Le sommet « sur la protection des mineurs dans l’Église », organisé de jeudi à dimanche dernier au Vatican, a été accueilli avec scepticisme par les représentants des victimes d'abus sexuels, qui reprochent au souverain pontife de ne pas s'être engagé dans la voie de mesures concrètes.
L’Église catholique avait là une occasion historique de redorer son blason en prenant, à bras-le-corps, un problème interne qui gangrène le clergé depuis trop longtemps.
Finalement, la montagne aura accouché d’une souris et malgré des paroles fortes prononcées par le pape François, la conférence sur les violences sexuelles et la pédophilie qui s’est tenue au Vatican n’a pas convaincu les associations de victimes et notamment François Devaux, président de « La Parole Libérée », dont l'histoire a inspiré le film « Grâce à Dieu ».
Durant 4 jours, ce sommet sans précédent « sur la protection des mineurs dans l’Église », qui a rassemblé pas moins de 190 personnalités du clergé (présidents de conférences épiscopales, chefs des Églises catholiques orientales, supérieurs de congrégations religieuses ainsi que prélats de la Curie romaine), a pour la première fois donné la parole aux victimes.
Un « instrument de Satan »
Une libération de la parole donnant lieu à de nombreux témoignages poignants, à commencer par celui de ce jeune chilien victime d’abus sexuels, qui a ponctué samedi son intervention en interprétant un air du compositeur allemand Jean-Sébastien Bach au violon.
An abuse survivor plays violin for the 190 bishops at the clergy abuse summit during the penitential liturgy now #PBC2019 pic.twitter.com/3usVFZOgRb
— Joshua McElwee (@joshjmac) 23 février 2019
La veille, c’est le témoignage d’une femme abusée sexuellement par un prêtre, à l’âge de 11 ans, qui avait bouleversé l’assemblée de prélats.
Autant de témoins d’un calvaire trop longtemps passé sous silence et contre lequel Mark Coleridge (Président de la conférence épiscopale d'Australie, un pays récemment éclaboussé par plusieurs scandales de pédophilie) s’est dressé lors de son discours de clôture dimanche, en affirmant que l’Église catholique était devenue sa « pire ennemie », pour avoir couvert ces atrocités, tout en abandonnant les victimes à leur triste sort.
Des mots forts qui ont précédé ceux du pape François, lequel n’a pas hésité à comparer les abus sexuels sur mineurs aux « sacrifices humains » des « rites païens », qualifiant les dérives de certains membres du clergé d’« instrument de Satan ».
« Nous sommes aujourd’hui face à une manifestation du mal flagrante, agressive, destructrice (…) Dans les abus, nous voyons la main du mal qui n'épargne même pas l'innocence des enfants », a-t-il ainsi déclaré, affirmant que ce type d’abus ne devait « jamais être couvert » ni « sous-évalué ».
« C’est un blabla pastoral (…) ils noient le poisson »
En dépit de cette prise de conscience qui devrait déboucher, dans les deux mois qui viennent, sur un vade-mecum spécifiant les démarches à suivre en cas d'abus sexuel avéré, le discours du souverain pontife n’a pas eu l’effet escompté auprès des associations de victimes.
Ainsi, ces dernières regrettent un manque de mesures concrètes pour éradiquer le phénomène. Elles réclament des décisions fortes comme le renvoi systématique des prêtres incriminés, mais aussi la révocation des évêques ayant couvert les coupables. Devant l’absence de mesures en ce sens, beaucoup n’ont pas caché leur déception.
« Honnêtement, c’est un blabla pastoral, la faute du diable. Ils noient le poisson, ça permet de ne pas aborder directement les problèmes de l’Église », a ainsi déploré Jean-Marie Fürbringer, un citoyen suisse de 52 ans, victime d’abus sexuels répétés de la part du Père Joël Allaz.
« C’est très décevant (…) Il n’y a rien sur la tolérance zéro, l’exclusion définitive de violeurs d’enfants et des agresseurs sexuels employés par l’Église ! », a de son côté regretté Peter Saunders, responsable d’une association britannique de victimes et lui-même abusé durant sa jeunesse.
Vous l’aurez compris, si la forme de ce sommet - qui quoiqu’il arrive fera date - avait de quoi faire naître beaucoup d’espoirs chez les victimes, le fond laisse encore un goût d’inachevé et rappelle à quel point ce combat risque d’être un travail de longue haleine