« J'ai ouvert le rideau et il était mort » : Stephon Clark, un Afro-Américain, a été tué par deux policiers qui ont confondu son téléphone avec une arme

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Les violences de Charlotesville n’auront pas suffi. Ni les bavures policières en série. Michael Brown, Tamir Rice, Trayvon Martin, Freddie Gray, Jordan Davis, Kajieme Powell ou encore Eric Garnier qui criait avant son dernier souffle « je ne peux pas respirer » alors qu'un policier de New York lui écrasait la cage thoracique, au sol, sont morts. Tous sont des noms que l'on connaît. Que l'on a entendu. Beaucoup. Des noms associés au mouvement Black Lives Matter ou associés aux Noirs victimes de policiers blancs. Tous ont eu le même tort : Être noir. Et aujourd'hui, un nouveau nom vient s'ajouter à la longue liste de morts des suites de violences policières. Stephon Clark avait 22 ans.

Le 19 août dernier, 40 000 personnes manifestaient à Boston. Contre le racisme mais aussi contre le fascisme, cette manifestation dénonçait les violences de Charlottesville, survenue une semaine avant, où des militants racistes défilaient dans les rues. Un défilé qui avait créé des émeutes, notamment lorsqu'un sympathisant néonazi avait foncé en voiture dans la foule, blessant 19 personnes et tuant une jeune femme.

Ce 19 mars, dans la nuit du dimanche au lundi, Stephon Clark a été tué par balles par un policier. Pas une balle, ni deux. Mais 20 balles. Et alors, dans quelles circonstances un jeune homme de 22 ans peut se retrouver une situation où il meurt sous le coup de 20 balles ? Les autorités, les mêmes qui ont ouvert le feu, expliquent qu'ils avaient repéré, plus tôt, ce jeune du sud de Sacramento en train de briser des vitres de plusieurs voitures. Les policiers ont alors décidé de se lancer à la poursuite du jeune homme.

« Il était au mauvais endroit au mauvais moment, dans son propre jardin ? »

Selon le New York Times, un témoin a alors appelé les autorités pour décrire Stephon Clark. Selon ce même témoin, il « portait un sweat noir et un pantalon noir et se cachait dans un jardin ». Ils se sont alors rendus dans le jardin en question, qui n'était autre que le sien. Le jeune homme qui, selon les autorités locales, a réfusé d'obtempérer, a tendu le bras avec son téléphone dans sa main. Un téléphone qu'ils auraient donc confondu avec une arme. Pour se protéger du jeune homme et de son arme supposée, ils ont alors tiré. À 20 reprises.

Sa grand-mère, Sequita Thompson, a été témoin de la scène : « Tout ce que j'ai entendu c'est 'pan, pan, pan' et je me suis couchée à terre. J'ai ouvert le rideau et il était mort. Ils n'avaient pas besoin d'en arriver là » avant de questionner la presse locale : « Il était au mauvais endroit au mauvais moment, dans son propre jardin ? ». Ce jeune homme de 22 ans laisse derrière lui deux enfants, âgés de un et trois ans.

« La police poursuivait une personne suspectée de vandalisme. C'est tout. Pas un tueur de masse »

Alors que les deux policiers qui ont ouvert le feu sur Stephon Clark ont été suspendus, conservant leur salaire, le mouvement Black Lives Matter n'a pas attendu très longtemps avant de réagir. Une réaction qui veut opposer plusieurs situations. En effet, lors de la fusillade de Parkland, l'auteur des faits a été appréhendé calmement, alors qu'il venait d'abattre 17 personnes. De son côté, Dylan Roof, qui avait ouvert le feu dans une église de Charleston s'était vu, en plus d'être arrêté calmement, offrir un menu chez Burger King.

« La race dans laquelle on t’a rangé fait que tu as toujours le vent de face et les chiens sur les talons. À des degrés divers, ceci est vrai de toute vie. La différence est que tu n’as pas le privilège de vivre dans l’ignorance de ce fait fondamental. » écrivait le journaliste et écrivain Ta-Nehisi Coates, dans le livre qu'il adressait à son fils de quinze ans qui s'était réfugié dans sa chambre, en pleurs, alors qu'il comprenait que le bourreau de Michael Brown ne serait pas inquiété.

Pour Alisa Simmons, présidente de la National Association for the Advancement of Colored People, une organisation de défense des gens de couleur, « le problème fondamental est ce à quoi les policiers s'attendent lorsqu'ils regardent les jeunes Afro-Américains. Ils s'attendent à ce qu'ils soient plus violents, plus dangereux que n'importe quelle autre race ».

La question du sort réservé aux Afro-Américains, pourtant étudiée, ne semble pas trouver un chemin menant vers une solution durable. Coates confiait son inquiétude à son fils dans son livre. Une inquiétude qui semble plus que jamais au goût du jour : « Je te le dis : cette question — comment vivre avec un corps noir dans un pays perdu dans le Rêve — est la question de toute ma vie. »

Au sujet de l'auteur : Pauline Masotta

Journaliste