Grande distribution : des marges « exorbitantes » sur les fruits et légumes bio, selon l'UFC-Que choisir

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De plus en plus, les Français font attention à ce qu'ils achètent, et sont de mieux en mieux sensibilisés à l'incidence de leur consommation quotidienne sur l'environnement. Ils ne veulent plus acheter bêtement des produits sans savoir d'où ils proviennent, et ils commencent à prendre conscience que leur porte-monnaie (et l'usage qu'ils choisissent d'en faire)  est l'un de leurs outils les plus puissants pour changer le monde et faire bouger les industriels. 

Jadis consommateurs aveugles, ils ont tendance à former désormais une nouvelle génération de « consom'acteurs » davantage soucieux des conséquences de leurs actes — un nouveau marché en pleine expansion, dont les entreprises de la grande distribution ont d'ailleurs bien saisi tout le potentiel.

Si l'émergence de cette tendance au mieux-consommer a des effets bénéfiques certains, notamment en forçant les entreprises à améliorer l'impact environnemental dans le but de satisfaire les exigences d'un public mieux informé, cela comporte aussi son lot d'enfumages divers, de greenwashing et autres opérations qui servent davantage des objectifs marketing qu'écologiques. 

Une femme choisissant des légumes au supermarché / Shutterstock

Prenons le bio, par exemple, un secteur qui séduit de plus en plus de Français, qui souhaitent préserver l'environnement et leur propre santé. En fait, il n'y a pratiquement que des avantages à consommer bio : le principal frein qui pousse les acheteurs à éventuellement préférer un produit issu de l'agriculture conventionnelle, c'est... la différence de prix. Car bien souvent, les produits bio sont plus chers que leurs équivalents, ce qui peut être décisif lorsque l'acheteur se retrouve seul face au rayon du supermarché.

Officiellement, c'est parce que le bio a aussi un certain coût au niveau de la chaîne de production : ces produits sont cultivés sans pesticides et engrais chimiques, avec des techniques certes plus douces pour l'environnement, mais moins efficaces en termes de rentabilité. Comme les agriculteurs bio ont une production plus petite et un besoin en main-d'œuvre plus importants, s'ils veulent gagner leurs vies, ils sont donc obligés de mieux valoriser leurs produits et, en conséquence, de hausser leurs prix par rapport à l'agriculture conventionnelle. 

Opportunisme et exploitation d'un marché de niche

Certes, on comprend pourquoi les produits bio sont légèrement plus chers... mais cette différence de prix est-elle toujours vraiment justifiée ? Non, affirme l'UFC-Que choisir, qui dénonce les « marges exorbitantes » de la grande distribution, dans une étude parue fin août. Car si les agriculteurs ont effectivement besoin de valoriser leurs produits, 46 % du surcoût payé par l'acheteur final est dû... aux marges prises par la grande distribution ! L'association de consommateurs est catégorique : dans les supermarchés, la différence de prix entre les produits bio et les produits conventionnels excède, de loin, les surcoûts entraînés par les méthodes de production bio au niveau de la production agricole.

Certes, les grandes enseignes avancent que, pour elles aussi, le bio a un coût : comme elles ne sont pas traitées, les denrées issues de l'agriculture biologique sont plus facilement périssables, se stockent moins longtemps, et sont aussi plus sensibles aux manipulations. Un argument douteux, analyse l'UFC : si certains produits comme la pêche ou l'abricot ont effectivement une durée de vie raccourcie, les marges ne sont absolument pas justifiées pour des produits qui se conservent naturellement très bien, comme la courge, le poireau, ou la pomme, championne de la résistance en rayon !

De fait, l'UFC-Que choisir dénonce des « surmarges » qui ne relèvent d'aucune nécessité réelle, et qui n'ont pas d'autre raison d'être que de profiter de l'intérêt grandissant des consommateur pour les produits bio  :  « En l’absence d’autres justifications et pour des produits dont les modalités de mise en rayon sont identiques, cette différence de tarification pourrait être due à une politique opportuniste sur un marché de niche ».

Infographie : Vincent Dotini / Demotivateur— Données UFC-Que Choisir

Le secteur du bio, en pleine expansion, a accusé une croissance de 20% en 2016. Un chiffre qui fait saliver les grandes enseignes de distribution, bien conscientes des parts de marché qu'elles ont à y gagner. Alors, elles profitent de l'engouement général, embellissant au passage leur image de marque en se posant en défenseuses de l'environnement. Mais, puisqu'elles savent bien que les acheteurs sont prêts à payer plus cher les produits labellisés bio, elles ne se privent pas pour prendre, au passage, la part du lion.

L'UFC-Que choisir estime ainsi que remplir son panier de fruits et de légumes bio au supermarché coûte 79 % plus cher qu’avec leurs équivalents conventionnels...

UFC, Que faire ?

La question qui peut se poser aujourd'hui, c'est de savoir ce qu'il faut faire concrètement si l'on souhaite acheter bio, sans pour autant encourager ce type de pratique. En tant que consommateurs désireux d'utiliser notre pouvoir d'achat à bon escient pour soutenir des entreprises justes et responsables, en sommes-nous réduits à verser cette obole de 46% à la grande distribution? Faut-il boycotter le bio, quitte à couper les vivres aux agriculteurs qui font l'effort de changer leur manière de produire pour obtenir ces labels ?

Certainement pas : il existe fort heureusement d'autres alternatives, qui permettent de consommer bio à moindre coût, tout en s'assurant que l'essentiel des revenus revient aux agriculteurs. On peut ainsi acheter local, en se fournissant chez les maraîchers et les producteurs. Parmi les solutions les plus efficaces, on peut citer par exemple les associations et groupements de consommateurs, comme les AMAP (Association pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne) qui permettent d'acheter directement aux producteurs, sans passer par l'intermédiaire de la chaîne de distribution.

Si une telle alternative vous intéresse, renseignez-vous sur le site du réseau AMAP : que vous viviez en ville ou à la campagne, vous avez probablement une AMAP non loin de chez vous

Un homme récolte des choux dans une serre en agriculture biologique / Shutterstock

Source : Le Monde

Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste