Oui, la France va accueillir 10 000 demandeurs d'asile en plus d'ici octobre 2019. Et non, elle n'accueille pas « toute la misère du monde »

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Le chiffre est tombé : 10 000, c'est le nombre de réfugiés supplémentaires qui seront accueillis par la France d'ici octobre 2019. D'ici quelques semaines, l'État français prévoit en effet d'engager des missions au Niger et au Tchad, afin d'identifier les personnes nécessitant du droit d'asile. Ces interventions seront menées par l'Ofpra, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. But de la démarche : mieux cibler les personnes issues de minorités persécutées ou en situation de danger par rapport à leurs convictions, pour limiter l'afflux de migrants économiques.

Même si la mesure concerne les demandeurs d'asile et qu'elle a justement pour but de réduire l'immigration économique au profit de ces derniers, de nombreux Français critiquent l'accueil de ces réfugiés, sans toutefois vraiment comprendre de quoi il est véritablement question.

Il faut dire qu'il y a une confusion bien trop fréquente (parfois volontairement et systématiquement entretenue) entre deux cas de figure radicalement différents : les réfugiés politiques demandeurs d'asile et les migrants pour motif économique. Explications.

Vue aérienne du camp de réfugiés d'Akcakale, en Turquie /  Tolga Sezgin, Shutterstock

D'ici deux ans, la France « ouvrira 10 000 places » pour ces réfugiés « réinstallés » depuis le Niger, le Tchad, mais aussi de Turquie, du Liban et de Jordanie, a annoncé Emmanuel Macron ce lundi. Le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb a précisé dans un communiqué que parmi ces 10 000 réfugiés, 3 000 seront issus des « missions de protection avancées » de l'Ofpra au Niger et au Tchad qui débuteront « dans les prochaines semaines ».

L'objectif de ces missions est, essentiellement, d'identifier des personnes pouvant bénéficier du droit d'asile, sur des listes proposées par le Haut-Commissariat de l'ONU pour les Réfugiés (HCR). Tout cela, dans le but de « mieux prévenir la situation depuis le Niger et le Tchad pour prévenir un afflux de migrants économiques non éligibles au droit d'asile », a déclaré le président Français, après avoir reçu à l'Elysée le président du HCR Filippo Grandi.

Or, le nombre total de personnes vulnérables ayant besoin d'un transfert urgent s'élève à 83 500 au Tchad et 10 500 au Niger. En septembre, l'envoyé spécial du HCR pour la Méditerranée centrale, Vincent Cochetel, avait demandé que la France « clarifie au plus tôt » son engagement sur le nombre de réfugiés qu'elle pourrait accueillir sur son sol. Un effort qui doit ensuite être réparti entre les différents pays en mesure d'accueillir ces réfugiés.

Qui sont les personnes qui bénéficient du « droit d'asile » en France ?

La Constitution Française stipule noir sur blanc, dès son préambule, que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». Le droit d'asile découle de ce premier principe fondateur : il ne s'agit pas d'un acte de charité, mais bien d'un devoir moral de protection des personnes dont les vies sont directement menacées dans leur pays, à cause de leurs convictions politiques ou religieuses, de leur appartenance à une minorité ethnique persécutée, etc.

Outre le fait que le droit d'asile soit inscrit dans les grands principes constitutionnels français, il fait également partie des engagements pris par la France devant la communauté internationale, notamment lors de la signature de la convention de Genève du 28 juillet 1951. Ce traité, relatif au statut des réfugiés, détaille précisément les critères qui donnent droit à la protection internationale pour un demandeur d'asile. Le texte définit le statut de réfugié comme toute personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, [qui] se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. »

Les critères d'obtention du droit d'asile y sont donc statués de manière très précise, et les principes qui régissent le devoir de protection des personnes menacées dans leur pays aussi : protection élargie, examen impartial de la demande d'asile, droit à un maintien sur le territoire pendant toute la durée de l'examen de la demande. En retour, les conditions d'obtention du droit d'asile sont elles aussi assez strictes, afin justement d'éviter le détournement de l’asile à des fins étrangères à un besoin de protection.

C'est précisément dans le but d'analyser au préalable les demandes des demandeurs d'asile que l'Ofpra prévoit de diligenter prochainement des missions au Niger et au Tchad. Ces missions ont pour but de « filtrer » un maximum les demandes afin d'éviter, justement, l'afflux de migrants économiques — au détriment de personnes dont les vies sont en danger parce qu'elles sont persécutées à cause de ce qu'elles sont. Il y a sans doute bien des choses à reprocher à la présidence d'Emmanuel Macron à l'heure actuelle, mais certainement pas d'être trop tolérant au niveau de l'ouverture des frontières… ni de privilégier les pauvres venus d'ailleurs au détriment des miséreux d'ici, n'en déplaise à certains discours populistes.

Le président a d'ailleurs rappelé que la France voulait mieux accueillir ceux qui ont droit à l'asile mais expulser de manière « beaucoup plus rigoureuse » les migrants économiques, qui eux n'ont pas droit à ce statut.

« Je souhaite qu'on accueille mieux ceux qui peuvent demander asile, qu'on accélère les délais administratifs qui sont inhumains et inefficaces, avoir des programmes d'intégration à la langue, au logement, au travail et qu'on soit aussi beaucoup plus rigoureux dans la reconduite aux frontières de ceux qui n'ont pas droit à cette procédure », a-t-il détaillé.

Non, les réfugiés politiques et les demandeurs d'asile ne " volent " pas la place des SDF français. Ils ne sont pas installés dans de grands hôtels de luxe au frais des contribuables, et ne sont pas injustement favorisés au détriment des Français. Il s'agit de personnes qui ne sont plus chez eux nulle part, et qui risquent la mort, chaque jour, à cause de leur genre, de leur orientation sexuelle, de leurs convictions, de leur religion ou encore de leur origine.

Quant aux migrants « économiques », comme on les appelle… l'urgence à laquelle ils font face est-elle si illégitime que cela ? Le débat reste ouvert… mais n'oublions pas qu'il s'agit d'un autre débat.


Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste