Alors que les hôpitaux publics manquent de fonds, certains intérimaires seraient payés près de 2 000 euros la journée

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Près de 2 000 euros la journée : c'est le prix que font payer certains médecins, mais aussi des infirmiers, en échange de leurs services ponctuels. Ces intérimaires, parfois qualifiés de « mercenaires », font payer la précarité de leur statut à prix d'or. Et pour cause : les hôpitaux publics manquent de bras, ce qui les pousse à appeller des renforts à l'occasion, quitte à débourser des sommes considérables pour boucher les trous. 

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Payés trois fois plus chers que leus collègues titulaires, ces intérimaires font sans doute partie des quelques salariés en contrat temporaire qui ne se plaignent pas de leur salaire. À raison : pourquoi se priveraient-ils de cet Eldorado, quand les hôpitaux sont prês à payer le prix fort pour pallier à leurs manque d'effectifs ?

La loi de l'offre et de la demande étant ce qu'elle est, pour certains soignants récemment diplômés, ces contrats intérimaires peuvent représenter de véritables aubaines, explique par exemple une jeune infirmière au micro d'Europe 1. « Je travaille une vingtaine de jours par mois, et j'arrive à gagner environ 2.500 à 3.000 euros. En tant que jeune diplômée, si j'avais été dans le public, j'aurais touché aux alentours de 1.500 à 1.600 euros ! » 

Mais aussi avantageux qu'il puisse sembler pour les « mercenaires » en blouse blanche, ce système présente aussi pour eux des inconvénients. Outre la précarité de leurs contrats, ils se retrouvent parfois catapultés un peu n'importe où, et doivent s'adapter bon gré mal gré, sans collègue ni direction avec lesquels dialoguer. Ils doivent en permanence s'adapter à de nouveaux matériels, mais aussi à de nouveaux patients, ce qui les empêche de s'investir correctement dans leur travail.

Et puis, cela représente aussi, pour la sénatrice Frédérique Gerbaud (LR), un formidable gaspillage. En effet, ce n'est pas rien : alors que patients et soignants déplorent le manque de moyens et la dégradation des conditions de vie et de travail dans les hôpitaux, cette pratique coûte chaque année la somme colossale d' un demi-milliard d'euros à la Sécurité Sociale. L'élue vient ainsi d'écrire une lettre à la nouvelle ministre de la Santé, Agnès Buzyn, pour dénoncer ce qu'elle qualifie de « recours abusif aux praticiens intérimaires ».

Assurer la continuité des soins : un véritable casse-tête

Les soignants intérimaires coûtent donc plus cher que leurs homologues titulaires, travaillent moins bien puisqu'ils doivent en permanence se réadapter... mais alors, comment se fait-il qu'un tel système puisse exister ? Toute chose considérée, il ne semble comporter que des désavantages pour les établissements de soins. Pourtant, lorsqu'on les interroge, les directeurs de centres hospitaliers ont presque toujours la même réponse : « on n'a pas le choix ».

Car le véritable fond du problème réside dans la pénurie de practiciens qualifiés, qui force les hôpitaux publics à se doter de ces coûteux remplaçants. Dans le CHU de Châteauroux, on a ainsi dû tripler le budget pour pouvoir payer les intérimaires, rapporte Europe 1. La directrice de l'établissement, Evelyne Poupet, explique ainsi à la radio qu'en à peine deux ans, ses dépenses en matière de personnel ont bondi de 300.000 euros à un million d'euros: « En radiologie, nous n'avons que trois médecins, alors qu'il nous en faudrait sept. Tout le reste, ce sont des médecins intérimaires. »

Si le public peine autant à recruter des médecins à temps plein, c'est aussi parce que ces derniers ont tendance à être attirés par le secteur privé, jugé plus attrayant et surtout bien plus rémunérateur. Avec le risque de voire se creuser l'écart entre les deux mondes, et de voir apparaître pour les patients un système de soins à deux vitesses, selon qu'on puisse s'offfrir ou non une place dans le privé.

Tant que les hôpitaux publics n'auront pas les moyens financiers pour rivaliser avec les cliniques privées, les jeunes diplômés continueront à être aspirés vers le privé. Pour inverser la vapeur, pas de solution miracle, mais pas de milliards de solutions non plus, il faut investir, pour revaloriser l'hôpital public et redonner l'envie aux jeunes soignants de travailler au service de l'État.


Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste