Le site où Moïse aurait reçu les Dix commandements va devenir... un complexe touristique, le projet fait scandale

Un projet de construction touristique suscite la polémique en Égypte en raison de l'emplacement choisi. Focus.

On l'appelle le « le Grand Projet de Transfiguration » (PTG) mais ses détracteurs (et ils sont nombreux) le surnomment plutôt « Grand Projet de Défiguration » !

La construction d'un gigantesque complexe touristique, comprenant notamment des hôtels et des commerces, sème actuellement la zizanie en Égypte. Et pour cause, car le site choisi par les autorités locales n'est pas n'importe lequel. Il s'agit de l'un des lieux les plus sacrés au monde. 

Ce complexe est en effet bâti sur le... Mont Sinaï à l'endroit supposé où Moïse aurait reçu les 10 commandements, selon la tradition biblique. Un emplacement qui n'est pas du goût de tous et c'est peu de le dire.

Construction d'un vaste complexe hôtelier au pied du Mont Sinaï, en ÉgypteCrédit photo : Ben Hoffler

Un complexe en construction sur le mont Sinaï créé la polémique, en Égypte

Décrit par Le Caire comme un « cadeau au monde entier et à toutes les religions », ce vaste complexe, dont l'inauguration est prévue pour 2026, fait l'objet de vives critiques pour des raisons évidentes.

Nombreux sont ceux qui tirent ainsi à boulets rouges sur l'Égypte pour avoir choisi de construire cet ensemble touristique dans une zone inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO. Un site qui s'avère être  - est-il besoin de le rappeler - un lieu sacré aux yeux des fidèles des trois grandes religions monothéistes.

Financé par l'État égyptien, ce complexe sera composé de cinq hôtels et près de 1 500 chalets et villas. Il comportera également un centre d'accueil de visiteurs, d'une superficie de 600 m², mais aussi et surtout un complexe commercial implanté autour du parc national du Protectorat de Sainte-Catherine, où se situe le célèbre monastère orthodoxe éponyme. Bâti au VIe siècle de notre ère, ce lieu emblématique de la chrétienté, situé au pied du Mont Sinaï à 500 km à l'est du Caire, est l'un des plus vieux monastères au monde, encore en activité. Jusqu'alors préservé des affres de l'expansion humaine, en raison de sa position isolée dans le désert, le monastère, qui abrite de nombreuses reliques et autres manuscrits datant d'un millénaire, se retrouve aujourd'hui à la merci des promoteurs. Une situation alarmante aux yeux de certains qui dénoncent des dommages irréversibles sur un site vénéré dans l'islam, le christianisme et le judaïsme.

Monastère Sainte-Catherine, en ÉgypteCrédit photo : iStock

Les communautés bédouines locales, qui peuplent les lieux depuis des siècles, ne sont pas non plus épargnées. Ainsi, les membres de la Tribu des Jebeleya, dont le nom signifie littéralement « peuple de la montagne » en arabe, payent un lourd tribut à cause de l'érection de ce complexe. Plusieurs de leurs maisons ont été détruites et les autorités ont même ordonné à certaines familles de déplacer les restes de leurs défunts, enterrés dans le cimetière local, afin de permettre la construction d'un parking.

Sur place, ceux qui osent se dresser contre le projet seraient même persécutés par les services de sécurité égyptiens, qui chercheraient à faire taire leurs revendications, selon Ben Hoffler, un écrivain britannique et guide touristique, proche des bédouins locaux.

« S’ils en parlent, ils reçoivent une visite. La police secrète de Sainte-Catherine surveille tout de très près (...) nous avons eu des logiciels espions sur nos téléphones. Ils suivent les gens littéralement dans la rue. J'ai été suivi à de nombreuses reprises ». (Ben Hoffler)

Malgré ce contexte, la construction du complexe devrait bien être achevée, et ce, dans l'indifférence générale de la communauté internationale. Seule la Grèce s'est ouvertement opposée au projet, en raison notamment des liens étroits qu'entretient le pays avec le monastère Sainte-Catherine. Pour rappel, les Grecs sont majoritairement chrétiens orthodoxes, ce qui explique cet attachement culturel.

Hôtels en construction au pied du Mont Sinaï, en ÉgypteCrédit photo : Ben Hoffler

Les tensions entre l'Égypte et la Grèce, au sujet de Sainte-Catherine, ont par ailleurs été très vives ces dernières semaines, notamment en mai dernier lorsqu'un tribunal égyptien avait estimé que le monastère se trouvait sur un terrain public. Une décision qui avait provoqué l'ire du chef de l'Église orthodoxe grecque, l'archevêque d'Athènes Mgr Ieronymos, lequel craint désormais que l'édifice soit un jour  « saisi et confisqué » par les autorités égyptiennes. Ce qui entraînerait à terme son démantèlement.

Une éventualité qui n'est pas à l'ordre du jour, a assuré le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi. Ce dernier a d'ailleurs récemment réitéré « son engagement total à préserver le statut religieux unique et sacré du monastère de Sainte-Catherine et à empêcher sa violation ».

Source : BBC
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Au sujet de l'auteur :

Évoluant dans la presse web depuis l’époque où celle-ci n’en était encore qu’à ses balbutiements, Mathieu est un journaliste autodidacte et l’un de nos principaux rédacteurs. Naviguant entre les news généralistes et les contenus plus décalés, sa plume s’efforce d’innover dans la forme sans jamais sacrifier le fond. Au-delà de l’actualité, son travail s’intéresse autant à l’histoire qu’aux questions environnementales et témoigne d’une certaine sensibilité à la cause animale.