Ramzan Kadyrov déclare vouloir « se débarrasser des gays pour purifier le sang tchétchène »

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Tchétchénie : Trois mois et demi après les révélations de Novaya Gazeta, journal russe d'opposition qui alertait la communauté internationale à propos des conditions inquiétantes des homosexuels dans la république fédérée caucasienne, la situation continue à préoccuper les observateurs : disparitions inexpliquées, gardes à vue, appel au meurtre, persécution, arrestations sommaires et actes de torture, de nombreuses associations locales continuent à faire état de graves dérives.

Interrogé ce vendredi 14 juillet par des journalistes de la chaîne de télévision HBO, Ramzan Kadyrov, le président de cette république appartenant à la Fédération de Russie, continue de nier en bloc les accusations faites à son encontre... tout en se fendant de quelques déclarations pour le moins préoccupantes. Ainsi, selon Kadyrov, les accusations de torture d'homosexuels sont fausses. En fait, c'est bien simple : c'est tout bonnement impossible... puisqu'en Tchétchénie, « ils n'ont pas de gens comme cela » !

Ramzan Kadyrov lors d'un voyage diplomatique en Jordanie / Shutterstock

D'ailleurs, déclare-t-il à HBO : « s'il y a des gays [en Tchétchénie], emportez-les au Canada. Plaise à Dieu, prenez-les pour qu'on n'en ait pas ici. Pour purifier notre sang. S'il y en a, prenez-les. »

« Ils sont le diable. Il faut s'en débarrasser, ce ne sont pas des hommes », poursuit encore le chef d'État : « Puisse Dieu les punir pour ce dont ils nous accusent. Ils devront en répondre devant le Tout-Puissant ».

Journalistes et homosexuels menacés

Le gouvernement Tchétchène avait déjà proféré des menaces de mort à peine voilées aux journalistes de Novaya Gazeta, assurant que si ces derniers n'y prenaient pas garde, « des personnes encore plus agacées […] que [lui] » s’occuperaient de leur régler leur compte.

Une manœuvre d'intimidation prise très au sérieux, puisque le journal a déjà vu cinq de ses journalistes assassinés pour des sujets en rapport direct avec la Tchétchénie. Elena Malishina, la journaliste à l'origine des révélations, a d'ailleurs été contrainte de se retrancher à l'étranger, dans un lieu tenu secret, afin d'éviter toute atteinte à sa personne.

Manifestation devant l'ambassade Russe de Tel-Aviv / Shutterstock

De son côté, le gouvernement Tchétchène considère les accusations de Novaya Gazeta comme de pures calomnies, puisque les hommes tchétchènes « ont un mode de vie sain, font du sport, et n’ont donc qu’une seule orientation [sexuelle]. » Kadyrov a d'ailleurs exigé des excuses publiques au journal, pour avoir osé suggérer qu'il puisse exister des homosexuels dans son pays

Selon l'ONG Russian LGBT Network, plus de cent homosexuels ont été arrêtés ces derniers mois en Tchétchénie. Après une accalmie relative au cours du ramadan, les pressions ont repris de plus belle :

 « Des dizaines de personnes nous contactent sur notre hotline. Elles nous disent qu'on essaie d'accuser les gays sous de fausses preuves, qui vont du cambriolage au terrorisme. Cela se passe maintenant. C'est tout récent » a déclaré le directeur du réseau LGBT.

Ramzan Kadyrov en compagnie de Vladimir Poutine, ZHUKOVSKY, RUSSIE / Shutterstock 

Russian LGBT Network assure en outre que plus de 300 homosexuels auraient été détenus et torturés par la police dans des lieux non officiels tels que des garages, des hangars, ou des bâtiments abandonnés. Au moins six hommes gays auraient été tués, toujours selon cette organisation.

Outre ces violences policières, les homosexuels peuvent également être victimes de leurs propres familles, lorsque ces dernières s'adonnent à la pratique du  « crime d'honneur ». Cette tradition, qui consiste à s'adonner au meurtre dans le but de « laver la réputation de la famille » est tolérée, et même encouragée, par les autorités tchétchènes.

Les abus du gouvernement tchétchène ont été condamnés par les Nations Unies, le Conseil de l'Europe, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'Union européenne, les États-Unis, la France et par plusieurs autres pays.


Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste