Elle raconte son cauchemar d'étudiante en soins infirmiers dans un ouvrage glaçant

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Lorsque Raphaëlle Jean-Louis, une ancienne élève infirmière française, entame son stage de troisième année, elle ne se doute pas du calvaire que va lui infliger le personnel soignant pendant dix semaines. Elle revient sur l'épreuve la plus douloureuse de sa vie dans son premier roman publié ce mercredi.

Raphaëlle Jean-Louis, une infirmière de 30 ans qui travaille désormais en Ehpad (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), sort du silence. Elle témoigne de la maltraitance que lui a fait subir le personnel soignant de l'hôpital où elle était en stage lorsqu'elle était élève, dans son premier ouvrage Diplôme, délivré(e), parole affranchie d'une étudiante infirmière (éd. Michalon), paru ce 13 septembre et qui fera également l'objet d'un long-métrage.

Le diplôme d'infirmière est obtenu au bout de trois années durant lesquelles se mêlent cours théoriques et stages pratiques. L'un de ces stages, son deuxième de troisième année en hôpital, a viré au cauchemar pour la jeune femme. Et c'est cette expérience particulièrement traumatisante qui l'a poussée à se mettre à l'écriture.

Jusque-là, Raphaëlle connaissait un parcours des plus classiques et sans faute. Dynamique et motivée, elle avait des bonnes notes, se sentait bien dans sa peau et prenait plaisir à aider les autres. Mais ce seul épisode négatif de sa formation a totalement chamboulé son parcours.

Elle et d'autres étudiants ont été les « souffre-douleur » d'une équipe de soignants pendant dix semaines. Dès les premiers instants, le personnel hospitalier en poste adopte une attitude extrêmement violente à l'égard des stagiaires, comme pour les tester. On les ignore ou les brime, leur donne des ordres, les insulte et les dévalorise en leur répétant qu'ils sont « trop cons ». La mauvaise humeur des agents est palpable et permanente. Un jour, l'un balance à l'élève infirmière à table : « On t’a causé ? On s’en fout de ce que tu dis ! ».

Les apprentis n'ont même pas droit à être appelés par leur prénom : on les surnomme « machin », « la stagiaire », ou encore « celle-là ». Un sentiment de solitude et de doute s'installe donc très vite chez Raphaëlle. Le personnel hospitalier semble se liguer pour lui faire vivre un enfer, par exemple en la faisant aller et venir d'un service à l'autre, pour finalement lui dire que l'on n'a pas besoin d'elle avant de pouffer de rire.

Ne plus se taire

Raphaëlle comprend au bout d'un temps qu'elle n'est pas la seule victime. D'autres élèves infirmières subissent des brimades. L'une est traitée « d'esclave », l'autre reçoit de l'eau sale en pleine figure. Lorsqu'une certaine Célia craque devant elle, l'auteure prend conscience que rien de tout cela n'est normal et cesse de se remettre en question.

À l’époque, tandis que les humiliations du genre se multiplient, la jeune femme garde le silence et n'en parle pas à ses proches. Notamment parce que l'envie d'avoir une bonne évaluation de stage – qui joue une grande partie dans l'obtention du diplôme d'État - est trop grande, et pour que tout cela n'ait pas servi à rien. Alors elle encaisse.

Mais le besoin d'extérioriser deviendra trop grand et elle commencera à coucher sur papier ses souffrances. Pour se replonger dans ses notes des années après et en faire un livre témoignage, pour elle et toutes les autres qui ont été dans cette situation.

Raphaëlle a su mettre fin à l'horreur avant qu'il ne soit trop tard (quelques jours avant la fin du stage, elle a été arrêtée par un médecin), mais ce n'est pas le cas de tout le monde. La trentenaire évoque notamment une camarade, Alexandra, qui s'est suicidée durant leurs études. Alors, on condamne les fenêtres dans certains instituts de formation, « par mesure de précaution », « parce qu'il y a eu plusieurs suicides dans l'école », écrit-elle. Une réalité glaçante.

Pour éviter ce genre de drames, l'infirmière, réalisatrice et désormais écrivaine insiste sur l'importance de se confier à quelqu'un sur cette maltraitance, de ne plus se taire. Elle a d'ailleurs eu le courage de témoigner à visage découvert, ce qui est loin d'être évident.

Avec ce récit autobiographique choc, elle entend interpeller la population et jusqu'au plus haut de la hiérarchie. Elle a glissé à cet effet une lettre adressée au président de la République et à la ministre de la Santé dans laquelle elle alerte sur « l'urgence » de la situation (manque de moyens, personnel à bout et sous pression qui rapporte ses frustrations sur les élèves).

Désormais, elle adopte au quotidien une posture aimable et dévouée auprès des nouveaux stagiaires qui débarquent fréquemment dans la maison médicalisée où elle travaille. « Ils sont là pour apprendre, tout doucement et dans la bienveillance, le métier d’infirmier », note-t-elle. Un moyen de se souvenir qu'elle n'a pas eu cette chance.

Source : LCI
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Au sujet de l'auteur : Justine B.

Journaliste