À Fos-Sur-Mer, les habitants portent plainte contre les usines polluantes pour mise en danger de la vie d'autrui

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Les habitants n'en peuvent plus. Se voyant contraints de cohabiter avec l'une des plus grandes zones industrielles d'Europe, ils craignent pour leur santé et ont décidé de porter plainte contre les industriels.

Crédit image : Shutterstock.com / Gilles Paire

À Fos-sur-Mer, selon une étude Fos-Espeal, il existe deux fois plus de cas de cancer, d'asthme et de diabète que partout ailleurs en France. Un fléau qui serait directement lié à la présence de raffineries, de dépôts pétroliers, d'usines métallurgiques et pétrochimiques.

Une pollution qui affecte les aliments

Entre 2009 et 2015, l'association de Défense et Protection du Littoral du Golfe de Fos (ADPLGF) a été à l'initiative d'une étude qui s'est chargée d'étudier les produits alimentaires locaux, à savoir le taureau de Camargue, mouton de Crau, fromages de chèvre, œufs de poules, moules de Carteau à Port-Saint-Louis-du-Rhône, huile d’olive et foin de Crau ainsi que des poissons du golfe. Les résultats prélevés sur ces aliments sont significatifs du problème posé par l'association d'habitants qui porte plainte.

Des concentrations importantes de dioxines (qui sont des polluants considérés comme très cancérogènes) ont été trouvées dans la viande de taureau et dans les œufs. Sur les huit échantillons, deux valeurs prélevées pour cette étude, dépassent le seuil réglementaire (25 %). En comparaison, en 2009 d'autres échantillons de viande bovine ont été prélevés ailleurs en France et seulement un dépassement de 0,3 % a été observé. Du côté des fromages et des moules, les dioxines sont également présentes, dépassant au même titre que la viande, la moyenne nationale.

Concernant les poissons, les dioxines existent mais en plus faible quantité. Mais elles restent néanmoins à vérifier car elles sont en constante évolution depuis 2009 : « Furane, métaux lourds, perturbateurs endocriniens : toute la panoplie des poussières qui s'envolent au niveau de nos industries. Il y a des normes au niveau de la France, de l'Europe, et on les dépasse... » a précisé Daniel Moutet, président de l'ADPLGF.

Daniel Moutet, tient à rappeler que « l’objectif de cette étude n’est pas de détruire les éleveurs de taureaux ou de moules. Ils sont des victimes, au même titre que tous ceux qui ont des cancers à Fos ou à Port-Saint-Louis. » Son but est donc de dénoncer et d'obtenir réparation pour les personnes ayant contracté des maladies suite à ces émissions de polluants. « On en a marre, dit Daniel Moutet. Cela fait quinze ans que l’on alerte, que l’on envoie des courriers aux ministres de la santé ou de l’environnement et qu’ils bottent en touche tous les malades. »

« Après des études non prises en compte par l'Etat et des demandes ignorées, vient forcément le temps d'actions plus formelles. »

Pour agir et témoigner de leur colère, l'association a décidé de porter plainte contre X pour mise en danger de la vie d'autrui. Mais ce n'est pas tout. L'association va également déposer une plainte contre les industriels pour « troubles anormaux du voisinage ». L'avocat de l'association Me Julie Andreu a indiqué qu'ils allaient  « demander la réparation d'un préjudice, puisqu'on sait qu'il y a des gens atteints de pathologies résultants de ces émissions de polluants importantes ».

Selon l'Agence régionale de santé (ARS) et rapporté par Le Monde « des indices de risques à long terme supérieurs au seuil de vigilance pour les effets cancérigènes, liés à la présence de plusieurs polluants sur des zones délimitées […] à proximité de certaines sources industrielles ».

À cet effet, le maire de Fos-sur-Mer, René Raimondi a déclaré que « c’est scandaleux et symptomatique. À chaque fois, l’Etat réagit avec retard. Souvent, on me demande s’il est dangereux d’habiter à Fos. C’est dur d’entendre ça et de ne pas savoir quoi répondre. Quand quelqu’un est mis en danger, l’Etat doit prendre ses responsabilités. Tchernobyl, plus personne n’y vit. Quand on a construit le barrage de Serre-Ponçon, on a fait déplacer les habitants avant de noyer les villages. Alors qu’on nous rassure ou qu’on nous évacue. »

Pour les industriels, la surprise est d'autant plus grande qu'ils assurent être conscients de ce problème qui persiste et tout mettre en œuvre pour réduire les émissions polluantes. Marc Bayard, vice-président du Groupement maritime et industriel de Fos, en témoigne : « On vit comme une injustice qu’on dise que beaucoup de gens sont malades à cause des usines. Nous sommes tellement conscients du problème de la pollution que cela fait quarante ans que nous travaillons de tous les côtés pour réduire les impacts environnementaux. En dix ans, les rejets des principaux polluants ont diminué de 50 à 70 %, et cela continue. »

Source : France Inter

Au sujet de l'auteur : Pauline Masotta

Journaliste