Mines d'Or en Guyane : Un collectif interpelle Emmanuel Macron pour stopper le projet de la « plus grande mine de France » qui met en danger la forêt amazonienne

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La Guyane est actuellement au cœur d'une vive polémique : dans ce bout de territoire Français situé en Amérique du Sud, dont la majeure partie des terres est recouverte par une fraction encore inviolée de la forêt pluviale Amazonienne, un projet controversé d'exploitation minière est en train d'attiser les tensions. Car voilà : sous le sol de cette forêt abritant un écosystème d'une incroyable richesse, se cachent 85 tonnes d'or qu'un groupe d'industriels se propose d'extraire.

Mené par le milliardaire russe Alexeï Mordachov, ce projet impliquerait de creuser une fosse de 2,5km de long sur 400 mètres de profondeur... Une balafre rouge sur le poumon vert, qui ne serait évidemment pas sans impact sur l'environnement, sans compter les risques de catastrophe environnementale majeurs qu'implique le stockage des déchets dans les barrages miniers. 

Le projet doit être soumis au Gouvernement, qui doit encore l'approuver... Sur internet, un collectif constitué d'une centaine d'associations internationales s'est constitué afin d'interpeller le président de la République Emmanuel Macron, par le biais d'une pétition totalisant pour l'heure plus de 167 000 signatures.

Crédits : une rivière dans la forêt pluviale en Guyane / Shutterstock

Il s'agirait de la plus grande mine jamais exploitée sur le territoire Français : le titanesque projet Montagne d'Or, s'il était validé par le gouvernement, s'inscrirait sur 190 km2 de concessions, à l'est de la Guyane française, en pleine forêt Amazonienne. Dans cette zone tropicale à la biodiversité infiniment riche, abritant des centaines de milliers d'espèces animales et végétales, les miniers voudraient creuser une fosse grande comme trente-deux Stades de France, une déchirure de 2,5 km de long, 500 mètres de large et 400 mètres de profondeur en pleine forêt pluviale. 

Sans précédent de par son ampleur, le projet est principalement porté par Nordgold, l'entreprise du milliardaire russe Alexeï Mordachov, qui détient la majorité des parts, ainsi que par le minier canadien Colombus Gold. Si l'État Français accepte que ce groupe étranger vienne creuser le sol national, pour exploiter ses richesses en sacrifiant une partie de son écosystème, il s'agirait sans nul doute d'une grande première : en effet, ce projet aurait une forte incidence sur le milieu ambiant, une empreinte spatiale et écologique de dimensions encore jamais vues en France jusqu'à présent!

Ce projet, « hors normes par ses aspects économiques », selon une note d’information interministérielle de février 2016 publiée par l’AFP, devrait s'avérer très rentable, du moins à en croire l'étude de faisabilité détaillée réalisée par Nordgold : « Le taux de retour sur investissement devrait atteindre 18,7 %, et les banques françaises qui pourraient nous prêter de l’argent se montrent très intéressées », s'enthousiasment ainsi les industriels.

Crédits : Une exploitation aurifère/ Shutterstock

De leur côté, les opposants au projet durcissent le ton, dénonçant le fait que l'extraction des richesses renfermées par le sol Guyanais se fasse au prix d'un impact important sur la faune et la flore. En mars, le collectif « Or de question », soutenu par plus de 110 organisations françaises et internationales, avait lancé une pétition. En l'espace de cinq mois, la lettre ouverte adressée au président Macron et au gouvernement d'Édouard Philippe pour faire stopper le projet a déjà récolté plus de 167 000 signatures de soutien — un chiffre qui continue à progresser très vite à mesure que la question se fait de plus en plus pressante.

Outre l'impact environnemental important et l'exploitation des richesses de Guyane au profit d'entreprises étrangères, les associations pointent du doigt les déchets et la pollution qui seraient inévitablement engendrés par les processus d'extraction, qui exigerait de traiter les roches avec du cyanure. Le traitement de minerai par cyanuration exigerait non seulement l'énergie de 20% de la consommation annuelle de la Guyane, mais elle impliquerait aussi le stockage en digue de millions de tonnes de boues cyanurée...

Une méthode non dénuée de risques, puisqu'on comptabilise dans le monde au moins 25 ruptures de digue depuis le début des années 2000. C'est d'ailleurs ce type de stockage de déchets toxiques liés à l'exploitation minière qui avait été responsable d'une catastrophe écologique de grande envergure au Brésil. Dans ce pays voisin qui partage avec la Guyane la plus grande frontière terrestre Française, la rupture d'un barrage appartenant à la compagnie Samarco avait détruit le Rio Doce (cinquième plus grand fleuve du pays), ôtant toute forme de vie jusqu'à son estuaire, sur plus de 650 kilomètres et causant des dommages irrémédiables.

Le collectif « Or de question » s'inquiète aussi de la proximité immédiate du site de construction avec des massifs possédant une très haute biodiversité, dont la plus vaste réserve biologique intégrale de France. La Guyane possède en effet sur son sol une partie encore intacte et préservée de la forêt Amazonienne, ce poumon vert de la planète qui, non content d'abriter une biodiversité extraordinaire, constitue aussi la seule zone de forêt tropicale humide de l'Union Européenne. 

Exploitation des ressources ou préservation de l'environement

Autre souci, et non des moindres : pour fonctionner, la mine demandera des investissements publics importants (routes, énergie, port, exonérations), dans un territoire où 15 % des foyers du littoral et 30 % des foyers de l’intérieur n’ont pas accès à l’électricité. Certes, selon l'argument des défenseurs du projet, l'exploitation aurifère sera génératrice d'emplois... Mais à quel prix ? Et les Guyanais seront-ils vraiment concernés par les emplois en question ?

Pour le collectif, l’exploitation à grande ampleur de l’or en Guyane est d'autant plus absurde, qu'elle n’est absolument pas indispensable : les besoins industriels réels représentent « seulement 8% de l’or extrait » selon « Or de question », tandis que « La filière du recyclage en a fourni 3 fois plus en 2015 ». 

Crédits : Image satellite de la Guyane Française, NASA/ Shutterstock

Ce n'est pas la première fois, loin s'en faut, que des territoires d'Amérique Latine sont confrontés au dilemme opposant partisans du développement économique à tout prix et défenseurs de l'environnement et des communautés rurales. En cause de cet éternel conflit d'intérêts , les sous-sols de ce continent regorgent de richesses qui font briller des dollars dans les yeux des grands entrepreneurs, tandis que la surface importante constitue un élément de choix pour l'exploitation du bois et l'agriculture intensive.  Il faut dire que, pour certains pays en voie de développement, la tentation est grande de profiter de ces innombrables ressources que la nature a placé sur leur sol. Alors que de grands projets menacent à la fois la biodiversité et les communautés natives, à l'instar du projet du barrage de Belo Monte en Amazonie brésilienne, d'autres pays montrent l'exemple inverse, comme le Chili qui a récemment refusé un ambitieux projet minier pour des motifs environnementaux.

De son côté, le gouvernement Français se laissera-t-il tenter par l'appât du gain ?  Pour l'instant, il ne l'a toujours pas autorisé, puisque le projet doit encore être examiné... mais les différentes associations se montrent inquiètes. Et le collectif «Or de question » de rappeler qu'en 2015, Emmanuel Macron, alors ministre de l'économie du gouvernement Valls, encourageait vivement l’industrialisation de la filière aurifère en Guyane, et notamment le projet Montagne d’Or.

S'il poursuit sur la même voie en tant que chef d'État, il se pourrait que l'acceptation de ce projet minier en soit grandement facilitée... mais d'un autre côté, cela risquerait de provoquer quelques désaccords au sein du Gouvernement. Comme le rappelle le journal Le Monde, lui et son ministre de l'écologie Nicolas Hulot ont pris, par le passé, des positions radicalement différentes sur la question. Un choix politique cornélien, pour le nouveau locataire de l'Elysée, qui pourrait aussi affecter l'image de la France en tant que grande figure dans la lutte contre le changement climatique.


Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste