Dans les Hautes-Pyrénées, un « mur anti-migrants » construit par des riverains pour bloquer l'accès à un centre d'accueil

Occitanie — Il n'y a pas que sur la frontière sud des États-Unis que l'on souhaite bâtir des murs pour tenir à distance les migrants. Sauf qu'à Séméac, une commune située à proximité de Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées, ce sont quelques dizaines d'habitants qui ont pris de leur propre chef la décision d'empiler des blocs de béton, dans la nuit du dimanche à lundi. Résultat, la petite ville s'est réveillée pour découvrir avec stupeur le nouvel édifice, construit en l'espace de quelques heures et achevé au petit jour.

L'association « Collectif Séméac » entend protester contre l'installation d'un centre d'accueil pour migrants dans un ancien hôtel Formule 1, en en barricadant l'accès. Racheté par la SNI (filiale de la Caisse des Dépôts), l'établissement devrait devenir une structure d'hébergement et d'accueil, gérée par Adoma, une association d’insertion par le logement.

Mais ces riverains ne l'entendent pas de cette oreille, et refusent catégoriquement de voir les demandeurs d'asile s'installer à proximité de leur quartier résidentiel. Alors, aux premières lueurs de l'aube, quelques dizaines d'entre eux ont empoigné truelles et taloches et ils ont construit un mur de béton, d' 1 mètre 80 de hauteur sur 18 mètres de long, afin de murer totalement l'entrée de l'ancien établissement du groupe AccorHotels.

Une initiative « parfaitement légale », selon Philippe Baubay, premier adjoint au maire, qui a signé l'autorisation préalable de construire le mur. De fait, l'édifice a été construit sur un terrain privé, l'hôtel ne disposant pas de servitude de droit de passage sur cette parcelle.

Capture écran : France 3 Régions Occitanie

« Non à la fermeture du F1 hôtel » : sur la banderole apposée au mur fraîchement cimenté, difficile à première vue de comprendre qu'il est en fait question du refus d'accueillir des demandeurs d'asile dans cet ancien établissement.

Pourtant, si ces militants souhaitent bloquer hermétiquement le passage vers l'hôtel, c'est bien dans le but d'empêcher l'installation des familles, dont l'arrivée est prévue début août — 80 personnes environ, dont la moitié d’enfants.

Laurent Teixeira, responsable du Collectif Séméac, explique à l'AFP : « Nous ne sommes pas contre l'accueil [des réfugiés]. Il faut faire quelque chose pour ces personnes en difficulté... Mais il faut prendre également en compte les citoyens ». Selon lui, le fond du problème dénoncé par son collectif, qui regroupe les opposants au projet, réside avant tout dans la gestion "précipitée" du projet, et dans le fait de voir s'installer un grand nombre de migrants concentrés dans leur zone pavillonnaire. 

« On aurait pu répartir deux ou trois familles par commune, ç'aurait été un accueil plus digne que ce qui est proposé ici, » renchérit cet habitant sur l'antenne de France 3

Collectif Séméac

« Le mur de la honte »

Difficile, cependant, d'évaluer la sincérité de ce souhait, et de savoir si c'est vraiment un souci de « dignité » pour les migrants qui préoccupe ces riverains... ou si leur action est plutôt motivée par la peur de l'étranger, comme cela a pu être reproché par certains confrères. Face aux journalistes de France 3 régions venus les rencontrer sur le terrain, les membres du collectif ont fait le choix de rester « murés » dans leur silence et de ne pas s'exprimer directement, ce qui peut laisser planer une certaine ambiguïté sur le sens réel de leur action. Ainsi, sur les réseau sociaux, l'initiative a été chaudement acclamée par la fachosphère, tandis qu' au micro de RMC, une habitante qui soutient le mouvement déclare avoir « peur de ces gens-là », évoquant les demandeurs d'asile. 

Laurent Teixeira, cependant, se veut catégorique : il ne s'agit pas d'une action « anti-migrants », mais bien de la recherche d'une alternative qui prenne en compte les habitants. Reste que la portée symbolique du choix de la construction d'un mur, objet lourd de sens s'il en est, est en train de soulever une vive polémique dans la petite commune de cinq mille habitants.

Certains élus, particuliers et associations se disent scandalisés, à l'instar de l'adjoint au maire Erick Barrouquere-Theil (FG), qui a fait part de son dégoût à RMC : « C'est le mur de la honte. Il y a eu le mur de Jericho, le mur de Berlin, Trump voulait faire un mur, et aujourd'hui, à ma stupeur je vois que ce mur est construit. C'est abominable, aujourd'hui, il n'y a pas d'autres mots pour dire ça »


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