Cette publicité vieille de 100 ans nous prouve que les diktats et les normes de beauté sont une belle imposture !

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Pour un peu, on croirait voir une de ces publicités qui fleurissent sur internet, qui promettent de perdre du poids grâce à des « vieux trucs bizarres » et autres astuces susceptibles de provoquer la faillite de tous les diététiciens de la planète, provoquant du même coup chez eux un ressentiment et une haine somme toute bien compréhensible, à l’égard d’une quelconque firme pseudo-pharmaceutique s’adonnant au commerce juteux des feuilles de bambou desséchées.

Mais là, il y a une petite différence. La publicité en question ne propose pas de maigrir mais… de grossir. Et il ne s’agit pas d’une vulgaire fenêtre pop-up, puisque ce document publicitaire date des années 1920 !

« Les hommes ne me regardaient même pas quand j’étais maigre. Mais… Depuis que j’ai pris 5 kilos avec cette nouvelle méthode, rapide et facile, j’ai tous les rendez-vous galants que je veux ! »

     
Étonnant, non ? Ce type de formulation vous rappelle quelque chose ?

Eh oui, c’est exactement la bonne vieille rhétorique que l’on entend aujourd’hui pour convaincre les femmes (et les hommes) qu’il faut absolument maigrir… Sauf que là, on propose de faire l’opération dans le sens inverse.


Dans la bulle d’expression située en haut à gauche : « Je n’y crois pas, je me demande comment elle a fait… Elle était encore plus maigre que moi ! »

Le titre déclare : « Les filles de stature ‘naturellement maigres’ sont sidérées lorsqu’elles découvrent cette façon entièrement nouvelle de gagner du poids en une semaine… Satisfaite ou remboursée ! »



« Les filles maigrelettes ne sont pas glamours. Voici comment ajouter des courbes et des formes glamours à votre silhouette ! »


« Si vous voulez être populaire… Vous ne pouvez pas vous permettre d’être toute maigre ! »


Parce qu’il ne faut pas oublier les hommes : « Un gringalet comme moi n’a aucune chance. J’aimerais tellement grossir ! »


« ‘Ne les laissez pas vous traiter de maigrichonne’ : Les conseils d’Eva Six, une incroyable nouvelle actrice »

Puis, plus bas : « D’incroyables découvertes scientifiques récentes aident à remplir les corps émaciés, sans exercice et sans devoir s'empiffrer !


« Gagnez du poids ! Arrêtez d’être efflanquée, maigre et fatiguée ! Un étonnant programme scientifique vous permet de gagner du poids aussi vite que vous le voulez… Satisfaite ou remboursée ! »




Nous sommes d’accord pour dire que ces publicités représentent, elles aussi, — quoique dans le sens inverse — une forme de diktats de beauté imposés aux femmes, et qu’elles sont, en prime, résolument sexistes (on est en 1920, ne l’oublions pas…) On insinue ainsi que les femmes maigres seraient « impopulaires », que les hommes ne regardent même pas les maigres et qu’ils préfèrent les femmes plus charnues (ben oui, ils ont tous absolument les mêmes goûts).

Mais est-ce au fond si étonnant ? Il s’agit après tout un concept marketing plutôt simple, vieux comme le monde : il faut rendre inattrayant au possible ce que le produit que l’on cherche à vendre permet, justement, d’éviter. Et quoi de plus facile pour cela que de jouer la carte de ces insécurités qui sont tapies en chacun de nous, en misant sur ces bonnes vieilles peurs d’être rejetés par la société, de ne pas trouver sa place, de ne pas plaire aux personnes du sexe opposé, etc. ?

En fait, si ces publicités sont intéressantes, c’est parce qu’elles montrent simplement que rien n’est figé, qu’il n’existe pas d’idéal de beauté « absolu » , immuable, mais qu’au contraire, les critères se rapportant à la beauté évoluent parfois d’un extrême à l’autre, en fonction des cultures, des époques, des sociétés… et, peut-être aussi, de la volonté des directeurs des agences marketing.

Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste