Un rapport accablant de l'Associated Press rapporte l'existence d'un village martyr en Birmanie où plusieurs fosses communes ont été découvertes

Bouton whatsapp

À Gu Dar Pyin on ne se plaint pas du mauvais temps ambiant. Mais on se plaint de la terreur ambiante, des crimes, des viols et des vols. À Gu Dar Pyin, se plaindre c'est se lier à la mort. Se plaindre, c'est perdre son énergie. L'agence Associated Press a publié une enquête qui dénonce un massacre sans nom, qu'elle décrit comme être les « caractéristiques d'un génocide ».

Depuis le mois d’août, le peuple rohingya quitte un enfer pour en retrouver un autre. Des regains effroyables de violences poussent des centaines de milliers de Rohingyas à trouver refuge au Bangladesh. Bloqués aux frontières ou alors obligés de « vivre » dans des camps où la dignité humaine est écrasée par la peur de mourir. Selon l’Unicef, près de 90% de ces nouveaux réfugiés sont des femmes, des enfants et des personnes âgées.

Crédit image : shutterstock.com / Hafiz Johari

Atterrant. L'enquête publiée par Associated Press apporte des précisions quant au nettoyage ethnique opéré par les autorités birmanes contre les Rohingyas. Il serait question d'un nouveau fief où le peuple rohingya est massacré. Un village nommé Gu Dar Pyin où les Rohingyas ont une chance de survie proche de zéro.

Selon l'agence de presse, il existerait au moins cinq charniers dans ce village, qui n'ont jamais été signalés. C'est par le biais de plusieurs échanges avec des survivants réfugiés dans des camps au Bangladesh, puisque la zone de l'État d'Arakan est interdite aux journalistes, que l'agence a pu affirmer la présence de sépultures, preuve irréfutable d'un génocide, selon cette dernière.

« Des mains squelettiques semblent griffer l'air »

Pour le gouvernement du Myanmar, ces charniers étaient inconnus. De plus, il estime que les massacres relatés par l'agence de presse n'ont jamais eu lieu et évoque la présence d'une seule fosse commune mais où avaient été placés « 10 terroristes » au sein du village d'Inn Din où plusieurs meurtres ont déjà été perpétrés, avoués par l'armée birmane. Là encore, refus de reconnaissance par le gouvernement. « Les leaders de la communauté dans les camps de réfugiés ont dressé une liste de 75 morts, mais les villageois estiment que le bilan pourrait être de 400, au vu des témoignages de proches et du nombre de corps aperçus » a précisé l'auteur de l'enquête publiée.

Stéphane Dujarric, porte-parole des États-Unis décrit le rapport publié par l'Associated Press de « très troublant » et souhaite établir une enquête plus approfondie et ainsi demander la levée de l'interdiction de pénétrer dans la région. « Sur les vidéos obtenues par Associated Press, et tournées treize jours après la tuerie, des cadavres sans tête ni torse émergent de flaques de boue acide bleu-vert. Des mains squelettiques semblent griffer l’air ».

Aung San Suu Kyi, d'adulée à détestée

Malgré les efforts du gouvernement pour cacher ces meurtres et plaider les actions « anti-terroristes », les images satellites démontrent une tout autre vérité. Obtenues par DigitalGlobe, les images prouvent le massacre à grande échelle de toute une population privée de nationalité birmane pour avoir pour seul « tort » d'êtres, arrivés après 1823 (les populations arrivées avant cette date sont considérées comme birmanes, puisqu'elles y étaient installées avant les colons britanniques).

Mais si l'armée birmane nie tout en bloc, ils ne semblent pas parvenir à duper l'opinion publique du reste du monde. Et il en va de même pour Bill Richardson, diplomate américain et ami de Aung San Suu Kyi, anciennement icône de la démocratie, qui avait reçu le prix de Nobel de la paix en 2012. Ce dernier était membre d'une commission qu'avait mis en place Aung San Suu Kyi pour trouver une solution à l'horreur qui touche les Rohingyas. Mais au vu de ce nettoyage ethnique qui ne semble pas en passe de prendre fin, il a préféré démissionné, dénonçant une « absence de leadership moral ».

Un retour compliqué

700 000 Rohingyas ont fui leur pays pour se rendre au Bangladesh. Mais ces récentes découvertes ne sont pas pour faciliter leur rapatriement en Birmanie. Ces derniers ne désirent pas rentrer à condition d'être protégés par l'ONU.« Nous demandons ' Justice ' sous l'égide de l'ONU, contre l'épuration ethnique et le génocide qui nous frappent depuis 1942, 2012, 2017 jusqu'à aujourd'hui ! » réclamaient des réfugiés. L’envoyée des Nations unies, Yanghee Lee, a affirmé que les actions birmanes « constituent des crimes contre l'humanité »

Source : Associated Press

Au sujet de l'auteur : Pauline Masotta

Journaliste