Iran : Elles se battent pour leur liberté de ne pas porter le voile au risque d'être privé de liberté

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Vida Mohaved, symbole de l'émancipation des femmes, a été, selon son avocate, libérée mardi 30 janvier après avoir été enfermée pour être sortie volontairement sans voile. Une sortie pour une nouvelle arrestation, signe que les protestations continuent.

Peine d'emprisonnement de dix jours à deux mois et 74 coups de fouets. Pour échapper à ces sanctions, 5 000 à 50 000 Toumans (5 à 50 euros) d'amendes suffiront. Mais ce n'est pas ce que risque un délinquant lambda. C'est ce qu'encourt une Iranienne si elle sort sans son voile en public ou que ce dernier est simplement mal porté.

Engoncées par des lois vestimentaires, les Iraniennes sont arrivées à un point de non-retour. Elles aussi veulent la liberté d'assumer leur corps, leur féminité et la liberté de s'habiller comme bon leur semble. Et depuis que Vida Mohaved, une jeune mère de 31 ans, est sortie sans arborer de voile, au contraire, en brandissant son voile sur la voie publique à Téhéran, elle semble avoir permis un regain de protestations chez les femmes iraniennes. Après s'être fait arrêter fin décembre par les autorités, les réseaux sociaux en Iran ont accouché du hashtag #WhereIsShe ? (où est-elle?). 

Et alors, que mardi 30 janvier, cette résistante iranienne jouissait à nouveau de sa liberté, une autre jeune femme, Narges Hosseini était arrêtée lundi 29 janvier pour avoir été prise en flagrant délit de non-port du voile dans la même rue que Vida Mohabed à Téhéran. Élevant son corps à l'aide d'un bloc d'un mètre de hauteur mais aussi son combat, elle a retiré son foulard et l'a agité à l'aide d'un bâton, d'un geste assuré et serein.

Suite à cette nette prise de position, nombre de femmes ont eu le désir de protester. L'une d'entre elles a créé la surprise. Il s'agit d'une religieuse habillée d'un tchador noir, habit traditionnel des femmes très pieuses en Iran. Un acte à la symbolique très forte où il est important de lire que même les plus croyantes soutiennent celles qui veulent s'extirper des codes vestimentaires imposés par la religion et que, ainsi, la solidarité dépasse les opinions religieuses inhérentes à un pays et une seule et même culture.

Si les femmes se mobilisent, certains hommes le font. C'est le cas d'un jeune homme, dont le nom est pour le moment inconnu, qui a emboîté le pas à Narges Hosseini et est monté sur une caisse électrique sur l'avenue Enghelab afin de soutenir les femmes dans leurs combats. Arborant un tee-shirt blanc, il brandissait un foulard blanc, déclarant aux passants : « Votre nom est le mien ».

Brigade des mœurs

Narges Hosseini est condamnée à payer une caution de 500 000 Tomans (90 000 euros) si elle veut retrouver sa liberté. « Elle ne vit pas à Téhéran et sa famille a été incapable de payer cette somme. Pour le moment, elle reste en prison à Shahr-é Rey [un quartier dans le sud de Téhéran] "a expliqué l'avocate et militante des droits humains Nassrin Sotoudeh.

« La police des mœurs » est celle qui a pour ordre de vérifier que toutes les femmes sont habillées et voilées correctement, mais pas que les femmes, les hommes doivent également être irréprochables : pas de crâne rasé, pas de tatouage ou piercings visibles, le mouvement protestataire doit s'accroître. Et selon Nassrin Sotoudeh, il ne doit pas absolument pas être pris à la légère. Ce que fait pourtant le procureur général de la République islamique ,Mohammad Jafar Montazeri. Interrogé par l'agence Isna, il dénonce un mouvement « puéril » ajoutant qu'il s'agit « d’une affaire insignifiante qui n’a rien de préoccupant ». « C’était une idée puérile sortie de la tête d’une jeune fille qui a enlevé son voile alors que d’autres mènent leurs activités quotidiennes sans faire d’histoires ».

Asal Bagheri, sémiologue, professeur à l'Univeristé Paris Descartes et spécialiste du cinéma iranien a été interrogée sur Rfi à ce sujet et a répondu au procureur. « Ce sont des femmes très courageuses qui font cela, je trouve que c'est un événement important qu'il ne faut pas minimiser »

Source : RFI

Au sujet de l'auteur : Pauline Masotta

Journaliste