Nicolas Sarkozy, mis en examen, se défend de toute accusation et révèle ce qu'il a dit aux juges

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Nous vous l’apprenions avant-hier : Nicolas Sarkozy a été placé en garde à vue au regard des financements libyens présumés de sa campagne électorale de 2007. Au terme de deux jours de garde à vue, celui qui fut autrefois avocat a été mis en examen, dans la soirée du mercredi 21 mars 2018.

Nicolas Sarkozy est accusé de « corruption passive », de « financement illégal de campagne électorale » et de « recel de fonds publics libyens », et vient d’être placé sous contrôle judiciaire.

Le Figaro rapporte aujourd’hui les propos de l’ancien président adressés aux juges, et récusant allègrement toutes les accusations.

Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi, le 10 décembre 2007. Crédit photo : Patrick Hertzog / Pool / AFP

Usant d’une question rhétorique, Nicolas Sarkozy balaye d’un revers de la main toute idée de lien avec le gouvernement libyen en place à l’époque, et plus particulièrement avec son leader, Mouammar Kadhafi, qu’il avait pourtant rencontré en 2007.

À l’époque, l’ancien chef de l’État tenait ce langage face à la désapprobation générale : « Si on ne le reçoit pas, si on ne parle pas avec des pays qui se respectabilisent, alors qu’est ce qu’on dira à l’Iran et la Corée du Nord? », comme le rapportait en 2007 le journal Le Figaro.

Ce même journal publie aujourd’hui le plaidoyer de Nicolas Sarkozy, qui exprime que c’est avant tout grâce à lui que le régime de Kadhafi s’est effondré :

« C'est moi qui ai obtenu le mandat de l'ONU pour frapper l'État libyen de Kadhafi. Sans mon engagement politique, ce régime serait sans doute encore en place. Le Colonel Kadhafi lui-même ne s'y est pas trompé, puisque je vous rappelle qu'entre 2007 et le 10 mars 2011, il n'y a aucune espèce d'allusion au prétendu financement de la campagne. Les déclarations M. Kadhafi, de sa famille et de sa bande n'ont commencé que le 11 mars 2011, c'est-à-dire le lendemain de la réception à l'Élysée du CNT, c'est-à-dire les opposants à Kadhafi. C'est à ce moment-là et jamais avant que la campagne de calomnies a commencé. »

Nicolas Sarkozy dénonce des « calomnies » qui seraient d’ailleurs la raison de sa défaite lors de l’élection présidentielle de 2012, qui l’a vu perdre contre François Hollande, et qui constituent déjà en soi des sanctions à ses yeux :

« J'ai déjà beaucoup payé pour cette affaire. Je m'en explique: j'ai perdu l'élection présidentielle de 2012 à 1,5%. La polémique lancée par Kadhafi et ses sbires m'a coûté ce point et demi. Le document MEDIAPART ayant été publié entre les deux tours le 28 avril 2012 alors que je me trouvais à Clermont-Ferrand en présence de Brice Hortefeux. […] Je ne suis pas un intime de Takieddine. J'ai été le chef de la coalition qui a détruit le système Kadhafi et j'ai d'ores et déjà payé un lourd tribut à cette campagne rarement égalée de boue, de calomnies et d'insanités. Je vous demande avec toute la force de mon indignation de retenir des indices et non pas des indices graves et concordants ».

Habilement, Nicolas Sarkozy démonte avec une inflexible rhétorique ce qu’il estime être des « mensonges » de Ziad Takieddine, qui assure avoir personnellement remis des valises d’argent liquide à hauteur de 5 millions d’euros en provenance directe de Mouammar Kadhafi à l’ex-président de la République française, alors Ministre de l’Intérieur, et qui constituent le fondement des accusations qui sont formulées à son encontre.

M. Sarkozy, se défendant de toute réception de cet argent, conclut à ce sujet :

« Toutes les investigations montrent que je n'ai jamais été un proche de M. Takieddine. Lui-même a déclaré que je ne l'avais jamais reçu à l'Élysée. Compte tenu de leur absence de crédibilité, les propos de M. Takieddine ne peuvent en aucun cas constituer des indices graves et concordants quand on connaît son passé judiciaire et les multiples déclarations contradictoires qu'il a proférées ».

Nicolas Sarkozy a tenu à terminer son plaidoyer en balayant le « document MEDIAPART, comble de la manipulation », qui avait fait émerger cette affaire en 2012. Il s’agirait d’un prétendu document libyen accablant Nicolas Sarkozy, et établissant avec certitude la véracité du financement libyen.

« Les faits dont on me suspecte sont graves, j'en ai conscience. Mais si comme je ne cesse de le proclamer avec la plus totale constance et la plus grande énergie, si c'est une manipulation du dictateur Kadhafi ou de sa bande, ou de ses affidés, dont Takieddine fait à l'évidence partie, alors je demande aux magistrats que vous êtes de mesurer la profondeur, la gravité, la violence de l'injustice qui me serait faite »

Persuasif, Nicolas Sarkozy sait l’être, avec des questions rhétoriques ayant pour but de discréditer les accusations formulées à son encontre en les rendant absurdes :

« Depuis le 11 mars 2011, je vis l'enfer de cette calomnie. À ma connaissance aucun élément tangible autre que les déclarations de la famille Kadhafi, du clan, des affidés n'est susceptible d'apporter le moindre crédit à leur propos. Croyez-vous que si j'avais la moindre chose à me reprocher en la matière, j'aurais été assez bête, assez fou pour m'attaquer à celui qui m'aurait à ce point financé ? Pourquoi prendre ce risque ? ».

Enfin, Nicolas Sarkozy souhaite troquer son statut de « mis en examen » contre celui de « témoin assisté », désignant une personne mise en cause dans une affaire, mais avec des charges adressées contre elle beaucoup moins lourdes que dans le cadre d’une mise en examen.

Pour ce faire, il procède à une comparaison avec une affaire dans laquelle il était également soupçonné pour des raisons similaires, en rappelant bien que les charges ont été abandonnées :

« Dans l'affaire Bettencourt, j'avais d'abord été mis sous le statut de témoin assisté puis mis en examen puis finalement j'ai eu un non-lieu ».

L’argumentation teintée de persuasion de Nicolas Sarkozy aura-t-elle un poids auprès des juges ? Une seule certitude demeure pour l’instant : l’affaire est très loin d’être terminée, malgré la mort de Mouammar Kadhafi il y a sept ans.

Source : Le Figaro
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Au sujet de l'auteur : Hugo Nikolov

Journaliste