent de vivre cachés dans la jungle.

Entre folie et loyauté, Hirō Onoda ou le rejet viscéral de la défaite

Démarre alors une période difficile de survie durant laquelle ils subviennent à leurs besoins en mangeant ce que peut leur offrir la nature, ou en volant de la nourriture dans des fermes locales isolées.

C’est durant l’une de ces razzias, le 25 octobre 1945, que les quatre soldats trouvent un tract sur lequel est écrit « La guerre a pris fin le 15 août ! Vous pouvez sortir des montagnes ! ».

Largués dans des endroits stratégiques sur ordre du général Yamashita, ces documents sont destinés à informer les soldats de l’arrêt des combats pour les inciter à déposer les armes et rentrer au pays.

Après de vives discussions, le quatuor - ignorant tout des bombardements sur Hiroshima et Nagasaki (les 6 et 9 août) qui ont fait au moins 100 000 morts et précipité la capitulation japonaise - ne croit pas au message délivré par le tract. L’idée même que le Japon ait pu se soumettre aussi rapidement leur semble impossible.

Convaincus qu’il s‘agit là d’un piège émanant de la propagande alliée, les quatre soldats retournent alors se cacher dans la jungle, persuadés que d’autres viendront un jour les chercher, comme leur avait promis le major Yoshimi Taniguchi.

Mais les années passent et personne ne vient. De nouveaux tracts, mais aussi des journaux ou encore des lettres de familles sont alors largués, mais en vain.

Onoda et ses hommes refusent cette idée de la défaite et continuent d’obéir à un ordre qui n’a pourtant plus lieu d’être.

Des officiers se rendent même sur place à l’aide de mégaphones pour tenter de leur faire entendre raison, sans succès.

Dans une attitude à mi-chemin entre la paranoïa, le fanatisme et la loyauté, les quatre soldats, convaincus que toutes ces tentatives sont des ruses ennemies, se persuadent de poursuivre le combat.

En 1950 pourtant, Akatsu craque le premier et décide ainsi de se rendre à l’armée des Philippines. En 1954, Kozuka est, lui, abattu lors d’échanges de tirs avec des soldats philippins. Kozuka connaîtra le même sort en… 1972, laissant ainsi Onoda seul dans la montagne.

Crédit photo : DR

Hirō Onoda dépose enfin les armes après 29 ans d'une guerre qui n'existait que dans sa tête

En 1974, il est retrouvé par un étudiant japonais, Nario Suzuki, qui s’était juré de partir à la recherche de ce soldat perdu afin de le ramener à la civilisation.

Onoda - qui a su brouiller les pistes pour disparaître sans laisser de traces pendant des années (à tel point qu’il sera déclaré officiellement mort en 1959) - refuse de l’accompagner car il est toujours persuadé que l’armée va venir le récupérer.

Retourné au Japon, Susuki va alors convaincre l’ex-supérieur du soldat, le major Taniguchi, de l’accompagner pour convaincre son ancien soldat de rentrer chez lui.

Retourné depuis la fin de la guerre à la vie civile et devenu… libraire, Yoshimi Taniguchi accepte la proposition et part pour Lubang où il retrouve, médusé, Hirō Onoda.

Solennellement et après 29 ans d'une guerre qui n'existait que dans l'imaginaire du soldat, Taniguchi lui intime l’ordre de déposer les armes et de remettre symboliquement son sabre ainsi que son fusil - toujours en état de marche - à l’armée des Philippines.

Crédit photo : archives AFP

Crédit photo : Wikimedia Commons

Le choc est alors brutal pour Hirō Onoda, qui comprend enfin, à l’âge de 52 ans, que la mission ayant régi toute sa vie n’était qu’un mirage et qu’il a tué beaucoup trop d’innocents, aveuglé par sa loyauté extrême et sa foi inébranlable en son armée.

Durant toutes ces années à vivre reclus, Onoda aura en effet tué une trentaine de Philippins et blessé plusieurs policiers lors d’escarmouches, persuadé de ne remplir que son devoir.

Il ne sera pourtant pas jugé et bénéficiera d’une grâce du président philippin, en raison des circonstances exceptionnelles ayant engendré ses actes.

Après avoir rendu les armes, il s’installera au Brésil pour y élever du bétail et y épousera une ressortissante japonaise, avant de retourner vivre dans son pays natal, où il mourra le 16 janvier 2014, à l’âge de 91 ans.

Son histoire dramatique - qui a inspiré le film Onoda, 10 000 nuits dans la jungle, sorti en juillet dernier - est à bien des égards le symbole de l’absurdité d’une guerre qui a brisé tant de destins.


Au sujet de l'auteur : Mathieu D'Hondt

Évoluant dans la presse web depuis l’époque où celle-ci n’en était encore qu’à ses balbutiements, Mathieu est un journaliste autodidacte et l’un de nos principaux rédacteurs. Naviguant entre les news généralistes et les contenus plus décalés, sa plume s’efforce d’innover dans la forme sans jamais sacrifier le fond. Au-delà de l’actualité, son travail s’intéresse autant à l’histoire qu’aux questions environnementales et témoigne d’une certaine sensibilité à la cause animale.