Lors d'une conférence inédite, Emmanuel Macron appelle l'Église catholique et l'État à « réparer le lien » aboli en 1905

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Provocateur pour certains, encourageant pour d'autres. Emmanuel Macron a prononcé un discours devant les représentants de l'Église catholique, une réunion qui s'est tenue au collège des Bernardins à Paris. Le vœu du chef de l'État ? Que les catholiques se réapproprient la « scène politique, nationale comme européenne ». Retour sur un événement médiatique unique en son genre.

Pas de doute, pour le président de la République, un « lien » s'est « abîmé » entre l'Église catholique et l'État français. Et il souhaite en venir à bout. C'est dans la grande nef cistercienne du collège des Bernardins et devant 400 invités qu'il a affirmé vouloir « un dialogue en vérité » pour y parvenir. « Pour des raisons à la fois biographiques, personnelles et intellectuelles, je me fais une plus haute idée des catholiques. Et il ne me semble ni sain ni bon que le politique se soit ingénié avec autant de détermination soit à les instrumentaliser, soit à les ignorer »

Pour Emmanuel Macron, qui depuis son élection montre son intérêt pour les religions, une « Église prétendant se désintéresser des questions temporelles n'irait pas au bout de sa vocation » alors « qu'un président de la République prétendant se désintéresser de l'Église et des catholiques manquerait à son devoir ». Mais pour cette rencontre, inédite, Emmanuel Macron n'a pas pu aborder tous les sujets. Ainsi, les plus démunis et les familles ont été au cœur des débats.

Défendre les plus démunis

Lors de cette conférence, la question de la protection des plus faibles a été largement discutée. Pour ce faire, trois personnes se sont exprimées : une personne âgée, une personne atteinte d'autisme et une ancienne SDF. Pas de migrant en vue, en revanche. « Je crains que les politiques ne se soient trop longtemps conduits comme si cet engagement était un acquis. Comme si c’était normal. Comme si le pansement ainsi posé par les catholiques sur la souffrance sociale dédouanait une certaine impuissance publique ».

Pour l'archevêque de Paris, Mgr Aupetit, «  l’Église veut rappeler que la société ne pourra se construire humainement qu’en faisant la place à la personne fragile  : il ne s’agit pas d’en parler sur un ton de reproche à l’égard du président de la République, mais de redire notre mission  ».

Regarder dans la même direction

Emmanuel Macron a émis le souhait que l'Église se sente la volonté de réinvestir le cercle de la vie publique, tout en donnant sa vision de la laïcité. En effet, selon lui, l'Église et l'État, bien qu'ils soient différenciés par « deux ordres institutionnels différents », sont légitimes, autant l'un que l'autre, à regarder dans la même direction et se soucier de l'intérêt public. Ainsi, selon lui, l'Église se doit d'apporter à la société une vision sur la société et c'est en cela « la part catholique de la France. C’est cette part qui, dans l’horizon séculier, instille tout de même la question intranquille du salut, que chacun, qu’il croie ou ne croie pas, interprétera à sa manière ». Il en a ainsi profité pour défendre sa politique migratoire, très largement critiqué par des associations catholiques, invoquant alors son « humanisme réaliste ».

Afin de monter son soutien à l'Église, le président de la République qui, à l'âge de 12 et de son propre chef, s'est fait baptiser, a tenu a expliqué devant les invités que « l'Église n'est pas, à [ses] yeux, cette instance que trop souvent on caricature en gardienne des bonnes mœurs. Elle est cette source d'incertitude qui parcourt toute vie et qui fait du dialogue, de la question, de la quête le cœur même du sens, même parmi ceux qui ne croient pas. »

Discours irréel sur les familles homoparentales ?

Lorsqu'il a abordé la question de la place des familles au sein de la société, Emmanuel Macron s'est risqué à des critiques. Et celles-ci n'ont pas manqué à l'appel. Pudiquement, le chef de l'État a évoqué le refus de l'Église catholique de croire en une union homosexuelle : « J'entends la place essentielle que vous donnez dans notre société à la famille, aux familles oserais-je dire. [...] J'entends les recommandations que formulent les instances catholiques. »

Il entend. Et alors que l'on sait la réticence de l'Église catholique aux questions de la procréation médicalement assistée pour toutes les femmes, à la question de l'avortement ou encore à l'euthanasie, Emmanuel Macron a, dans un élan idéaliste, prononcé un discours qui n'a pas plu à l'opposition : « Tous les jours, les mêmes associations catholiques et les prêtres accompagnent des familles monoparentales, des familles divorcées, des familles homosexuelles, des familles recourant à l'avortement, à la fécondation in vitro, à la PMA, des familles confrontées à l'état végétatif d'un des leurs » et de rajouter que « certains principes énoncés par l'Église confrontés à des réalités contradictoires et complexes qui traversent les catholiques eux-mêmes. »

Joël Deumier, le président de SOS Homophobie, visiblement en parfait désaccord a ainsi demandé : « Depuis quand l'Église accompagne les familles homoparentales alors qu'elle s'oppose à leur reconnaissance et à leur protection ? ». Du côté de l'association Gaylib, l'indignation est grande : « On dit famille homoparentale déjà pour commencer ; 'accompagne' , vous pensez à quoi, à qui au juste : à la prière du 15 août 2012 contre le mariage pour tous ? Aux thérapies pour guérir l'homosexualité ? ».

Une réflexion qui a permis à Laurence Rossignol, pour qui l'appel d'Emmanuel Macron à l'Église de s'engager en politique, d'ironiser en affirmant que l'Église catholique est « déjà engagée en politiquement. Contre : le préservatif, la contraception d'urgence, l'IVG, la PMA, le droit de mourir dans la dignité... »

Atteinte à la loi 1905

Emmanuel Macron « considère que la laïcité n’a certainement pas pour fonction de nier le spirituel au nom du temporel, ni de déraciner de nos sociétés la part sacrée qui nourrit tant de nos concitoyens : Je ne suis ni l’inventeur ni le promoteur d’une religion d’État substituant à la transcendance divine un credo républicain. » Mais pour l'opposition, ses déclarations constituent une atteinte grave à la loi 1905.

Pour Olivier Faure, le président du Parti socialiste le discours tenu par Emmanuel Macron n'est pas légitime : « Mais de quoi nous parle-t-on ? L’Église catholique n’a jamais été bannie du débat public. Quel lien restaurer avec l’État ? En République laïque aucune foi ne saurait s’imposer à la loi. Toute la loi de 1905. Rien que la loi » et de rajouter que « la laïcité est notre joyau. Voilà ce qu’un président de la République devrait défendre. »

Manuel Valls s'est également opposé au discours du président de la République, en lui faisant un petit rappel : « La laïcité c’est la France, et elle n’a qu’un seul fondement : la loi de 1905, celle de la séparation des Églises et de l’État. La loi de 1905, toute la loi, rien que la loi ». Moins calme et plus rageur, Jean-Luc Mélenchon, a fustigé le discours d'Emmanuel Macron qu'il considère être « en plein délire métaphysique. Insupportable. On attend un président, on entend un sous-curé ».

Des avis tranchés et bien différents de celui de Mgr Pontier pour qui le discours d'Emmanuel Macron était « absolument remarquable. Un discours fondateur sur la laïcité, sur la juste articulation du politique et du religieux, la place fécondante du questionnement, le caractère indispensable de la question du sens ».

Source : Twitter Emmanuel Macron
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Au sujet de l'auteur : Pauline Masotta

Journaliste