Le parti conservateur Droit et Justice polonais veut à nouveau restreindre le droit à l'avortement

Bouton whatsapp

Alors que certains avancent, d'autres reculent. Il y a plus d'un an le parti ultra-conservateur qui gouverne la Pologne, Droit et Justice (le PiS) retirait en catastrophe son projet de loi qui aspirait à punir de 5 ans de prison une femme qui voulait avorter. Aujourd'hui il réitère son désir d'interdire l'avortement.

Wroclaw, en Pologne, lors des manifestations de 2016 contre les lois anti-avortement / Trybex, Shutterstock

Le 6 octobre 2016, les polonaises descendaient en masse dans les rues, toutes vêtues de noir, pour clamer leur indignation face au projet de loi visant à punir les femmes qui pratiqueraient l'avortement — et ce, même en cas d'interruption de grossesse suite à un viol. Aujourd'hui, il semble que le débat regagne en popularité et engonce à nouveau les femmes dans une bataille qui ne devrait pas avoir lieu.

Aujourd'hui, c'est carrément l'interdiction totale de l'avortement qui est demandée par les secteurs les plus conservateurs de l'Église. Alors que l'interruption volontaire de grossesse se voyait déjà restreinte par trois cas de figure, à savoir si elle fait suite à un crime tel que le viol ou l'inceste, si la grossesse met en danger la santé ou la vie de la mère ou si le fœtus est atteint d'une malformation, il semblerait que la pression de l'Église catholique continue d'exercer une forte influence en rendant possible l'interdiction totale de l'avortement.

Supprimer le droit à l'avortement eugénique

Les Polonais semblaient se satisfaire de ces restrictions, mais pour l'opinion catholique radicale, il n'en reste pas moins qu'encore trop de « meurtres d'embryons » étaient commis chaque année sous couvert de viols, d'incestes ou de mise en danger de la santé de la femme. En définitive, rien d'alarmant pour l'Église catholique polonaise. Une vision des choses nettement biaisée selon le planning familial Federa, qui dénonce la violation chronique de la loi de 1993 puisqu'il semblerait que même dans les cas où l'IVG est autorisé, la pratique serait limitée à cause de certains médecins qui refusent tout simplement d'intervenir ou parce qu'ils ont peur d'être poursuivis en justice.

Le 10 janvier dernier, c'est une autre liberté auquel le parti conservateur PiS s'attaque. En effet, un texte de loi a été envoyé en commission qui prévoit de restreindre encore les conditions d'accès à l'avortement. À l'initiative de Stop Avortement, ce texte vise à interdire l'avortement dit "eugénique" (décidé suite à la constatation de possibles handicaps lourds voire irréversibles de l'enfant à naître, ou d'une malformation du fœtus).

Les femmes mobilisées, à nouveau

Les mobilisations, les Polonaises et les Polonais en sont coutumiers. En 2015, lorsque le PiS est arrivé au pouvoir, il avait très clairement marqué son désir de restreindre le droit des femmes et ainsi avoir un droit de regard sur le corps des femmes. Le parti Droit et Justice, très proche de l'Église catholique, avait rapidement pris la décision de mettre un terme au programme de financement de la fécondation in vitro et dans le même temps il avait limité l'accès à la pilule du lendemain, disponible uniquement sur prescription médicale, et non plus en libre-service. Des décisions qu'avaient largement contesté les mouvements de défense des droits des femmes.

« Les mouvements ultra-conservateurs, soutenus par l'Église catholique, prennent les femmes en otage pour rétablir un supposé 'naturel' ordre moral. Une vraie régression non seulement pour les femmes, mais pour la démocratie et pour les libertés fondamentales, car il s'agit bien de la remise en cause des droits fondamentaux des femmes à la maîtrise de leur fécondité et de leur procréation » avait déclaré le planning familial français après que la mobilisation des femmes en 2016 a eu raison du projet de loi, rejeté et abandonné par la suite.

Alors, toujours pour défendre leurs droits fondamentaux, le 11 janvier, une centaine de manifestantes se sont réunies devant le parlement pour « défendre les droits de l'homme et les droits des femmes », rapportait l'AFP. Les 13 et 14 janvier, les défenseurs des droits des femmes s'adonnaient à des cris de colère dans les rues de plusieurs grandes villes de Pologne.

« Je ne veux pas qu’on restreigne mes droits. Décider de ce que l’on fait de son corps et de sa santé est un droit essentiel. La femme doit être la seule à décider de sa grossesse. Je veux que notre loi soit moderne, comme dans la plupart des pays européens. Je ne veux pas que la Pologne devienne un second Salvador où les femmes sont condamnées même pour une fausse couche » a déclaré Zofia, une jeune femme de 20 ans, au Monde qui était sur place, à Varsovie.

Pour Alan, un jeune garçon de 16 ans, « un évêque, un prêtre ou un homme politique ne doit pas décider de ce qu’une femme doit faire de son corps. C’est mon devoir d’être aux côtés des femmes qui luttent pour leurs droits. »

On assiste alors en 2018 à une régression grave des droits des femmes, à disposer comme elles l'entendent leur corps. Pour certaines, émigrer semblerait même la solution la plus viable pour élever leurs enfants : « Je réfléchis très sérieusement à émigrer. J'aime beaucoup mon pays, mais le climat politique change tellement que je n'imagine pas faire naître et élever mes enfants ici », déplore Kamila Radecka, une manifestante polonaise, au micro de France Info.

Source : Le Monde

Au sujet de l'auteur : Pauline Masotta

Journaliste