Soigner les plantes malades par la musique ? Une société propose des boîtiers diffusant des sons pour les parcelles agricoles... et apparemment, ça marche

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La science s'intéresse de près au lien qui pourrait unir les plantes et la musique. Dépourvues de tympans, les végétaux percevraient en revanche les différentes ondes vibratoires, qui pourraient agir au niveau cellulaire et favoriser leur croissance, mais aussi leur résistance aux maladies ! Joël Sternheimer, musicien et chercheur en physique théorique, a découvert que certaines notes de musique pourraient correspondre à des protéines présentes dans la plante. Selon lui, il serait possible d'agir sur la fabrication des protéines au moyen d'ondes sonores soigneusement choisies... un procédé actuellement mis en application par une société française d'agronomie, qui séduit déjà plusieurs centaines agriculteurs en Europe.

Test d'un équipement pour traiter le mildiou sur des ceps de vigne — Genodics SAS 

On a tous déjà entendu parler de l'effet de la musique sur les plantes, sans trop savoir pourquoi d'ailleurs. Apparemment, les végétaux « aimeraient » la musique, ils pousseraient mieux si on leur joue une petite Nocturne de Chopin tous les soirs, plutôt que si on les laisse plongés dans un silence lugubre. Des tests ont même été réalisés par des chercheurs, afin de voir quels genres de musique étaient préférés par les plantes.

Il existe aussi des théories selon lesquelles les plantes ressentent les émotions des humains qui les entourent, ou encore qu'elles pousseraient mieux si elles sont régulièrement complimentées et qu'on leur susurre des mots doux au creux de l'étamine. Des théories que l'on accueille toujours avec un mélange de scepticisme et d'amusement : c'est vrai, c'est plutôt poétique comme histoire.... mais bon, soyons sérieux deux minutes : jusqu'à preuve du contraire, à défaut d'oreilles, les végétaux sont bien en peine d'apprécier les sons !

On peut y croire ou non, mais en tout cas, une chose est sûre : la musique comporte de nombreux bienfaits, et elle peut radicalement changer notre humeur. Se pourrait-il qu'elle puisse également agir au niveau vibratoire sur les cellules des organismes vivants... dont les plantes ?

Effets du virus de la mosaïque sur des feuilles de courgette — Inra.fr

Ce lundi matin, dans la chronique l'Esprit d'initiative de France Inter, la journaliste du Figaro Mathilde Golla  racontait une drôle d'histoire : celle de Gilles Josuan, un agriculteur des Bouches-du-Rhône, qui rapporte avoir réussi à soigner avec succès une maladie prétendument incurable sur ses pieds de courgette... et ce, grâce à la musique !

Tout commence lorsqu'un beau matin, notre homme découvre avec horreur que ses courgettes ont commencé à se couvrir de marbrures jaunes : un symptôme caractéristique de la mosaïque, un virus ravageur qui frappe spécifiquement les cucurbitacées. Or, voilà : la mosaïque, il est possible de lutter contre préventivement... mais une fois qu'elle est bien installée dans la plante et que les premiers signes extérieurs commencent à apparaître, c'est fini. La plante se couvre de taches jaunes, les feuilles se recroquevillent et se déforment. Bientôt, le plant tout entier se met à dépérir lentement, s'étiole puis se fane : normalement, il n'y a plus qu'à tout arracher, à faire une croix sur les courgettes, et à prier pour que la récolte de l'année prochaine soit meilleure.

Mais l'agriculteur, qui pratique la monoculture, ne voulait pas se résigner à perdre l'intégralité de sa production (40 hectares sous serres et 50 en plein champ). Alors, en désespoir de cause, il a fait ce que tout un chacun lors des situations sans issues : il s'est tourné vers les solutions dites « alternatives », en se disant que, perdu pour perdu, autant tout essayer.

Après moults recherches, il tombe sur le site internet de Genodics, une société qui prétend pouvoir « soigner les plantes par la musique ». Il s'équipe ipso facto des boîtiers spéciaux commercialisés par Genodics, pour diffuser entre 5 et 7 minutes de musique par jour. Et, rapporte la journaliste, non seulement il est bien forcé de reconnaître que ses courgettes sont sauvées... mais sa production grimpe même en flèche, « de l'ordre de 600 à 700 tonnes par an », suscitant la jalousie de ses voisins !


Le physicien-musicien qui faisait chanter les protéines

Aussi étonnant que cela puisse sembler, Gilles Josuan ne représente pas un cas isolé : à la fin 2016, Genodics SAS avait réalisé plus de 500 applications annuelles de ce procédé, en France et dans des pays limitrophes, en maraîchage, en arboriculture, en viticulture... mais aussi dans le domaine de l’élevage et en ostréiculture.

Genodics, qui revendique un taux de réussite moyen avoisinant les 70%, ne fait que mettre en application les théories de Joël Sternheimer. Le personnage en lui-même est plutôt fascinant : d'un côté physicien théoricien et chercheur diplômé de l'université de Princeton, il est également un chanteur au style psychédélique et totalement surréaliste, connu sous le nom de scène Évariste. 

Alliant les deux facettes de ce mélange pour le moins original, il a donc voulu s'intéresser de près à la musique au sein de ses travaux de recherches :  il s'est fait une spécialité de vouloir décrypter les phénomènes vibratoires et quantiques au sein des plantes, en tentant une approche musicale.

Selon lui, chaque protéine absorbe plusieurs fréquences d'ondes qui, une fois traduites en notes de musique, donneraient une véritable partition pouvant varier selon la complexité de la protéine. On pourrait donc agir directement sur le noyau cellulaire des plantes grâce à des « protéodies » — mot-valise résultant de la contraction de mélodie et de protéine.

Pour composer ces protéodies, Sternheimer ne fait que traduire et convertir l’ondulation des protéines en séquences musicales, qui « ressemblent à des comptines », dont le « tempo, la durée et le volume sonore modulent leur effet : inhiber, ou stimuler une protéine »

Lors du processus de synthèse des protéines, les acides aminés émettent des séquences de signaux quantiques qui constituent une « mélodie » dont chaque note correspond à un acide aminé de la protéine visée. En enchaînant les sons dans le bon ordre, on pourrait donc créer, selon Sternheimer un morceau unique « qui s'harmonise avec la structure interne de l'organisme concerné »

Pour l'instant, aucune expérience en conditions contrôlées n'a permis de reproduire les résultats de Joël Sternheimer. Sa théorie est souvent qualifiée par les sceptiques de « pseudo-science », et il est régulièrement accusé d'être un savant fou, ou un charlatan... Cependant, et quoi qu'on puisse penser du personnage, ses méthodes sont actuellement appliquées au Japon par des chercheurs en sonothérapie, avec d'intéressants résultats.

Enfin, restent les courgettes de Gilles Josuan, et les retours de nombreux autres agriculteurs qui, comme lui, ont témoigné positivement de leur expérience de la musique appliquée à l'agriculture. De quoi nous faire rêver d'un monde où les épandages de pesticides seront emplacés par de gigantesques concerts en plein air au milieu des champs... qui sait ?


Au sujet de l'auteur : Nathan Weber

Journaliste