La photo de cette femme a fait le tour du monde, et pourtant presque personne ne connaît son nom... 43 ans après voici ce qu'elle est devenue.

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Sur la photo, un groupe d’enfants encadrés de militaires. Ils fuient le mur de fumée menaçante qui se déroule au loin, leurs expressions terrifiées tournées vers nous. Leurs visages ne sont que souffrance, peur, panique.

L’un des enfants attire tout particulièrement le regard. Il s’agit d’une petite fille. Elle est nue, ses vêtements imbibés de napalm doivent brûler en silence, quelque part derrière elle.

Nick Ut/ AP



Tout le monde la connaît bien cette image. Elle a fait le tour du monde et ébranlé les consciences il y a 42 ans de cela, en 1972 plus précisément. Elle était en couverture de tous les journaux, et quelques années plus tard, c’était au tour des livres d’Histoire de l’accueillir en leurs pages, chapitre « Guerre du Viêt Nam ».

 

Certains disent que c’est cette image qui a en partie provoqué la fin de la deuxième guerre d’Indochine, avec le retrait des forces États-uniennes sept mois plus tard. Ce qui est sûr, c’est que le poids incommensurable de cette photo a profondément marqué les esprits et a bouleversé le monde.

 

Mais qu’est devenue Kim Phuc ? Son nom ne vous dit probablement rien, et ne figure pas dans les manuels scolaires. Pourtant, c’est bien elle, la petite fille de 9 ans qui fuit les flammes.

 

 Voici son histoire…

 

En 1972, la petite Kim vivait dans le village de Trang Bang, au nord de la ville que l’on appelait encore Saïgon à l’époque, et qui deviendra Hô-Chi-Minh-Ville quelques années plus tard.

Elle et sa famille s’abritaient dans un temple, lorsqu’ils ont entendu le grondement des avions. Sachant la pluie de bombes et de feu imminente, ils ont couru à l’extérieur pour s’enfuir, alors même que les bombes s’écrasaient sur le temple. Les bombes étaient chargées de napalm, ce terrible liquide hautement inflammable, qui s’agrippe comme la mort sur la peau humaine et qui cause les plus horribles brûlures.

 

Kim se souviendra d’une chaleur intense et puis de la douleur, indicible. Elle arrache les vêtements enflammés et gorgés de liquide incendiaire. Elle court.

Nick Ut/ AP

 

Nick Ut/ AP

Nick Ut/ AP
Quelques instants plus tard, un jeune photographe de l’AP allait prendre la photo de sa vie.

 

Nick Ut était âgé de tout juste 21 ans quand il est arrivé dans ce petit village du Sud Viêt Nam, mais il était déjà un journaliste de guerre émérite, ayant fait ses débuts à l’âge de 16 ans, suite à la mort de son frère.

 

« J’ai regardé vers la vague de fumée noire et j’ai vu une petite fille, nue… elle courait », dira-t-il plus tard. L’instinct a alors pris le dessus. Il a appuyé sur le déclencheur tandis que le groupe d’enfants courrait droit vers lui.

 

Nick Ut/ AP

Alors que Kim approchait, Nick Ut a vu des morceaux de sa peau en lambeaux.

Même si elle s’était débarrassée de ses vêtements pour arrêter les brûlures, les flammes corrosives du napalm avaient déjà rongé son cou, son bras gauche, et tout son dos.

  

Nick Ut/ AP 

Le photographe pose immédiatement son appareil sur la route pour prêter main-forte à la fillette. Il verse de l’eau sur ses brûlures, et la couvre d’un manteau. Il prendra les enfants à bord de son van pour les emmener à l’hôpital le plus proche.

 

« Je suis en train de mourir, je suis en train de mourir » hurle la petite fille dans le véhicule. Elle passera plus d’un an à aller d’hôpital en hôpital, a dû subir d’innombrables greffes de peau et autres chirurgies douloureuses. Alors que sa famille pensait qu’elle ne survivrait pas, elle a fini par guérir de ses douleurs physiques…

 

 

 

À présent, Kim Phuc a 52 ans.


Et lorsqu’on voit cette femme à la présence chaleureuse, détendue, engageante, on a bien du mal à percevoir en elle la fillette désarmée et terrifiée, ce concentré de souffrance qui grave à jamais l’horreur indélébile de cette guerre dans notre œil.

 

@DR
La voici en compagnie du photographe Nick Ut, qui a pris la célèbre photo et qui lui a sauvé la vie.

@DR

Désormais, la « petite fille au napalm » vit une vie paisible dans la banlieue de Toronto , au Canada. Elle est une survivante, elle est une mère, elle est ambassadrice des Nations Unies, elle donne aussi des conférences partout dans le monde, chaque année afin de sensibiliser à la brutalité de la guerre en racontant son histoire.

 

Au début, Kim Phuc détestait cette photo avec laquelle elle était si intimement liée, qui l’a propulsée contre son gré à la face du monde, comme une sorte porte-étendard involontaire de toute la souffrance d’un peuple.

 

Cette photo lui faisait honte. Pour elle, c’était une chose extrêmement personnelle : l’image capture un moment de tourment et de souffrance inimaginable — son visage figé en une grimace d’agonie, après qu’une attaque au napalm l’a brûlée et défigurée à vie.

 

Oui, on s’en doute, elle n’aimait pas trop cette photo… Et pour tout dire,  personne ne lui aurait reproché  de chercher à se détourner de ce douloureux souvenir, d’essayer de l’oublier et de mettre un maximum d’espace entre elle et la photo….

 

Mais elle ne l’a pas fait.

 

Une fois la paix revenue, après un long travail sur elle-même, Kim Phuc a fini par réaliser une chose importante : si sa douleur et sa terreur n’avaient pas été capturées par un appareil photo ce jour-là, ce bombardement criminel qui n’en était qu’un parmi tant d’autres aurait été perdu, effacé des mémoires, oublié dans les méandres de l’Histoire.

 

Elle a alors commencé à se demander ce que cette photographie pourrait apporter au monde, ce qu’elle pouvait faire avec elle. Et elle l’a transformée, selon ses propres mots, en un « chemin de paix. »

 

« J’ai fini par réaliser que je ne pourrais jamais échapper à cette photo, » explique-t-elle. « Alors, j’ai voulu retourner à cette image, travailler avec elle pour œuvrer pour la paix. Et ceci est mon choix. »

 

@DR

C’est ainsi qu’en plus d’être ambassadrice pour les Nations Unies, Kim Phuc a lancé sa propre fondation : la Kim Foundation International, une organisation qui aide les enfants qui souffrent dans les pays en guerre… tout comme elle-même a souffert, quelques années auparavant.

Construction d’hôpitaux, d’écoles, de foyers pour héberger les enfants devenus orphelins sous les bombes… Pour Kim Phuc, c’est la mission d’une vie.

 

Cela fait 20 ans que Phuc a demandé asile au Canada, en compagnie de son mari. Ils ont élevé deux enfants là-bas. Ses parents ont pu la rejoindre, après avoir été séparés d’elle pendant 15 ans.

 

Maintenant, dit-elle,  « la petite fille de la photo ne court plus pour s’enfuir. Elle vole. »

Source : CNN

Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste