Un chauffeur affirme avoir été payé pour déverser de l'acide en pleine nature pour le compte d'ArcelorMittal, géant de la sidérurgie

Bouton whatsapp

Licencié pour « rupture de discrétion commerciale », il ne pourra pas emmener ses enfants en vacances cet été. Mais ce chauffeur de camion estime avoir accompli son devoir. Sous-traitant de l'entreprise ArcelorMittal Florange, l'homme a révélé dans la presse avoir reçu l'ordre de déverser, pendant trois mois, des centaines de mètres cubes d'acide dans la nature, dans un crassier de l'usine.

Selon lui, l'ordre aurait été donné consciemment et en toute connaissance de cause par la hiérarchie de l'usine sidérurgique, dans le but de se débarasser à bas coût de la matière dangereuse et hautement toxique, sans avoir à la recycler dans une usine spécialisée.

« Voilà comment on recycle les déchets à Florange ! »

En Moselle, la multinationale ArcelorMittal, poids lourd de l'industrie sidérurgique et plus gros producteur d'acier au monde, est plongée au cœur d'un important scandale environnemental. Un conducteur d'engin, qui travaillait dans le cadre d'un contrat en intérim pour un sous-traitant de l'entreprise, assure avoir déversé de grandes quantités d'acide dans un crassier de l'usine. Au moins 24 mètres cube déversés tous les jours au cours de ses trois mois de contrat, de décembre à février dernier. 

Pierre Heckler

Sous couvert d'anonymat, l'homme affirme que les employés d'ArcelorMittal, qui lui donnaient l'accès au lieu de décharge, étaient parfaitement conscients du fait qu'ils déversaient une matière hautement dangereuse et toxique en pleine nature. En principe, ce genre de déchets industriels est censé être recyclé par des entreprises spécialisées, chose qui coûte beaucoup plus cher.

Désormais licencié, le chauffeur a livré son témoignage au micro de France Bleu :

«Je transportais l'acide usagé. Normalement je devais le ramener dans un centre de recyclage à Maloncourt. Mais on me disait de charger l'acide et d'aller au crassier, avec la complicité de salariés d'Arcelor qui me donnaient les bons (de livraison) eux-mêmes. Les bons n'indiquaient pas que c'était de l'acide. Ils indiquaient seulement que c'était de la boue de fer ou de la boue d'épuration. J'arrivais à Florange, à la cockerie, au PC sécurité, et là je me retrouvais dans un crassier à brancher mes tuyaux et déverser mon chargement en pleine nature, directement au sol. Les rochers éclataient à cause de l'acidité du produit. Le soir, je rentrais avec les yeux rouges.»

Alors, il décide d'en parler à un pompier responsable de la sécurité incendie pour ArcelorMittal... mais sa direction l'apprend et le licencie pour «rupture de discrétion commerciale». Au chômage, en fin de droit, il explique ne plus parvenir à retrouver du travail et avoir dû renoncer à emmener ses enfants en vacances cet été.

Dans une vidéo transmise à la radio locale et tournée avec son téléphone, l'homme montre les déchets en train d'être déversés dans une rivière, « à deux kilomètres à peine à vol d'oiseau des habitations ».

Suite à la publication de la vidéo et au témoignage de ce lanceur d'alerte, la Direction Régionale de l'Environnement a ouvert une enquête et le parquet de Thionville a été saisi dans le cadre d'une enquête préliminaire.

L'entreprise, de son côté, dément tout risque sanitaire. Dans le cadre d'une réunion extraordinaire, elle a souhaité rassurer les syndicats, en affirmant qu'il n'y avait aucun danger environnemental, et que la zone de dépot «est très encadrée » et «contrôlée tous les ans » (le dernier contrôle date de novembre 2016). Les responsables ont ordonné  l’ouverture d’une enquête interne « pour faire toute la lumière sur les faits ».

Source : France Bleu

Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste